Selon notre Premier Ministre, la réforme de l’enseignement, collèges et
programmes, est déjà une réforme à mettre au crédit du gouvernement socialiste.
Ce sont les paroles de son discours au Congrès socialiste. Six signataires
d’une pétition, demandant le retrait de la réforme, adressée à la Ministre de
l’Education Nationale sont aussi renvoyés dans leurs buts par Manuel Valls. Ce
n’est pourtant pas de simples citoyens ignorant des responsabilités en la
matière ou n’ayant jamais pratiqué l’enseignement. Il s’agit entre autres de
Luc Ferry et de Jean-Pierre Chevènement, tous deux anciens ministres de
l’Education nationale, de Michel Onfray, universitaire et philosophe bien
connu. La désinvolture avec laquelle Manuel Valls a évoqué le court passage de
Luc Ferry dans ce ministère, enseignant et philosophe de surcroît, montre
combien la fermeture au dialogue est
devenue une constante de ce gouvernement. Le refus de référendum, l’utilisation
du 49.3, la répression contre tout écart de langage, jugé comme tel à la
discrétion de l’autorité gouvernementale, montre que la pensée unique de l’ex
UMPS se réduit désormais avec le PS à une étroite voie de bonne conduite.
Cette réforme, pur fruit du Conseil Supérieur de l’Education,
se heurte à une opposition franche d’une bonne partie des enseignants pourtant
enclins à voter pour le parti socialiste. "Le Conseil supérieur de
l'éducation (CSE) vient d’adopter à une large majorité (51 pour, 25 contre, 1
abstention) la réforme du collège. Avec ce vote, la refondation de l’école
engagée depuis 2012 franchit une nouvelle étape importante. Alors que le
constat sur l’aggravation au collège des difficultés scolaires est largement
partagé, il était essentiel de revoir un cadre trop contraint pour que les
enseignants puissent exercer dans de meilleures conditions et pour favoriser la
réussite de tous les élèves." C’est l’annonce faite par le Ministère
concerné qui se glorifie d’une nouvelle « avancée » dans la
« modernisation des pratiques du collège ».
Malheureusement il y a une douloureuse confusion dans le mot « avancée »
quand on l’associe au mot « modernisation », car celle-ci n’est une
avancée que lorsqu’elle renforce la quantité et la qualité des bases de la connaissance. Or il nous faut constater
que, d’une façon générale, on restreint le temps de l’acquisition des bases
fondamentales de la lecture, de la grammaire, du calcul, de la géographie et de
l’histoire par l’explication de l’enseignant et la vérification de cette
acquisition au profit de leur captation par la découverte personnelle ou en
groupe. Pour avoir très modestement, il est vrai, fait de l’enseignement, je
sais que l’enseignant se bat contre le temps imparti par le programme qui lui
est imposé. Faire découvrir à l’élève au collège pourquoi les problèmes de
calcul de robinets et de baignoire ou de trains qui se croisent sont plus faciles
à résoudre par l’algèbre est une entreprise qui demande beaucoup plus de temps
que de montrer simplement sur un exemple comment on le met en équation, et de
proposer à l’élève d’en résoudre un autre exemple tout seul.
C’est pourtant l’état d’esprit qui préside au nouvel
enseignement, l’élève doit découvrir lui-même ce que nous avions appris souvent
« par cœur », quelle horreur ! L’enseignement doit être ludique
de bout en bout, l’effort doit être minimal pour permettre aux plus faibles de
suivre, le travail en groupe diminue l’effort personnel. L’enseignant s’est
toujours ingénié à rendre le plus attractif possible ses cours et les meilleurs
enseignants se repèrent à l’attention des élèves de sa classe. Par contre le
plaisir ne doit pas se substituer à l’effort, car même les meilleurs devront à
un moment ou à un autre de leur scolarité faire des efforts. Plus l’élève
avance dans la connaissance, plus son effort est sollicité, effort de
réflexion, effort d’analyse et de synthèse, effort de mémorisation, effort d’expression.
Le travail en groupe est consommateur de temps et souvent les meilleurs du
groupe accaparent le sujet pendant que les autres s’en désintéressent. C’est en
plus oublier que l’on ne peut faire un travail intéressant qu’en ayant des
bases solides de connaissance sinon le résultat obtenu par le groupe n’a pas un
gros intérêt par rapport à l’objectif qui reste l’acquisition d’un nombre
minimal de connaissances. Ce minimum est celui permettant, dans la vie d’élève
puis d’adulte, d’en acquérir d’autres. Faut-il un travail de groupe pour qu’un
enfant découvre que le développement durable demande de recycler les bouteilles
de soda, de ne pas jeter des ordures partout dans la nature ?
