Les tractations de dernière minute se
déroulent entre la Grèce et la zone euro, et entre partenaires de cette zone. Les
commentaires des principaux médias de la bien-pensance vont tous dans le sens
de l’irresponsabilité grecque, une super-cigale française. Ses dirigeants sont
taxés d’arrogance pour ne pas plier sous les injonctions que l’Allemagne, la
BCE et le FMI veulent lui imposer. De son côté la Grèce estime être allée
quasiment au bout des concessions et des privations qu’elle peut demander à son
peuple. Elle veut donner une tournure politique aux discussions de lundi,
discussion orientée sur la dette publique de ce pays et le montant qui peut
correspondre aux « erreurs » de gestion des gouvernements grecs
précédents. L’Allemagne ne veut pas en entendre parler. En effet la Grèce
demande un traitement équivalent à celui de la dette allemande de 1953 ou le
paiement par l’Allemagne de ce qui aurait dû lui revenir à l’époque. Ce n’est
pas pour rien si Varoufakis, le ministre des finances grec, a mis la pression sur Angela Merkel en
estimant qu'"un choix décisif"
attendait la chancelière allemande lundi lors du sommet européen où la Grèce
doit faire de nouvelles propositions pour décrocher un accord et éviter le défaut
de paiement. La chancelière répond que ce sommet ne peut être au plus que « consultatif », ce qui est clairement
un signe de fin de négociations.
Pourtant c’est
bien l’UE qui est responsable de la mésaventure grecque. Elle n’aurait jamais
dû accepter la Grèce en son sein au moment où le gouvernement grec de l’époque
l’a sollicitée sous les encouragements d’une Europe, qui voulait ajouter un
symbole sur son drapeau, celui de la plus vielle démocratie européenne. Le plus
consternant de cette histoire, c’est que depuis la démocratie ne cesse de
reculer en sein de l’UE et s’éloigne de plus en plus des fondements de la
démocratie de la Grèce ancienne. Grâce aux bons soins de Goldman Sachs, la
Grèce a présenté un visage de son économie et de ses finances compatibles avec
les exigences de l’adhésion, compatibles mais truquées. L’UE est donc coupable
d’avoir recueilli la Grèce alors qu’elle savait probablement pertinemment qu’elle
n’était pas en mesure de répondre aux exigences. Au mieux elle est coupable de
n’avoir pas vérifié les documents qui lui étaient présentés.
La culpabilité de l’UE ne s’arrête pas là. Le
caractère insoutenable de la dette publique grecque était évident depuis
l’origine pour les créanciers internationaux, les autorités grecques et les
grands médias. L’UE n’aurait jamais dû l’accepter. Les autorités grecques et
certains gouvernements de l’Union Européenne se sont ligués pour rejeter une
restructuration de la dette publique en 2010, dans le seul but de protéger les
institutions financières privées. Les grands médias officiels ont dissimulé la
vérité au public en soutenant que le plan de sauvetage allait être bénéfique
pour la Grèce, tout en passant en boucle le récit selon lequel la population ne
faisait que payer pour ses propres turpitudes. Cette manipulation de masses a
un effet de persuasion qui subsiste encore partiellement aujourd’hui.
Depuis les années 1980, l’accroissement de la dette
n’est pas le résultat de dépenses publiques excessives, celles-ci étant en
réalité restées plus faibles que les dépenses publiques d’autres pays de la
zone euro. La dette provient pour l’essentiel du paiement aux créanciers de
taux d’intérêts extrêmement élevés, de dépenses militaires excessives et
injustifiées, d’un manque à gagner fiscal dû à la fuite illicite de capitaux,
du coût de la recapitalisation de banques privées par l’État, et des
déséquilibres internationaux issus des lacunes inhérentes au modèle de l’Union
Monétaire. C’est l’essentiel de la défense de Tsipras. L’adoption de l’euro a
créé une augmentation de la dette privée insupportable par les banques grecques
ce qui a entraîné un sauvetage des banques par une augmentation de la dette
publique. Papandréou a simplement caché une dette bancaire dans une dette
publique. On ne peut pas penser que l’UE ne le savait pas mais on touche là le
fond du problème du sauvetage permanent des erreurs bancaires. Les évolutions
de la dette publique grecque de 2010 à 2015 sont dues au fait que le premier
accord de prêt de 2010 visait en premier lieu à sauver les banques privées
grecques et européennes et à permettre aux banques de réduire leur exposition
aux titres publics grecs.
Dans ce contexte, les créanciers ont imposé des
conditionnalités excessives qui, associées aux accords de prêts, ont eu pour
conséquence directe la non-viabilité économique et l’insoutenabilité de la
dette. Ces conditionnalités, que les créanciers s’obstinent toujours à exiger,
ont fait chuter le PIB tout en augmentant l’endettement public – un ratio
dette/PIB plus élevé rendant la dette grecque encore plus insoutenable. Mais
elles ont également généré des changements dramatiques dans la société et
provoqué une crise humanitaire. La dette publique grecque peut ainsi être
considérée comme totalement insoutenable en l’état actuel des choses.
Nous sommes en face d’un comportement honteux de l’UE,
qui s’est vantée de solidarité en créant le FESF, ce fonds de solidarité, mot
remplacé par stabilité, mais c’est bien de solidarité qu’il s’agit. Au
contraire les mesures mises en place dans le cadre des « programmes de
sauvetage » ont directement affecté les conditions de vie du peuple et
violé les droits humains que la Grèce et ses partenaires sont dans l’obligation
d’assurer, de protéger et de promouvoir, conformément au droit national, au
droit de l’Union et au droit international en vigueur. Les ajustements
drastiques imposés à l’économie et à la société grecque dans son ensemble ont
provoqué une détérioration rapide des niveaux de vie incompatible avec la
justice sociale, la cohésion sociale, la démocratie et les droits de l’homme.
Les jugements actuels sur la Grèce sont
insupportables de mauvaise foi. En juin 2015, la dette publique grecque est
insoutenable, puisque la Grèce ne peut payer le service de la dette sans nuire
gravement à sa capacité de remplir ses obligations les plus élémentaires en
matière de droits humains. La Grèce propose un budget excédentaire de 1%, hors
paiement des intérêts de la dette. Elle n’est donc pas dans l’incapacité de
gérer le pays si l’UE l’aide à supporter la dette ou l’efface totalement ou
partiellement avec le concours du FMI et de la BCE. Garder la Grèce, c’est la
reconnaissance de ses erreurs par l’UE et une bonne raison de faire jouer ce qu’elle
nous fait croire, la solidarité européenne et l’Europe sociale. L’expulser c’est
tirer un trait sur l’Europe de l’UE et amorcer son dépeçage. Cette dernière alternative
serait sans doute la meilleure solution pour reconstruire une autre Europe des
peuples et permettre à la Grèce de revivre autrement que sous le joug qui l’enfonce,
la prive de liberté, et « misérabilise » son peuple.
On
dit que l’argent salit tout, nous en sommes les artisans
Oubliant
les droits élémentaires de l’Homme
Pour
imposer l’insoutenable à un peuple
Dans
les ors de Bruxelles, de Berlin,
Et
de Paris… qui approuve !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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