L’affaire Thierry Lepaon, Secrétaire
général de la CGT, jette le regard de
l’actualité sur la gestion opaque des syndicats dont 80% des recettes
proviennent des subventions de l’État. La participation des syndicats dans la
gestion de la Sécurité Sociale et dans les comités d’entreprise laisse de
nombreuses occasions de détournement d’argent. Ce n’est un mystère que pour
ceux qui veulent fermer les yeux. Par ailleurs le syndicalisme français est
celui qui est le moins bien représenté par la base. Le taux de syndicalisation
est l'un des plus bas du monde avec à peine 7,7 % des salariés, contre une
moyenne de 25% en Europe et 67% en Suède. Il est plus important chez les
fonctionnaires. Environ 4 syndiqués sur 5 sont fonctionnaires.
Gestion
opaque, privilèges non contrôlés de la hiérarchie, faible représentation, n’empêchent
pas les syndicats de peser sur le fonctionnement de l’Etat et des entreprises.
La législation les désigne comme les seuls représentants des salariés. La
représentation importante de fonctionnaires leur permet de faire pression sur
l’Etat-patron avec l’avantage que dans la plupart des cas, la grève perturbe
peu les citoyens surtout celle des impôts, un peu plus les entreprises mais
surtout l’État. Celui-ci est prompt à écouter les revendications et des
avantages autres que salariaux sont facilement accordés. La sécurité de
l’emploi rend le gréviste facilement mobilisable.
Il
ne faut pas voir beaucoup plus loin l’augmentation jusque-là irrépressible du
nombre de fonctionnaires en particulier dans l’administration alors que les
salariés de terrain sont souvent en sous-nombre comme dans les hôpitaux. C’est
l’administration qui embauche et charité bien ordonnée commence par elle-même.
Le syndicalisme à l’EDF est puissant parce que priver d’électricité la
population a un retentissement énorme. Il en est de même à la SNCF. Ils ne se
privent pas de profiter de leur impact sur le fonctionnement de la nation. A
contrario les salariés des grosses entreprises sont souvent poussés à des
actions violentes en dehors du périmètre de l’entreprise. Cependant j’ai pu constater
que l’arrivée des forces de l’ordre était généralement difficile à obtenir même
lorsqu’une bonne partie du personnel ne souhaite pas la grève et est empêchée
de travailler.
Le
syndicalisme français a une puissance qui ne peut refléter l’opinion des
salariés d’une entité donnée avec un pourcentage aussi faible. Cela donne lieu
à une gouvernance par le haut où l’on se taille des postes très bien rémunérés
pour des batailles qui sont souvent celles qui permettent de mettre le patronat
sous pression permanente juste pour montrer leur puissance de nuisance. C’est
ainsi qu’une entreprise qui avait dépassé la centaine d’employés et tenue de
créer entre autres un comité d’entreprise a reçu une visite du délégué régional
pour entendre ces premiers mots « De toutes façons les patrons sont des
salauds ». C’est dans cette ambiance qu’une jeune entreprise commence son
arrivée dans le monde syndical.
Je
peux citer un autre cas représentatif de la façon dont le syndicalisme français
fonctionne avec une histoire vécue. Lors d’une importante modification de
l’outil de production de l’entreprise, sous peine de perdre un gros client, le
comité d’entreprise se réunit pour juger de l’opportunité des changements de
poste du personnel ainsi engendrés. Devant le refus des syndicats de tout
changement qui ne permettrait pas à chacun de gagner plus ou autant en
travaillant moins, la direction lance : « Avez-vous une meilleure
solution à proposer ? ». Réponse : « Ce n’est pas notre
affaire, nous on est là pour accepter ou non ».
Trop
faiblement représentés, trop nombreux de plus, les syndicats jouent leur jeu
personnel et la concertation est comprise comme un affrontement où de chaque
côté de la table chacun tire la nappe vers lui. De plus chaque accord est
précaire, rarement signé pour une durée. Quand c’est le cas, il n’est jamais
interdit de le remettre en cause avant expiration. L’entreprise est donc dans
un univers social instable qui favorise la création de CDD plutôt que de CDI
pour disposer d’une paix sociale moins précaire entre autres.
Le
syndicalisme est nécessaire mais le syndicalisme français devient nuisible s’il
ne se réforme pas. Dans toute entreprise où le contact individuel entre patron
et employé n’est plus possible à cause du nombre, la représentation syndicale est
nécessaire et utile aux deux partis. Il est temps de s’orienter vers un
syndicalisme à l’allemande où les pourparlers sont longs mais dans un esprit
constructif où syndicats et patron collaborent pour tenir compte au mieux de la
conjoncture dans laquelle baigne l’entreprise. Les salariés acceptent des
sacrifices pendant les vaches maigres, parce que la confiance règne, mais le
patron ne renie pas ses engagements de redistribution quand arrivent les vaches
grasses. Il s’ensuit un esprit de corps très bénéfique à l’emprise et à sa
productivité. Tant du côté patronal que syndical, une réforme des relations sociales est
devenue urgente.
Lorsque les idées ne viennent que d’en
haut
Il y a de bonnes chances de
dépérissement.
Lorsque les idées du bas restent en bas
Tout le monde devient perdant !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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