Journée cruciale que celle d’aujourd’hui
où se réunit la BCE. Sa décision est primordiale pour pouvoir aborder de
nouvelles négociations. La BCE, sous influence allemande, détient la clé d’un
troisième examen des propositions grecques. Or la position allemande est rigide
et est soutenue par les deux principaux partis allemands, ainsi que par une
grande partie de son opinion. C’est donc, à priori, un combat entre deux légitimités,
l’allemande et la grecque. La position allemande n’était pas de faire sortir la
Grèce de la zone euro, pour des motivations que j’ai expliquées dans le
précédent article, mais de faire plier le gouvernement grec. Elle est devenue
encore plus inflexible depuis l’arrivée de Tsipras, gauchiste qui n’a pas ses
entrées dans le milieu bancaire. Mais l’approche des élections pour Angela
Merkel ne lui laisse pas beaucoup de marges de manœuvre. La nouvelle
négociation éventuelle sera orientée par Tsipras sur l’effacement partiel de la
dette ou son étalement dans le temps assorti d’une nouvelle aide ponctuelle d’une
trentaine de milliards. Ces deux sujets sont tabou pour Angela, en particulier
la dette.
Les
tenants de la position dure, dans les différents pays de la zone euro, font
courir le bruit que les peuples européens ont assez donné de prêts à la Grèce
et qu’un abaissement de la dette pour un montant de 107 milliards a déjà été
fait. Les peuples croient ainsi que l’augmentation de leurs impôts provient de
là. Il n’en est rien. A l’époque, ce sont les bailleurs de fonds privés du pays
qui avaient accepté une décote de 50% et de 75% de la valeur faciale de leurs
créances. Quant aux prêts consentis, ils sont consentis par la BCE et le FMI
avec intérêt grâce à leurs fonds propres ou aux liquidités que peut produire
une banque centrale, argent de singe certes mais qui pour l’instant vaut le
vrai. Rien n’est sorti pour l’instant de la poche des contribuables.
Par contre si, à cause du non-paiement des
échéances de sa dette, la Grèce se trouvait en faillite, ce serait une autre
affaire. Il est d’ailleurs facile de la mettre en faillite puisqu’elle ne peut
payer ses dettes qu’en empruntant à nouveau. Il suffit que la BCE ferme le
robinet et c’est ce dont il est question aujourd’hui. Dans ce cas ce sont les
matelas de secours FESF et maintenant MES (Mécanisme Européen de Stabilité),
prévus et dotés régulièrement par les Etats, qui devront répondre aux
créanciers institutionnels à la place de la Grèce. Les comptes publics des
Etats en seront affectés et ils feront alors appel aux contribuables.
La
faillite de la Grèce, volontairement provoquée, se retournerait contre l’Allemagne,
clairement désignée du doigt comme le pays qui provoque un Grexit de fait et
qui fait supporter brusquement la dette grecque aux autres pays. La BCE a déjà
essayé de faire pression sur la Grèce en fermant provisoirement la fourniture
de liquidités aux banques grecques, ce qui a nécessité la fermeture de celles-ci
et la délivrance a minima de cash aux particuliers. C’est visiblement un échec.
La BCE est elle-même à un tournant politique, ce qui n’est normalement pas son
rôle. Tout l’avenir de la Grèce tient dans la position allemande. Le court
terme pousse Angela Merkel à maintenir une position rigide qui aboutit à la
faillite grecque et au Grexit contrairement à son raisonnement à long terme qui
la conduit à maintenir la Grèce dans la zone euro en pariant sur le futur comme
Tsipras.
Il
apparaît qu’un nouveau compromis est inévitable mais en augmentant encore la
pression sur la Grèce tout en la gardant encore dans la zone euro. Mais la zone
euro, elle-même, est alors menacée et les clivages entre pays du nord et pays
du sud ne peuvent qu’augmenter. Elle est à un point de non-retour. Le processus
de désagrégation est enclenché quelle que soit la solution adoptée. Ce peut
être une question de jours ou de mois mais la Grèce vient de donner un coup de
grâce à une monnaie « non optimale » comme le disent les économistes
américains. Pour sauver la Grèce, il faut que la solidarité de la zone euro
fasse un grand pas, loin de tout ce qu’elle a proposé jusqu’ici. Il faut penser
que la Grèce ne peut rembourser qu’une petite partie de la dette et qu’elle a
besoin d’aides sur deux ans ou plus. Il lui faut le temps de prendre les mesures
structurelles indispensables et lancer des investissements dans ses
infrastructures pour relancer l’économie. Or le consensus est loin d’être fait
dans les pays de la zone. L’idéal pour l’Allemagne serait de donner juste ce qu’il
faut pour arracher l’accord de Tsipras mais pas suffisamment pour qu’il puisse
réussir. Alors la faute de la faillite serait celle de la Grèce et la sortie de
l’euro serait obligatoire pour elle, tout en restant dans l’UE. J’ai bien peur
que ce scénario soit appliqué. Si Tsipras sent le piège, il refusera encore l’accord
mais il sera le mauvais élève destiné à mourir politiquement avec la faillite
de son pays.
L’appel
à la démocratie et à la résistance ne sauvera peut-être pas la Grèce d’un
nouveau passage dans la pauvreté mais ce peuple aura retrouvé sa dignité et sa
confiance en lui-même. Il donne une leçon à tous les peuples européens, en
particulier du sud, qui vont mesurer l’échec de l’euro et la politique
antidémocratique de l’UE. La politique allemande, rigide et hégémonique,
apparaîtra au grand jour et des mouvements de protestation vont croître dans
tous les pays du sud. La faillite de l’euro s’est dessinée en Grèce mais celle
de l’UE pourrait suivre sous la pression conjointe de plusieurs peuples en
difficulté.
L’Europe vit un moment historique de son
histoire.
Les USA et la Russie se penchent sur
elle.
Le système monétaire mondial
En sera lui aussi affecté.
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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