L’année
2011 commence mal et cela va continuer. Le
5 janvier un attentat à la grenade atteint l’ambassade de France à Bamako, blessant
deux maliens. Le terroriste est arrêté. Il s'agit d'un Tunisien de 25 ans qui a
affirmé aux policiers qu'il avait voulu prouver à d'« anciens camarades » d'Al-Qaïda au Maghreb islamique qu'il
était « capable de frapper un grand
coup tout seul ». La propagation de l’influence des pays sunnites du
Moyen-Orient est ensuite confirmée par l’arrestation d’un imam radical, « intégriste notoire », « fortement soupçonné » d'être en relation avec AQMI. Deux
versions s’affrontent sur l’enlèvement de deux français, enlevés au Niger et
décédés, entre le gouvernement français et Al-Qaïda qui prétend que l’un des
deux a été tué par « les avions français [qui] ont bombardé les
véhicules des moujahidines ». Mais
l’évènement précurseur, de ce qui va suivre tout autour de la Méditerranée c’est
la Révolution tunisienne de 2010-2011, parfois appelée « Révolution
de jasmin ». C’est une révolution considérée comme essentiellement
non violente, qui par une suite de manifestations et de sit-in durant quatre
semaines entre décembre 2010 et janvier 2011, a abouti le 14 janvier au départ
du président de la République de Tunisie, Zine el-Abidine Ben Ali, en poste
depuis 1987.
Ces évènements
vont avoir des prolongements jusqu’à aujourd’hui. En France la scission qui
aura lieu plus tard entre Mme Le Pen et son père entre dans sa première phase
pour le choix du successeur à la tête du mouvement. Il faudra cinq ans de plus
au parti pour clarifier les choses. Au Portugal le président du parti social-démocrate
est réélu avec 53 % des voix le 23 janvier. Mais un évènement important
est révélé le premier février : le taux de chômage en Allemagne atteint
son plus-bas niveau historique depuis 1992 à 7,4 % de la population
active. L’Allemagne, qui avait accusé plus fortement la crise de 2008 que la France
par suite de la plus grande dépendance de son économie à l’exportation, montre
que les réformes structurelles engagées depuis 2005 maintiennent l’emploi au
prix du gel des salaires. C’est toute la politique économique de l’UE qui en
sera influencée. En France le remaniement du gouvernement Fillon en février est
moins important que la décision de Nathalie Kosciusko-Morizet de supprimer
l'autorisation de prospection du gaz de schiste en France. C’est la concession
de la droite à l’écologisme qui fait fi du bon sens et qui va marquer toute la
période de mise place des énergies renouvelables.
C’est aussi la promulgation, le 14 mars, de la loi LOPPSI
2 qui renforce l'arsenal juridique à disposition de la police pour la lutte
contre la délinquance et augmente les sanctions pénales. Mais les possibilités de
censure, de contrôle du web et les possibles atteintes à la vie privée de cette
loi, suscitent de nombreuses
inquiétudes poussant le Conseil constitutionnel à invalider une dizaine d’articles.
C’est le commencement de ce qui nous conduira cinq ans plus tard à l’état d’urgence
et à un nouveau tour de vis sur les libertés individuelles. Mais le fait majeur
c’est l’Opération Harmattan. L'armée de l'air et la marine nationale
interviennent en Libye le 19 mars contre les forces du colonel Kadhafi sous
mandat de l'ONU aux côtés du Royaume-Uni, du Canada et des Etats-Unis sous l’égide
de l’OTAN. Cette intervention a été déclenchée sous le prétexte d’une prétendue
répression sanglante annoncée par Kadhafi contre les forces opposées au régime.
L’opération durera jusqu’au 31 octobre 2011.
Cette opération est le premier exemple de ce
qui va suivre jusqu’à aujourd’hui sur plusieurs points. D’abord c’est la première
manifestation notoire de l’Allemagne dans la politique mondiale. Elle s’oppose
à la France sur la création d’une zone d’exclusion aérienne. Cette affaire
tourne à l’avantage de la France grâce à l’appui… du Qatar et de l’Arabie
Saoudite. Le 17 mars Alain Juppé, avec l’appui de la Ligue arabe, emporte la
décision du Royaume-Uni, des Etats-Unis et celle de l’ONU en prétendant que l’avancée
des troupes de Kadhafi sur Bengazi signifie des massacres de grande ampleur. Le
lendemain, le régime de Mouammar Kadhafi annonce un cessez-le-feu et la
fermeture de leur espace aérien, pour se « conformer à la résolution de l'ONU ». Sans en tenir compte et
dès le 19 mars, les premiers bombardements s’abattent sur la Libye. Le 28 mars,
des patrouilles mixtes de Mirage 2000-5 français et qataris ont débuté depuis
la base aérienne de La Sude située en Crète. Le Parlement français n’a été
consulté que le 12 Juillet soit quatre mois après comme le voulait une nouvelle
disposition constitutionnelle prévoyant un vote du Parlement à l’issue de trois
mois d’opérations extérieures.
Le vote donna
une écrasante majorité pour la prolongation de la guerre par 482 voix contre 27.
