dimanche 21 juin 2015

L’arnaque de l’UE sur la Grèce


Les tractations de dernière minute se déroulent entre la Grèce et la zone euro, et entre partenaires de cette zone. Les commentaires des principaux médias de la bien-pensance vont tous dans le sens de l’irresponsabilité grecque, une super-cigale française. Ses dirigeants sont taxés d’arrogance pour ne pas plier sous les injonctions que l’Allemagne, la BCE et le FMI veulent lui imposer. De son côté la Grèce estime être allée quasiment au bout des concessions et des privations qu’elle peut demander à son peuple. Elle veut donner une tournure politique aux discussions de lundi, discussion orientée sur la dette publique de ce pays et le montant qui peut correspondre aux « erreurs » de gestion des gouvernements grecs précédents. L’Allemagne ne veut pas en entendre parler. En effet la Grèce demande un traitement équivalent à celui de la dette allemande de 1953 ou le paiement par l’Allemagne de ce qui aurait dû lui revenir à l’époque. Ce n’est pas pour rien si Varoufakis, le ministre des finances grec, a mis la pression sur Angela Merkel en estimant qu'"un choix décisif" attendait la chancelière allemande lundi lors du sommet européen où la Grèce doit faire de nouvelles propositions pour décrocher un accord et éviter le défaut de paiement. La chancelière répond que ce sommet ne peut être au plus que « consultatif », ce qui est clairement un signe de fin de négociations.

Pourtant c’est bien l’UE qui est responsable de la mésaventure grecque. Elle n’aurait jamais dû accepter la Grèce en son sein au moment où le gouvernement grec de l’époque l’a sollicitée sous les encouragements d’une Europe, qui voulait ajouter un symbole sur son drapeau, celui de la plus vielle démocratie européenne. Le plus consternant de cette histoire, c’est que depuis la démocratie ne cesse de reculer en sein de l’UE et s’éloigne de plus en plus des fondements de la démocratie de la Grèce ancienne. Grâce aux bons soins de Goldman Sachs, la Grèce a présenté un visage de son économie et de ses finances compatibles avec les exigences de l’adhésion, compatibles mais truquées. L’UE est donc coupable d’avoir recueilli la Grèce alors qu’elle savait probablement pertinemment qu’elle n’était pas en mesure de répondre aux exigences. Au mieux elle est coupable de n’avoir pas vérifié les documents qui lui étaient présentés.

La culpabilité de l’UE ne s’arrête pas là. Le caractère insoutenable de la dette publique grecque était évident depuis l’origine pour les créanciers internationaux, les autorités grecques et les grands médias. L’UE n’aurait jamais dû l’accepter. Les autorités grecques et certains gouvernements de l’Union Européenne se sont ligués pour rejeter une restructuration de la dette publique en 2010, dans le seul but de protéger les institutions financières privées. Les grands médias officiels ont dissimulé la vérité au public en soutenant que le plan de sauvetage allait être bénéfique pour la Grèce, tout en passant en boucle le récit selon lequel la population ne faisait que payer pour ses propres turpitudes. Cette manipulation de masses a un effet de persuasion qui subsiste encore partiellement aujourd’hui. 

Depuis les années 1980, l’accroissement de la dette n’est pas le résultat de dépenses publiques excessives, celles-ci étant en réalité restées plus faibles que les dépenses publiques d’autres pays de la zone euro. La dette provient pour l’essentiel du paiement aux créanciers de taux d’intérêts extrêmement élevés, de dépenses militaires excessives et injustifiées, d’un manque à gagner fiscal dû à la fuite illicite de capitaux, du coût de la recapitalisation de banques privées par l’État, et des déséquilibres internationaux issus des lacunes inhérentes au modèle de l’Union Monétaire. C’est l’essentiel de la défense de Tsipras. L’adoption de l’euro a créé une augmentation de la dette privée insupportable par les banques grecques ce qui a entraîné un sauvetage des banques par une augmentation de la dette publique. Papandréou a simplement caché une dette bancaire dans une dette publique. On ne peut pas penser que l’UE ne le savait pas mais on touche là le fond du problème du sauvetage permanent des erreurs bancaires. Les évolutions de la dette publique grecque de 2010 à 2015 sont dues au fait que le premier accord de prêt de 2010 visait en premier lieu à sauver les banques privées grecques et européennes et à permettre aux banques de réduire leur exposition aux titres publics grecs. 

Dans ce contexte, les créanciers ont imposé des conditionnalités excessives qui, associées aux accords de prêts, ont eu pour conséquence directe la non-viabilité économique et l’insoutenabilité de la dette. Ces conditionnalités, que les créanciers s’obstinent toujours à exiger, ont fait chuter le PIB tout en augmentant l’endettement public – un ratio dette/PIB plus élevé rendant la dette grecque encore plus insoutenable. Mais elles ont également généré des changements dramatiques dans la société et provoqué une crise humanitaire. La dette publique grecque peut ainsi être considérée comme totalement insoutenable en l’état actuel des choses. 

Nous sommes en face d’un comportement honteux de l’UE, qui s’est vantée de solidarité en créant le FESF, ce fonds de solidarité, mot remplacé par stabilité, mais c’est bien de solidarité qu’il s’agit. Au contraire les mesures mises en place dans le cadre des « programmes de sauvetage » ont directement affecté les conditions de vie du peuple et violé les droits humains que la Grèce et ses partenaires sont dans l’obligation d’assurer, de protéger et de promouvoir, conformément au droit national, au droit de l’Union et au droit international en vigueur. Les ajustements drastiques imposés à l’économie et à la société grecque dans son ensemble ont provoqué une détérioration rapide des niveaux de vie incompatible avec la justice sociale, la cohésion sociale, la démocratie et les droits de l’homme. 

Les jugements actuels sur la Grèce sont insupportables de mauvaise foi. En juin 2015, la dette publique grecque est insoutenable, puisque la Grèce ne peut payer le service de la dette sans nuire gravement à sa capacité de remplir ses obligations les plus élémentaires en matière de droits humains. La Grèce propose un budget excédentaire de 1%, hors paiement des intérêts de la dette. Elle n’est donc pas dans l’incapacité de gérer le pays si l’UE l’aide à supporter la dette ou l’efface totalement ou partiellement avec le concours du FMI et de la BCE. Garder la Grèce, c’est la reconnaissance de ses erreurs par l’UE et une bonne raison de faire jouer ce qu’elle nous fait croire, la solidarité européenne et l’Europe sociale. L’expulser c’est tirer un trait sur l’Europe de l’UE et amorcer son dépeçage. Cette dernière alternative serait sans doute la meilleure solution pour reconstruire une autre Europe des peuples et permettre à la Grèce de revivre autrement que sous le joug qui l’enfonce, la prive de liberté, et « misérabilise » son peuple. 

On dit que l’argent salit tout, nous en sommes les artisans 

Oubliant les droits élémentaires de l’Homme 

Pour imposer l’insoutenable à un peuple 

Dans les ors de Bruxelles, de Berlin, 

Et de Paris… qui approuve ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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