Si
le traité de Maastricht a amené l’euro dès 1999, et dans nos portefeuilles en
2002, créant une première scission entre les pays de l’UE, la Convention de
Schengen, signée entre les cinq pays concernés de l’époque en 1995 dans ce
village luxembourgeois, a trouvé son institutionnalisation par le traité
d’Amsterdam le 2 octobre 1997. Il a délimité un territoire, communément appelé
« espace Schengen », ouvert à la libre circulation des personnes et
des marchandises, mais a aussi institué une coopération policière, et sur l'immigration
et l'asile, dont on voit nettement aujourd’hui les implications. Mais ce traité
va ouvrir une nouvelle voie de cacophonie avec des choix d’entrée laissés aux
pays de l’UE mais aussi à des pays européens extérieurs à l’UE. Les accords
sont aussi acquis avec des exceptions qui rendent la cohésion européenne très
compliquée. Il est ainsi particulièrement intéressant de noter que la Grèce qui
a adhéré le 8 décembre 1997, n'applique l'accord que dans les aéroports et les
ports (principalement liaisons entre Igoumenitsa et différents ports italiens),
n'ayant pas de frontières terrestres avec un autre État appliquant les accords
de Schengen. De plus, ce pays n'applique pas la convention de Schengen pour les
ressortissants de la République de Macédoine. On comprend aujourd’hui que le
problème de la vague migratoire arrivant en Grèce met cette exception à l’ordre
du jour et ne peut aboutir qu’à des décisions inefficaces. Elles ouvrent la
porte à de nouvelles décisions d’exception.
A l’entrée du 21ème siècle,
l’Europe des six sera passée à l’Europe des quinze en moins d’un demi-siècle.
Elle est alors profondément occidentale
et nordique. Le traité de Maastricht et celui d’Amsterdam l’ont marquée par
deux évènements majeurs, un espace territorial partiel de libre circulation des
personnes et des marchandises, mais aussi une libre circulation des capitaux
cette fois au sein de toute l’UE. Ce dernier point a peu intéressé les
citoyens, c’est pourtant un point capital, si je puis dire. Le Royaume-Uni y est
inclus, hors euro et hors espace Schengen. Pour la grande finance new-yorkaise et
la City, le reste importait peu. A ce stade on sent déjà que la coordination,
entre d’une part les pays de culture hanséatique au nord, et d’autre part ceux de
culture catholique et méditerranéenne au sud, ne va pas être facile. Cette
dernière a d’ailleurs été symbolisée plus tard par le surnom de pays du club
Med. Il faut noter que la France occupait alors une partie centrale de l’UE lui
donnant un pouvoir géographique indéniable.
L’Allemagne au contraire, en phase finale de digestion de sa
réunification et en possession d’un euromark fort, visait l’extension de l’UE
vers l’est pour trouver des débouchés économiques et de la main-d’œuvre bon
marché dans son aire germanique, et se repositionner en place centrale de
l’Europe. Berlin voulait redevenir l’Aix-la-Chapelle de Charlemagne.
L’UE,
qui n’avait pas réussi une union monétaire complète avec l’euro, n’avait pas
perdu son envie d’agrandissement qui s’est concrétisée dans le traité de Nice du 26 février 2001.
Signé par les quinze pays de l’UE, il est passé à tort un peu dans l’oubli. Il
fixa pourtant les principes et les méthodes d'évolution du système
institutionnel au fur et à mesure que l'UE s'élargissait avec l'entrée des Pays
d’Europe centrale et orientale (« PECO »). Les modalités de prise de
décision au sein des institutions ont dû faire l'objet d'adaptations. Une
nouvelle répartition des voix attribuées à chaque État au Conseil, ainsi que la
définition d'un nouveau calcul de la majorité qualifiée, ont paru nécessaires
au bon fonctionnement de cette instance décisionnelle menacée déjà de
paralysie. Le calcul de la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’Union
Européenne est changé ainsi que le nombre maximal de 732 de députés du
Parlement européen et la composition de la Commission européenne. Ce traité
marque le départ vers l’inconnu d’un élargissement sans limite, dont nous
voyons aujourd’hui le résultat, vers lequel nous pousse l’OTAN jusqu’aux
frontières de la Russie. Il marque aussi la volonté non-démocratique inculquée
aux dirigeants des principaux pays. Le
traité de Nice et l'élargissement ont fait l'objet d'un référendum en juin 2001
en Irlande. Les Irlandais avaient alors dit « non » le 9 juin ;
après un second référendum, ils ont finalement ratifié le traité. Votez
« oui » quand on vous dit de voter « oui », cela fera
gagner du temps ou alors on se passera de référendum.