Le processus de collusion gauche-droite était enclenché alors que le Parlement,
par manque de temps et de renseignements contradictoires, en particulier sur l’inventaire
des crimes respectifs de l’armée et des rebelles, n’a fait qu’avaliser le
discours de l’exécutif. On sait aujourd’hui que de nombreux crimes imputés au
gouvernement de Tripoli n’ont pas existé et que le carnage évoqué dans Benghazi
était un argument sans consistance réelle. On sait aussi depuis que ceci était
planifié par Washington dès 2002, que la tentative de putsch était organisée
par Paris en 2010 et qu’il existait des protocoles secrets du Traité de
Lancaster House du 2 novembre 2010. Enfin on sait aussi que les pays du Golfe
dont l’Arabie Saoudite soutenaient les rebelles de Benghazi. C’est aussi la
deuxième fois avec la Tunisie que la France reçoit les représentants rebelles d’un
pays et les officialise. Ce scénario va se répéter en Syrie par la suite mais
pas en Ukraine évidemment.
C’est aussi le début du droit d’ingérence sans couverture de l’ONU. En
effet par la résolution 1973 du Conseil de Sécurité, Il s’agissait
exclusivement de protéger les civils de tous bords en instituant une zone
d’exclusion aérienne. Or, cette zone n’a jamais été mise en œuvre puisque l’aéroport
de Benghazi fonctionnait. Surtout l’OTAN n’a jamais cherché à protéger les
civils puisqu’au contraire, elle a couvert les crimes de guerre d’Al-Qaïda en
Cyrénaïque. À la place, l’OTAN a détruit l’essentiel des capacités militaires
de la Libye et des infrastructures non-pétrolières (ces dernières sont restées intactes
en vue du pillage à venir). Elle a mené une politique d’assassinat ciblé contre
les familles des dirigeants libyens et a lancé une traque contre la personne de
Mouammar Kadhafi. En outre l’OTAN a violé l’embargo sur les armes à destination
du pays et a institué un blocus maritime illégal pour affamer la Tripolitaine.
En dehors de la mort horrible de Kadhafi, qui n’honore
pas la coalition, celui-ci n’aura même pas le procès dans lequel il aurait eu sûrement
beaucoup de choses à dire (*), on note que nos parlementaires français se sont transformés
en chambre d’enregistrement sans s’interroger sur le but, la légitimité et sans
mesurer l’ampleur de leur décision sur le futur de notre pays. La France venait
d’entrer dans la guerre et pour longtemps en parfait larbin de la volonté
américaine qui lui donnait le droit de s’asseoir sur les directives
internationales. Elle a mené cette politique jusqu’à aujourd’hui se plaçant
comme l’un des pays les plus guerriers et interventionnistes du monde. C’est cette
collusion gauche-droite qui empêche tout débat effectif, leur combat ne se
déroulant plus qu’à la marge comme on le voit pour la loi Macron2 dite El Khomri.
Il faut encore citer deux faits révélateurs de la mascarade américaine. Tout
d’abord citons la mort d'Oussama ben Laden, né le 10 mars 1957, islamiste apatride,
dirigeant principal du réseau jihadiste Al-Qaïda, « tué » au Pakistan
par les forces américaines dans un scénario télévisé mais mort réellement dans
un pays du Golfe bien avant (photo truquée, immersion rapide en mer contrairement
au rite musulman et sans autopsie). Puis ce fut l’affaire de Dominique
Strauss-Kahn, ou affaire du Sofitel de New York, arrêté le 14 mai sur
accusation d'agression sexuelle. L’affaire traînera jusqu’au 10 décembre 2012, où
une transaction intervient entre les deux parties qui clôt définitivement
l'affaire du Sofitel de New York. Elle empêchera la candidature de Strauss-Kahn
à la présidentielle et ouvrira la voie à François Hollande. On sait depuis que
cette affaire a été montée par le FMI, dont il était le Directeur, pour une
divergence grave avec les États-Unis sur l’hégémonie du dollar. On n’échappe
pas à la puissance du milieu bancaire étasunien.
Après les
enseignements de 2010 avec le rappel brutal de la nature, pire ennemi de l’homme
par ses catastrophes, les signaux de puissance du Golfe persique et de la
Chine, ainsi que l’agonie grecque, 2011 a continué de nous envoyer des signaux.
C’est d’abord le retour de la puissance économique allemande et son insertion
dans la politique étrangère. C’est aussi la démonstration de l’illogisme d’une
politique écologique française et d’une collusion de fait de la gauche et de la
droite tournée essentiellement vers le barrage à la montée d’une droite honnie,
dite nationaliste, donc non républicaine ( ? ). C’est enfin l’entrée de la
vassalisation militaire de la France aux États-Unis avec droit d’ingérence et
transgression des directives de l’ONU. C’est enfin la mise en œuvre des liens
avec les pays du Golfe et le soutien aux « printemps arabes », dans
une collaboration de double jeu qui se perpétuera jusqu’à aujourd’hui. L’Europe
dans tout cela ? Incapable d’une véritable politique étrangère, elle s’enfonce
collectivement dans la guerre et la politique d’austérité. D’ailleurs en Espagne
le 17 mai, c’est la première mobilisation des "indignés" qui
expriment leur mécontentement social, politique et économique. On en reparlera
bientôt dans la suite chronologique.
(*) Début octobre, le quotidien italien Il Corriere della Sera révélait que le colonel Kadhafi aurait été tué par un agent secret français. Le dictateur libyen aurait menacé de faire des révélations sur le financement de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007.
(*) Début octobre, le quotidien italien Il Corriere della Sera révélait que le colonel Kadhafi aurait été tué par un agent secret français. Le dictateur libyen aurait menacé de faire des révélations sur le financement de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007.
Même
si un évènement chasse l’autre dans l’immédiateté actuelle
Il n’y
a jamais de fumée sans feu, et c’est cette fumée
Dont
se sert le monde politique pour cacher
Le
feu qui couve et enlever au peuple
Le
droit de choisir son destin.
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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