Le monde est en phase de ralentissement économique et l’Europe hésite entre atonie et récession. Selon les indicateurs prévisionnels de l’OCDE (l’Organisation de Coopération et de Développement Economique) du mois de septembre le ralentissement de l’activité est de plus en plus marqué dans les grandes économies mondiales. Rien n’arrêtera plus la machine à perdre de l’Europe, rien n’arrêtera le reflux des capitaux dans les coffres des banques.
Suivant les recommandations des responsables européens, les banques françaises, à l’inverse de leurs homologues allemands, ont conservé leurs créances sur la dette grecque. Maintenant que le défaut de paiement devient de plus en plus certain, elles provisionnent pour faire face. Echaudées elles se débarrassent de leurs obligations italiennes à n’importe quel prix et aggravent de ce fait la panique du moment.
Les digues de la zone euro n’ont même pas le temps de se mettre en place qu’elles sont déjà débordées. Les rendements sur la dette italienne étaient vendredi 11 novembre à 7,25%, avec 0,7% en une journée, une première dans la zone euro. « L’Italie est arrivée à un point de non-retour », affirme une étude de la Barclay’s. Le seuil de 7% est considéré comme fatidique par les économistes. Au-delà, estiment-ils, les pays ne peuvent plus se financer. C’est à partir de ce seuil que les mécanismes d’aide se sont mis en place pour l’Irlande, le Portugal et la Grèce.
Mais L’Italie n’est pas la Grèce. Elle est trop grosse pour tomber sans entraîner l’euro. Aucun des mécanismes mis en place ne peut venir à son secours. Mais la suspicion et l’exemple grec sont dans les têtes des opérateurs. La Chambre de compensation Clearnet, qui garantit sur les marchés européens le risque de défaillance des opérateurs, juge la dette italienne désormais trop risquée.
Angela Merkel commence à évoquer un grand tournant politique pour l’Europe et c’est l’Allemagne qui va imposer le futur de la zone euro et par là-même celui de l’Union Européenne. Plusieurs scénarios sont possibles à très court terme, un seul est devenu impossible c’est le statu quo. La France, après l’Italie, va rapidement rentrer dans l’œil du cyclone, courte période d’accalmie précédant le déchaînement des évènements. Son triple AAA est déjà virtuellement perdu car le deuxième plan de rigueur a déjà été jugé comme insuffisant.
Une première hypothèse est la gouvernance économique européenne, orientation soutenue par la France et tout d’abord refusée par l’Allemagne. Cette dernière y a pensé un moment quand elle a réalisé qu’elle était devenue en capacité d’imposer une gouvernance à sa mesure mais le Bundestag se montre inflexible. La deuxième hypothèse soutenue par la France donnant à la Banque Centrale Européenne le rôle de la FED, c’est-à-dire celui de la planche à billets, est catégoriquement refusée par Angela Merkel et son ministre des finances.
En rachetant en catastrophe des obligations pourries des pays en difficulté dont récemment l’Italie, la BCE est déjà sortie de sa mission fixée par les traités. L’Allemagne a senti le danger de se retrouver dans une période d’inflation qui a laissé de très mauvais souvenirs. De même l’Allemagne s’avère de plus en plus réticente à augmenter les fonds du FESF même en augmentant l’effet de levier qui engage sa garantie sur des prêts de plus en plus risqués.
La France n’a pas pu faire entendre sa voix et a de moins en moins de chances de pouvoir le faire maintenant que la confiance en sa capacité de redressement est écornée. La différence de taux d’emprunt avec l’Allemagne, le Spread, ne cesse d’augmenter (1,71% pour l’Allemagne et 3,18% pour la France).
Il reste les solutions de sortie de l’euro. L’Allemagne envisage très sérieusement la sortie de la Grèce mais ce ne sera qu’un pas vers la sortie d’autres pays comme le Portugal. Le phénomène d’entraînement vers l’Espagne ou l’Italie signera l’éclatement de la zone euro. Une autre solution, envisagée par l’Allemagne, est la création d’une zone euromark de l’Europe du nord avec l’Autriche, pays qui résistent le mieux économiquement. La France se verrait rejetée dans une zone sud avec une monnaie dévaluée mais cette solution n’est pas dans les vues actuelles de la France qui s’accroche à l’Allemagne.
Ce qu’il faut comprendre c’est que l’Allemagne ne juge pas sa sortie de la zone euro comme impossible par nombre de banquiers, économistes et politiques allemands. Ils se sentent capables de relever le défi d’une concurrence plus dure avec la France disposant d’une monnaie dévaluée. C’est une donnée très importante et le gouvernement français fait semblant de l’ignorer car il redoute ce schéma.
Devant des politiques des deux partis majoritaires accrochées à la zone euro comme la misère sur le pauvre monde, seule l’Allemagne ou les marchés et la rue peuvent faire prendre un virage salutaire sans terminer droit dans le mur. Notre politique à courte vue nous y entraîne inexorablement.
Ne songer qu’à soi et au présent,
Source d’erreur dans la politique.
(Jean de la Bruyère)
Claude Trouvé