Mon article précédent sur les drones pilotés depuis Ramstein en Allemagne
montrait l’évolution en cours sur l’intervention de ces armes dans une nouvelle forme de
guerre, ciblée, précise au point de détruire un homme particulier dans un
groupe. Ces drones capables de se diriger, de repérer leur cible et de tirer ne
sont finalement qu’un perfectionnement des V2 allemands. Ils dépendent des
instructions envoyées depuis le sol même s’ils ont une large part d’autonomie. Le
pas suivant est celui d’engins volants munis au départ de tout ce qui va leur
permettre de réaliser leur mission. Ils deviennent totalement indépendants
après leur lancement. Ces « systèmes d’armes létales autonomes »
(SALA), sont beaucoup plus sophistiquées dans le sens où elles sont
susceptibles de sélectionner et de frapper des cibles toutes seules. Mais
la science et la technologie sont déjà à un stade plus avancé : celui des
drones intelligents. Il s’agit
dorénavant de déterminer quel degré d’autonomie ils posséderont, et notamment
s’ils pourront choisir seuls de tuer un être humain. Un débat sans précédent
sur la question a réuni durant cinq jours Etats et ONG, la semaine dernière à
Genève, dans le cadre de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de
l’emploi de certaines armes classiques (CCAC).
Nous sommes déjà entrés dans l’ère des robots
soldats et les recherches avancent désormais à grand pas aussi bien dans le
domaine civil que militaire. Les russes ont montré un robot soldat capable de
tirer et de conduire un engin motorisé. Sur terre, sur mer ou dans l’air les
robots vont s’approprier les tâches militaires qu’on leur confiera. En effet
ces actions militaires ont l’avantage d’éviter l’envoi au sol de soldats pour
effectuer ces missions. Cette décision est souvent mal ressentie par l’opinion
publique malgré le battage médiatique déclenché pour la justifier. On peut même
prévoir que dans une dizaine ou quinzaine d’années on assistera à une guerre
des robots. Cela pose évidemment d’énormes questions dont celle de savoir s’il
faudra l’interdire comme les armes chimiques et biologiques. Je crains
malheureusement que le débat soit clos avant d’être réellement ouvert.
On voit désormais apparaître
des robots humanoïdes qui sont présentés dans des expositions comme des animaux
de foire mais leurs performances deviennent de plus en plus étonnantes. Le
robot capable de lire l’expression de votre visage et de répondre à des
questions simples existe déjà. Mais les études actuelles permettent de « singer »
le fonctionnement des neurones avec des composants électroniques qui
fonctionnent comme des neurones, les « neuristors
». Ils pourraient être utilisés dans des ordinateurs et imiter le
fonctionnement du cerveau humain. Nous entrons dans l’aire des ordinateurs
neuromorphiques et des nanorobots. Une réplique physique de l’homme, un
androïde, est dorénavant possible grâce à l’électronique liquide et aux
ordinateurs quantiques. « Des cerveaux
artificiels pourraient être installés dans des corps biomécaniques et capables
d’homéostasie ». C’est ce que nous dit George Zarkadakis qui nous offre un
fantastique voyage dans les origines culturelles des robots, dans la
philosophie, la neuroscience et l’histoire de l’informatique dans son livre « In our own image ».
Après les questions morales et
philosophiques posées par l’apparition des clones, nous voilà amenés, avec les
drones et d’une façon plus large avec les robots, à réfléchir à l’impact de ces
nouveaux arrivants sur la vie humaine. Le développement de l’Intelligence
artificielle, l’IA, n’en est encore qu’à ses débuts mais certains, dont Bill Gates lui-même, s’inquiètent des bouleversements
engendrés par ces progrès scientifiques et technologiques. L’automatisation est
commencée depuis bien longtemps et j’y ai largement participé, jusqu’à
envisager la suppression de l’homme dans la conduite des processus industriels.
De conducteurs de processus les hommes devenaient des observateurs pour
améliorer l’automatisation. L’étape suivante c’était les systèmes
auto-améliorables. D’observateurs les hommes deviennent alors des concepteurs,
etc. Les satellites et les vols spatiaux ont fait progresser énormément dans ce
sens. On peut penser que même la conduite de l’économie des pays puisse être
gérée par l’IA qui dépassera l’homme dans l’analyse des données économiques. Si
l’homme peut être progressivement remplacé ce sera d’abord dans les tâches
manuelles et ne demandant pas un niveau élevé, donc les classes défavorisées. L’IA
peut donc accroître les inégalités et porter atteinte rapidement à notre espace
de liberté. La grande majorité serait
réduite à des activités de services pour une élite ou au chômage.
Si le robot
peut accomplir des tâches inaccessibles à l’homme, ses capacités
sensori-motrices et mobiles sont inférieures à celles d’un bébé et on
pouvait penser que le robot n’en serait pas doté de plus évoluées. Rien
n’est moins sûr car la technologie ouvre de nouvelles voies prometteuses dans
ce domaine. Que nous resterait-il alors ? La conscience de soi, l’amour,
la reproduction ? Mais pour ce dernier point les robots peuvent se
reproduire entre eux. Qui sait s’ils ne sauront pas créer des clones humains ?
Qui sait si, comme l’apprenti sorcier inconscient, nous ne leur ouvrons pas la
voie pour devenir les maîtres du monde ? Science-fiction ? Ne peut-on
passer de l’humain-carbone difficilement soignable au robot-silicium autoréparable
? Qui prévoyait il y a un siècle qu’un ordinateur battrait Kasparov, le champion
du monde des échecs ? Ce fut pourtant cet évènement qui poussa les
recherches dans le monde entier.
Les progrès de la
science et de la technologie ne peuvent être arrêtés.
La survie de l’homme ne
tient qu’à l’appréciation du danger
Et à des bases morales de
conduite de la société.
Apprenons-nous encore
la sagesse ?
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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