L’encre
du Traité de Lisbonne de 2007 était à peine sèche que la crise bancaire et
financière de l’automne 2008 frappait les États-Unis et par contrecoup l’ensemble
de la planète. Les peuples se sont alors rendu compte de ce que voulait dire l’appellation
de « crise systémique ». Elle est le résultat de la mondialisation
incluant l’interconnexion plus ou moins serrée entre les banques du monde
entier. Elle faisait suite à la « crise des subprimes », déclenchée
au deuxième semestre 2006 avec le krach des prêts immobiliers (hypothécaires) à
risque aux États-Unis. Cette crise de confiance générale dans le système
financier a causé une première chute des marchés boursiers à l'été 2007
provoquée par un arrêt temporaire de la spéculation. Le trouble était désormais
localisé dans le marché interbancaire qui permet le refinancement des banques. À
partir de l'été 2007, les banques du monde entier ont dû passer chaque
trimestre dans leurs comptes des dépréciations de la valeur de leurs actifs
liées aux subprimes. De l'été
2007 à l'été 2008, ces dépréciations ont totalisé 500 milliards de dollars,
ce qui a fait chuter d'autant les capitaux propres des banques. Certaines ont
épongé ces pertes grâce à des augmentations de capital, en vendant en bourse de
nouvelles actions pour un total de 300 milliards de dollars à la mi-2008.
On va alors
entrer dans une seconde phase de la crise commencée en 2006. Celle-ci est
fortement marquée par une crise bancaire qui commence durant la semaine du 14 septembre
2008 lorsque plusieurs établissements financiers américains entrent en
cessation de paiement, et sont soit sauvés in extremis par la Réserve
fédérale américaine (Fed) – comme la compagnie d'assurance AIG –, soit rachetés
par des concurrents en meilleure situation, soit mis en liquidation – comme Lehman
Brothers dont chacun d’entre nous se souvient. Ceci a contraint les gouvernements
et les banques centrales à réagir à un début de crise systémique de manière
plus ou moins concertée et sur le court terme. Parmi ces mesures on peut citer
celle du gouvernement des États-Unis qui a repris via une structure de « défaisance »
une partie des « actifs toxiques » détenus par les banques (première
phase du Plan Paulson). Des pays endettés en monnaie étrangère comme l'Islande
et l'Ukraine, ont connu une forte dévaluation de leur monnaie et sont entrés
dans une situation de cessation de paiement, qu'une aide financière du FMI a
résolue… provisoirement.
Par
ces répercussions économiques, cette aggravation de la crise financière a
fortement accentué la récession entamée début 2008 et a obligé de nombreux
gouvernements, dont la France, à lancer des plans de relance en aggravant la
dette. Cette crise va toucher les actionnaires petits ou grands. Le 3 novembre,
Le Figaro titre que les actionnaires ont perdu 20 000 milliards de
dollars entre la fin 2007 et le 29 octobre 2008 soit « l'équivalent de la moitié des richesses
produites en un an sur la planète ou dix fois le produit intérieur brut de la
France ». Des plans de sauvetage du secteur bancaire, menacé de
défaillances en chaîne, vont être lancés aux États-Unis, dans les pays
européens et dans de nombreux autres pays du monde. Ces plans ont le plus
souvent deux grands acteurs : les gouvernements et les banques centrales
(institutions indépendantes des gouvernements aux États-Unis et dans la zone
euro).
Mais
la structure de « défaisance » mis en place par les USA va coûter 700
milliards de dollars au trésor américain. En France, les opérations des banques
garanties par l'État vont coûter 320 milliards d'euros et l’aide à la recapitalisation
des banques 40 milliards d'euros. Les pays européens de la zone euro vont
constater que l’euro ne les protège pas d’une crise systémique due à la
globalisation dans le système économique et bancaire. Les épargnants font
comprendre qu’ils ne sont pas plus protégés. Le 7 janvier 2009 en France, le
chef de l'État annonce un nouveau soutien aux banques d'un montant estimé à
10,5 milliards d'euros. Les gouvernements ont dû réagir pour éviter d’entrer
dans un cycle infernal. Le renforcement de la crise financière a été un facteur
d'aggravation et de propagation de la crise économique, via la crise de
liquidité, le resserrement du crédit et l'effet richesse (la forte baisse de
valeur des actifs boursiers réduit la valeur de l'épargne de ceux qui
détiennent ces actifs, et les incite à épargner davantage – et donc à moins consommer
– pour reconstituer leur épargne). L'économie de tous les pays est touchée de
manière plus ou moins prononcée, via une réduction de la croissance économique
et une hausse du chômage.
Le sommet du G20 à Washington de la mi-novembre 2008
acte l’internationalisation de la crise. La question des mesures structurelles
visant à modifier l'architecture financière et bancaire est dès lors posée. On
peut même dire que la refonte du système bancaire et financier va rester un
problème non résolu jusqu’à nos jours, mais que son urgence croît chaque jour
et qu’il vient s’y ajouter une réforme du système monétaire international. Là
encore l’indépendance de la BCE et l’euro n’ont en rien aidé les pays à réagir,
la dévaluation étant impossible dans la zone euro. Il est particulièrement
intéressant de regarder ce qui s’est passé en Suède à l’automne 2008 sur la
couronne suédoise et ce qu’il en est aujourd’hui. La couronne suédoise (SEK) s’est
dévaluée de l’ordre de 25% par rapport à l’euro. Un an plus tard avait repris
10% sur l’euro. Depuis le référendum de 2003 rejetant l’euro, la SEK
flotte donc librement face à toutes les autres devises du monde. Aujourd’hui
une SEK vaut 0,108 € alors qu’elle valait 0,100 € en septembre 2001 avant l’arrivée
de l’euro. Elle montre ainsi la sagesse de son peuple. Avec une croissance en
2014 de plus de 2,2%, une balance des paiement excédentaire de plus de 6%, un
taux d’emploi de près de 75% et un taux de chômage de moins de 8%, la Suède
peut servir de modèle à la France. Elle peut aussi montrer que la vie est
possible en dehors de l’euro… n’est-ce pas Monsieur Juppé, le père catastrophe ?
Il nous reste à voir comment la France et l’UE ont évolué depuis 2009,
dans l’après-crise si tant est que l’on peut dire qu’elle est finie. La course
au fédéralisme, à l'OTAN et à la monnaie unique n’ont rien apporté au citoyen de base
sinon une perte de démocratie. L’Europe est néanmoins restée économiquement à
la traîne des États-Unis et on verra que rien ne s’est arrangé depuis si l’on
en croit Martin Schulz, président du Parlement européen, et Donald Tusk, qui
n’est rien de moins que le président du Conseil européen, mais que tout le
monde connait... Non ?
L’Europe
est une promesse qui n’a pas été tenue à l’égard
de générations contraintes à des sacrifices
pour « sauver des banques »
Martin Schulz
« Le
rêve d’un seul État européen,
d’une seule nation européenne,
est une illusion »
Donald Tusk
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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