Il
est notable que la France n’a pas demandé de référendum alors que le traité de
Nice signe sa perte d’influence future. Il s’agit de l’une des erreurs majeures
de la troisième cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. Non
seulement l’UE va basculer dans des difficultés de convergence d’opinions et va
perdre tout crédit en politique étrangère. Trois nations vont alors chercher à
s’imposer, le Royaume-Uni avec la finance, la France avec son influence
méditerranéenne et africaine, et l’Allemagne avec une monnaie adaptée à son
économie. Les Etats-Unis vont, par la suite et jusqu’à aujourd’hui jouer sur
ces trois registres. La volonté d’élargissement se concrétise dans le traité d’Athènes signé le 16 avril 2003
après le vote du Parlement européen. Elle autorise l’adhésion de dix nouveaux
pays qui va s’échelonner de 2003 à 2015 : la Pologne (2003), la République
tchèque (2004), la Hongrie (2004), la Slovénie (2007), les îles
méditerranéennes (2008) de Malte et de Chypre, y compris la zone sous contrôle
turque ( ! ), la Slovaquie (2009), l'Estonie (2011), la Lettonie (2014),
la Lituanie (2015).
Le décor du futur de l’UE venait de s’écrire.
Sans pouvoir politique, sans défense, l’UE entendait s’étendre dans une
mondialisation sensée pacifique. Mais la politique hégémonique américaine est
déjà à l’œuvre. Le 10 juin 1999, le Conseil de sécurité des Nations unies
adoptait la résolution 1244 mettant fin à la guerre au Kosovo et aux
bombardements de l'OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie (RFY). Le
même jour, lors d'une rencontre à Cologne, les ministres des affaires
étrangères de trente-huit pays et quinze organisations internationales,
répondant à un appel de l'Union européenne, approuvaient le Pacte de stabilité
pour l'Europe du Sud-Est, marquant ainsi le début d'une nouvelle phase de la
politique internationale à l'égard des Balkans. Destiné à coordonner les
acteurs et programmes impliqués dans les Balkans (Union européenne, OTAN,
Organisation pour la coopération et la coopération en Europe (OSCE), Fonds
monétaire international (FMI), Banque mondiale, pays donateurs et organisations
non-gouvernementales), le Pacte était ouvert à tous les pays de l'Europe du
Sud-Est, à l'exception de la République fédérale de Yougoslavie dirigée à
l'époque par Slobodan Milosevic et composée de la Serbie et du Monténégro. Ceci
aboutit à la mainmise américaine sur cette région balkanisée par le biais du
FMI, et de l’OTAN qui implanta la base militaire Camp Bondsteel, au Kosovo.
Cette base, qui peut accueillir jusqu’à 7.000 hommes, a été soupçonnée par
ailleurs d’être un mini Guantánamo de la CIA.
Dès
la fin de la guerre des Balkans, Georges Soros et ses ONG, le milliardaire
américain financier des révolutions dites « colorées » soutenues par
le Département d’État américain, étaient à l’œuvre, ainsi que le CFR de
New-York, cercle d’influence créée par les Rockfeller et ses amis banquiers, JP
Morgan en tête, durant les négociations de paix de Versailles en 1919 afin de
coordonner la politique étrangère globale anglo-américaine. Il fait partie de la triade du Nouvel Ordre Mondial (Bilderberg, Trilatérale, CFR). L’implantation de l’OTAN
au cœur de l’Europe du Sud-Est ne faisait que commencer. C’est aussi les
prémices de la violation de l’accord signé par Gorbatchev au nom de l’URSS qui
stipulait le décrochage des républiques soviétiques de la fédération de Russie
avec la contrepartie d’un non accès de l’OTAN aux pays limitrophes de la
Russie. Avec l’entrée, prévue bien que non encore réalisée, des trois pays baltes, Estonie, Lettonie, Lituanie, la
frontière de la Russie était atteinte ainsi que son enclave de Kaliningrad en Lituanie. Par
ailleurs dès 2004, les écarts entre les économies des différents pays ont recommencé
à se creuser. Les politiques nationales menées sacrifiaient à la dette publique
et le taux de chômage frisait toujours les 10% en France. A l’extérieur la
guerre d’Irak, déclenchée par Bush sur un prétexte mensonger, complétait la
vision hégémonique de la politique américaine qui entendait s’implanter
économiquement et militairement en Irak, et maîtriser tout le Golfe Persique.
Pour la dernière fois sans doute, la France affichait sa souveraineté en
refusant d’y participer.
Tout
ce qui s’est passé ensuite et dont nous parlerons prochainement était en train
de s’écrire. L’Union Européenne allait devenir un espace de juxtaposition de
pays, guidés par une politique étasunienne, vers un fédéralisme non assumé par
les peuples, mais terrain de jeu des banquiers et des multinationales qui
feront plier les gouvernements, et de l’OTAN qui enverra notre pays dans ses
guerres pour la « démocratie (?) » et finira par s’implanter
partout en Europe toujours plus près de l’ennemi diabolisé russe. L'Empire européen mal ficelé se préparait à se fissurer au premier séisme.
On ne peut voir clair dans le jeu des
nations
Sans se pencher sur l’histoire récente.
On lit alors comme dans un livre
Tout ce que l’on nous cache,
Les vrais buts visés !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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