L’Europe
était un rêve, elle tourne au cauchemar. La France devait y faire souffler un
vent de liberté, de démocratie, de prospérité, de paix et de progrès social.
Partant de la Communauté européenne Charbon-Acier
(CECA), les bienfaits de l’union ont séduit les pragmatiques, les
idéalistes ont rêvé de l’Europe sans frontières et de la colombe de la paix. Créée
en 1957 par le traité de Rome, la Communauté
Economique Européenne (CEE) poursuivait le rêve de l'œuvre de construction
européenne entreprise. C’était l’époque de la suppression progressive des
barrières douanières, et la mise en place de tarifs douaniers communs avec
l'extérieur. Rassemblant dès 1957 6 pays (France, République Fédérale
d'Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), le français se
réjouissait de voyager sans contrainte
dans des pays aux économies solides et le monde économique voyait s’ouvrir un
plus large marché. Il scellait de plus le processus de réconciliation avec l’Allemagne.
Ce
fut une quinzaine d’années où l’euphorie européenne régnait même si la France se
battait en Algérie jusqu’en 1962. Les idéalistes continuaient à rêver d’une
grande Europe sans frontières où tous les peuples seraient fraternellement unis
dans une communauté démocratique et sociale. Les pragmatiques y voyaient la
perspective d’un plus grand marché bénéfique aux consommateurs et aux
entreprises. Cependant le Royaume-Uni réagissait sur le plan économique dès
1960 et créait l’Association européenne de libre-échange (AELE) entre sept pays, en ajoutant le Danemark, la Norvège,
la Suisse, le Portugal, l’Autriche et la Suède. L’AELE était rejointe par l’Islande
en 1970. Une compétition sur l’avenir de l’Europe prenait forme avec une
conception affichée de libre-échange économique du côté de l’AELE, et une
vocation fédéraliste à terme de la CEE prônée par Jean Monnet. L’Europe
marchait sur deux voies parallèles avec deux leaders distincts, le Royaume-Uni d’un
côté et le couple franco-allemand de l’autre.
Mais quatre pays avait fait une demande d’entrée
dans l’UE : Le Royaume-Uni, l’Irlande, la Norvège et le Danemark. Toutefois, le président Charles de Gaulle
voyant l'entrée du Royaume-Uni comme un cheval de Troie américain utilisa son
droit de veto, et les demandes des quatre pays furent rejetées. La CEE
s'élargit en 1973 avec l'entrée du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark après
le départ du pouvoir de De Gaulle en 1969 et la levée du véto par Georges
Pompidou. 1973 fut une date doublement
importante. C’est d’abord l’entrée du Royaume-Uni mais aussi le premier coup de
canif dans l’insertion américaine dans le fonctionnement de la communauté
redoutée par De Gaulle et dont on voit nettement l’emprise sur elle. Cette
Europe à 10 est sans aucun doute le point culminant d’une Europe des nations
telle que l’imaginait la France de De Gaulle, mais on voyait déjà le
fédéralisme sous contrainte américaine se mettre en place.
En
1979 le Parlement européen passe définitivement de la nomination de ses membres
à une procédure élective dans tous les pays. En 1981 l’entrée de la Grèce
marque le premier faux pas dans la construction d’une Europe reliant des pays
aux économies et aux niveaux sociaux proches, comme on l’a constaté dès 2008. En
1986 l’entrée de l’Espagne et du Portugal scelle la façade ouest de la CEE, l’Europe
à 12 reste encore viable même si les disparités sociales et économiques
commencent à se faire sentir avec deux pays en retrait, la Grèce et le Portugal.
