La crise grecque est traitée sur un plan
strictement économique (enfin autant qu’on nous le fait savoir) par l’UE et l’eurogroupe,
et ceci contrairement aux Etats-Unis. Ceci n’est pas étonnant si l’on considère
que l’UE n’a pas de politique extérieure autre que la copie et l’« avalisation »
de la politique américaine. Or c’est sans aucun doute à partir d’une analyse
géopolitique que devraient être menées les négociations avec ce pays. L’attitude
des Etats-Unis ne découle elle que de cette analyse et il faut reconnaître que
l’économie est au service de la géopolitique et non l’inverse. La politique
américaine a toujours été orientée sur la maîtrise de l’énergie, et des
ressources naturelles qui la produisent, principalement le pétrole. Le but
était initialement de garantir l’approvisionnement de ce grand pays
consommateur. Depuis que le gaz de schiste a rendu ce pays autosuffisant, cette
politique est restée inchangée mais le but est, soit de priver au maximum les
pays ennemis, ou dangereusement concurrents, de cette ressource indispensable à
leur économie (Chine), soit de la possibilité de l’écouler (Russie) vers les
pays soumis à l’hégémonie américaine (UE).
C’est
ainsi que la politique américaine a finalement considéré que, dans la mesure où
l’Iran est attiré par un partenariat avec les BRICS, en particulier la Russie,
il devient urgent de changer d’attitude envers ce pays. Les USA cherche un
accord « a minima » avec l’Iran sur le dossier nucléaire laissant la France
dans une position dure, ce qui les fait passer du rôle de tyran à celui de
partenaire conciliant. Le but est clair, rendre l’Iran moins permissive à l’attirance
des BRICS, puissance mondiale montante seule capable de briser l’hégémonie
étatsunienne. Le chaos sur l’Irak et la Syrie n’a pas d’autre but que la
soumission de ces pays et la récupération du pétrole par des compagnies privées
de l’occident sous contrôle. Cependant la situation est devenue inextricable
avec un Etat Islamique, maintenu en vie tant que le régime syrien n’est pas
tombé, et une Turquie qui joue son propre jeu avec le règlement (au sens fort
du terme) du problème kurde et une opposition religieuse à l’Arabie saoudite.
Le chaos en Ukraine s’inclut dans l’approche des frontières russes mais aussi
des champs pétrolifères du Caucase.
Depuis
2012, une nouvelle grande zone pétrolifère est soumise à des sondages, celle de
la mer Egée. Trois pays sont concernés, Chypre, la Turquie et la Grèce. Si d’ici
2016, les sondages entrepris par une compagnie américaine confirme les présomptions
géologiques et sismiques, il se pourrait que ce gisement soit d’une importance
mondiale. Les experts parlent de 100 milliards de Barils. Dans les nouvelles
discussions avec la Grèce, on passe sous silence les efforts d’Antonio Samaras,
avant Tsipras, pour jouer la carte des revenus pétroliers et gaziers futurs
pour obtenir des prêts « relais » jusqu’en 2017, prétextant que la
Grèce pourrait devenir le pays européen le plus riche. La Grèce est déjà un
petit producteur de pétrole à hauteur de 0,5% de ses besoins (2000 barils par
jour), mais les perspectives de la mer Egée sont si prometteuses qu’une guerre
Grèce-Turquie a manqué se déclencher sur l’attribution des zones maritimes et
sous-marines, les ZEE. La Grèce possède la seconde plus grande ZEE de
Méditerranée après l’Italie, soit un demi-million de km2, c’est-à-dire 3 fois
la taille du pays ! Au contraire de Chypre, la Grèce n’a pas fait avaliser au
niveau mondial, sa ZEE. Donc le différend Grèce-Turquie n’est pas réglé.
Si l’UE
ne semble prêter aucun intérêt à ce qui pourrait changer non seulement les
perspectives de la Grèce mais de l’Europe toute entière, deux pays, en dehors
de la Turquie, y prêtent une attention particulière, les USA et la Russie. Il s’agit
pour eux d’un enjeu sratégique de grande importance liée à la position
géographique de la Grèce et à ses perspectives pétrolières et gazières. Ce n’est
pas pour rien qu’une compagnie américaine effectue les sondages et que l’on
parle d’une répartition des produits pétroliers espérés entre 60% pour les
américains, 20 % pour les turcs et 20% pour les grecs. La position
géographique de la Grèce dans la Méditerranée est très importante pour l’OTAN. Ceci
suffit déjà pour expliquer l’intérêt des USA pour la Grèce.
Mais
la façon dont l’UE aborde les demandes d’aides grecques montre un obscurantisme
géopolitique européen. La Grèce a des liens historiques avec la Russie,
économiques, culturels et cultuels. Le rapprochement religieux par l’orthodoxie
est fort et Poutine et Tsipras n’ont pas manqué de le rappeler lors de leurs
entrevues. La Grèce a un œil tourné vers la Russie et réciproquement. C’est une
autre raison majeure de l’attention portée par les USA et la pression exercée
sur l’UE pour le maintien de la Grèce dans la zone euro, l’UE et l’OTAN !
D’un autre côté la Russie tisse progressivement des liens économiques et des
accords militaires avec la Grèce. L’abandon du gazoduc South Stream est acté
par Poutine qui n’obtient pas le droit de passage par la Bulgarie, soumise à la
pression de l’UE, et prend en compte la situation à risques présentée par l’Ukraine.
« Nous allons dérouter nos
ressources énergétiques vers d’autres régions du monde et l’Europe ne recevra
plus les mêmes volumes de la Russie, mais c’est le choix de nos amis
européens », avait alors souligné le président russe. Le nouveau
projet, signé par la Turquie et la Grèce désormais, est le Turkish Stream,
pipeline qui passe par la Turquie et arrive en Grèce avec la perspective de
traverser l’Adriatique vers l’Italie. La Russie est prête à consentir deux
milliards pour sa construction afin d’aider
la Grèce qui manque de liquidités.
Guerre
au Moyen-Orient à l’est, chaos en Libye au sud, la situation de l’Europe sur
son flanc oriental est inconfortable. La Grèce, qui est par ailleurs membre de
l’Otan depuis 1952, est en première ligne. En face : la Turquie. Le chaos en
Syrie et Irak d’une part, et la question de Chypre et de la mer Égée, qui
sépare Grèce et Turquie, d’autre part, montrent la position stratégique de ce
pays. Le magazine Orient a titré : “Le
jeu trouble des pays du Golfe et de la Turquie” à propos d’une enquête sur
la guerre contre Daech. Les griefs : le manque de soutien flagrant à la
résistance kurde dans la région comme à Kobané, et les soupçons d’achat
systématique du pétrole de contrebande de Daech par les Turcs. Autre motif de
crainte : le rôle d’Ankara dans les flux migratoires en Europe de réfugiés
depuis le Moyen-Orient. “L’État turc
laisse faire les trafics et se sert de cette pression migratoire dans ses
relations internationales, notamment avec l’Union européenne”, pointe
l’article de la revue Orient.
Il
serait temps que l’UE, à défaut la France, comprenne que si la question
économique peut trouver une solution à 30 milliards et un peu plus d’autonomie
laissée aux grecs, voire un échelonnement de la dette, les conséquences
géopolitiques sont d’une importance capitale pour l’Europe et 2016 c'est demain. Les USA et la
Russie l’ont compris eux !
“Ce que l’on entend dans les rues
d’Athènes ?
Si l’Union européenne croit qu’elle est
notre seule option,
Elle se trompe !”
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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