Non et l’arrivée des smartphones, des ordinateurs et des
tablettes n’a rien à voir avec ce que l’enseignant nous inculquait sur la
protection de la nature. Les élèves d’aujourd’hui naissent avec la proximité de
l’électronique et du monde numérique comme les anciens avec l’électricité. Il n’est
nul besoin de leur en apprendre le fonctionnement et les initier aux codes de la
programmation des ordinateurs ne servira qu’à un petit nombre plus tard. On ne
peut sacrifier les connaissances de base, en lecture, écriture, grammaire, calcul,
qui doivent absolument être acquises en primaire. En passant outre le collège ne
peut faire convenablement son travail. Si en plus on sacrifie des contenus des
disciplines de base, français, histoire, géographie, mathématiques et une ou
deux langues étrangères, dans des travaux interdisciplinaires plus coûteux en
temps s’il font appel à la découverte, le résultat sur le niveau acquis de connaissances
sera inférieur.
Trois disciplines sont particulièrement atteintes, le
français, l’histoire et les mathématiques. Les heures de cours de français et
de mathématiques sont réduites. Si le travail en groupe peut permettre de faire
de l’orthographe et de la grammaire, les mathématiques demandent un acquis de
connaissances qui ne peut être donné dans le travail en groupe. Or le nombre d’heures
de cours dans cette discipline ne cesse de diminuer au cours du temps. Ce n’est
pas ainsi que l’on remontera le niveau dans cette discipline où le niveau est
jugé faible. Quant à la déstructuration chronologique de l’histoire, elle
balaie tous les repères et la compréhension de l’évolution des hommes qui ont
rempli notre planète et notre pays. C’est comme voir un match de tennis avec
des caméras de télévision dont le champ de vision est restreint aux deux
adversaires avec l’impossibilité de comprendre autre chose que la gestuelle sans
la vision de l’enchaînement des coups, l’utilité des déplacements et le schéma
tactique.
Le niveau mathématique des adolescents est révélé comme
faible par les enquêtes, certes cela ne nous empêche pas d’avoir une élite
mathématique de niveau mondial mais la plupart des métiers d’avenir demandent l’utilisation
des mathématiques. C’est donc un handicap pour la plupart des élèves qui ne
choisiront pas le droit ou la philosophie. Les mathématiques sont aussi une
merveilleuse discipline de réflexion, comme le latin ou la grammaire, deux
autres sacrifiés. On ne réfléchit bien que si l’on comprend ce sur quoi l’on
doit réfléchir et si on possède les outils qui rendront la réflexion fructueuse.
Par ailleurs le laxisme de plus en plus fréquent dans la notation des élèves
pour pallier à la médiocrité de leurs connaissances, et pour ne pas les « traumatiser »,
sont porteurs de déceptions futures à la sortie d’un enseignement trop protégé.
Ce n’est pas cela la recherche de l’excellence qui doit être l’aiguillon d’un
enseignant pour ses élèves. L’ambition de 80% de réussite au bac se traduit
finalement par un abaissement du niveau de cet examen, ce qui ne peut être le
but à atteindre. L’arrivée plus massive dans l’enseignement supérieur pose à
celui-ci la nécessité de ne pas céder sur la qualité des diplômes obtenus. Or
on est pourtant en train d’aborder cette phase de dégradation.
Enfin l’introduction d’un choix partiel des programmes
par les collèges et d’un principal non enseignant n’est pas de nature à donner
de la cohérence pour les examens nationaux, ni à la cohésion et la compréhension entre professeurs
et administration. Le premier maillon faible est l’école primaire qui n’arrive
plus à livrer au collège des élèves qui soient à même d’absorber ces nouvelles
connaissances. On ne bâtit pas un immeuble sur de mauvaises fondations. Le
métier d’enseignant attire beaucoup moins par une augmentation de la difficulté
de l’enseignement, dans un monde moins « civilisé » où la drogue, l’insécurité,
l’irrespect, etc., demande de faire autant d’éducation que d’enseignement.
Comme par ailleurs, à diplôme égal, le métier s’avère moins rémunérateur, le
résultat est un nombre plus restreint de candidats, en particulier en
mathématiques. Le pourvoi des postes nécessaires demande alors d’abaisser la qualité
du recrutement.
La réforme des collèges
est une nouvelle « avancée »
Vers la médiocrité,
certes « moderne »,
Mais dirigeant les
élèves…
Vers le chômage !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
Chevalier
dans l’Ordre des Palmes Académiques
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