Ces deux derniers voient arriver des aides financières importantes sans pour
autant faire les efforts structurels nécessaires. En 1987 la Turquie devint
officiellement candidate à l'adhésion ce qui marqua le début du plus long processus
d'adhésion d'un pays. Le grand tournant se passe en 1990 avec la réunification
de l’Allemagne. Pour la CEE, il ne s'agit pas d'un nouvel élargissement, mais
d'une extension de la RFA. Aucune procédure d'adhésion n'est nécessaire, mais
des modifications institutionnelles ont tenu compte du poids nouveau de
l'Allemagne. C’est l’arrivée de l’Allemagne avec un mark fort et un poids
démographique qui en fait la plus grande nation européenne. On voit aujourd’hui
que l’unification de l’Allemagne et la demande de la Turquie sont déjà deux
évènements qui auront des répercussions fondamentales encore aujourd’hui.
Mais dès février 1986 l'Acte unique européen a
entrainé des réformes institutionnelles, une extension des pouvoirs, de la
coopération en politique étrangère et le marché unique. Il fut effectif le 1er
juillet 1987 et prépara le traité de
Maastricht, accepté le 10 décembre 1991, ratifié l'année suivante, et qui
prit effet le 1er novembre 1993 établissant l'Union Européenne et la fin de la CEE. L’Europe fédérale hésite
encore. L’orientation supranationale de la CEE se transmet à l’UE mais la Cour
de justice, le Parlement et la Commission restent dans une logique
intergouvernementale. C’est pourtant cette orientation supranationale qui va
être le fil rouge de tout ce qui va suivre. Le traité de Maastricht fut le
dernier moment où la France crut encore jouer un rôle de leader et pensa
menotter l’Allemagne avec une monnaie unique en gestation qui devait remplacer
l'ECU, « l'unité de compte européenne », mise en service en 1979.
Ce fut une grande erreur économique, dont la France est finalement responsable,
car l’ECU avait une flexibilité,
limitée mais efficace, entre les monnaies nationales qui n’aurait pas conduit
aujourd’hui à une disparité grandissante entre les économies des différents
pays.
Pendant ce temps, la vocation d’agrandissement
de l’UE allait se concrétiser par l’entrée de la Suède, de la Finlande et de l’Autriche
en 1995. Mais dès 2000, l’euro, devenu l’euromark, allait opérer la lente
décomposition de l’UE après une période euphorique jusqu’en 2003. Il marquait
la première bifurcation dans les pays de l’Union. Le traité de Maastricht signé
en 1992 oblige la plupart des états de l'UE à adopter l'euro dès qu'ils
respectent certains critères monétaires et budgétaires, dits de convergence. Le
Royaume-Uni et le Danemark ont cependant obtenu des options de retrait, tandis
que la Suède (qui a rejoint l'UE en 1995 soit après la signature du traité de
Maastricht) a refusé d'introduire l'euro après un référendum négatif en 2003,
et a contourné l'obligation d'adopter l'euro en ne respectant pas un des
critères de convergence. C’est la première manifestation de la cacophonie de l’Union,
cacophonie qui va s’aggraver.
Mais
une autre déception était née de 1991 à 1999, ce fut la guerre de l’ex-Yougoslavie,
ou troisième guerre Balkanique qui fit 300.000 morts et 4 millions de personnes
déplacées. L’UE a montré son incapacité à faire seule régner la paix et la fin
de celle-ci ne fut obtenue que par l’intervention américaine, enfin de l’OTAN.
Ce fut aussi l’intervention de l’Allemagne qui a imposé le découpage dans une
région de son influence historique au détriment de la Serbie. Les conflits ont
pour cause première les tensions ethniques et politiques entre gouvernements
serbe et macédonien d'une part et les albanais d'autre part. Le nouveau
découpage territorial ne les a pas éteints et la paix reste fragile. La guerre
couve toujours. C’est la première illustration de la dépendance de l’UE aux États-Unis.
La dualité entre l’union politique et la
zone de libre-échange,
La dualité entre le fédéralisme et le
souverainisme,
La dualité entre l’atlantisme et l’« eurasisme »,
Sont les cailloux dans la chaussure de l’UE
Qui en font un géant cacophonique !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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