En
ce lundi 22 juin 2015, au terme du sommet consacré à l'avenir financier de la
Grèce, il n’y a pas eu d’accord mais des espoirs. Une réunion des ministres des
Finances de la zone euro est prévue mercredi soir 24 juin. La directrice
générale du FMI, Christine Lagarde, précise qu'il "reste du chemin à parcourir" dans les prochaines 48 heures. Son avis prime évidemment sur celui
de la politique française bien pâlotte dans ce débat qui engage non seulement
la zone euro mais l’UE. C’est au FMI que la Grèce doit payer les 1,5 Mds€ le 30
juin. François Hollande est quasi absent, se contentant d’ânonner que la France
souhaite le maintien de la Grèce dans la zone euro, comme l’ont exprimés… les
USA. Pour que cette réunion ait lieu il fallait faire de nouvelles
propositions. Tsipras en a amené 22 mais est arrivé avec un tout autre objectif
à ce sommet, discuter de la restructuration de la dette afin de placer ses « adversaires »,
car c’est bien ainsi qu’il faut les nommer, devant leurs responsabilités. Son
but est atteint, il a obtenu un nouveau « NEIN » clair de l’Allemagne.
Il est évident que sans cette restructuration, il n’y a pas de solution à long
terme pour ce pays. Tsipras va pouvoir exploiter politiquement ce refus auprès
des partis politiques et auprès de son peuple.
Alors quels sont les acteurs
décideurs de cette partie de poker menteur ? La Grèce d’abord, qui est l’objet
du délit pour refus d’obtempérer et retard de paiement des dettes à ses
créanciers. De l’autre côté de la table se trouvent les créanciers institutionnels,
BCE et FMI, et les Etats, réduits en
fait à un : l’Allemagne. Enfin sont dans l’ombre, les Etats-Unis et tout le
gratin bancaire occidental, qui tirent les ficelles par BCE et FMI interposés
et par les relations diplomatiques entre principalement Washington et Berlin.
Mais il y a un troisième larron que l’on n’invite plus à la table du G8, qui en
devient G7, c’est la Russie. Il ne faut oublier cette dernière car elle joue
son propre jeu contre un occident qui veut l’asphyxier.
La distribution des acteurs étant
affichée, il faut se poser la question des intérêts des uns et des autres dans
cet affrontement. Pour la Grèce, le but est évidemment la survie. La survie
donne des forces et des idées. Le peuple grec souffre plus que tous les autres peuples
européens mais il croit encore que sa survie est dans l’euro qui lui a brutalement
amené la prospérité. Celle-ci était trompeuse car elle était due au passage d’une
monnaie faible, peu prisée et à taux d’emprunt fort, à une monnaie forte à taux
d’emprunt faible. Ses gouvernements successifs ont mené des politiques cigales
devant ce bonheur tombé du ciel. Malheureusement l’économie du pays et la
solidité de ses banques n’étaient pas capables de soutenir une crise comme
celle de 2008 et tout a basculé.
Pour les Etats de l’UE et
particulièrement de la zone euro, la politique est celle impulsée dès le départ
par les Etats-Unis, le maintien d’une grande zone économique, verrouillée
partiellement par l’euro, avec un regard vassal vers l’autre bord de l’Atlantique
et un autre sournoisement belliqueux vers la Russie comme il se doit. L’Allemagne
est sortie de sa réunification pour repenser à sa vocation de leadership de l’Europe,
que la Grande-Bretagne avait combattue au temps des dernières guerres. L’Europe
n’est déjà plus à Bruxelles, elle est à Berlin. Les Etats-Unis n’ont donc plus qu’un
seul pays à surveiller sous l’œil vigilant du Royaume-Uni, l’Allemagne, qui ne
doit en aucun cas allier sa puissance industrielle aux ressources naturelles et
à la puissance militaire russe. Il y va de l’hégémonie américaine et de sa
mainmise sur l’Europe.
La BCE fortement drivée par l’Allemagne
a aussi un œil vers la Fed. Avec le FMI, largement influencé par les USA, c’est le monde des banquiers préoccupés par
le monde lucratif de la finance dans la mondialisation et la libre circulation
des capitaux. Le but premier est en fait le sauvetage des banques, ce que l’on
constate en permanence. Les Etats ont d’abord été sollicités pour ces
sauvetages et ce sont mis en difficulté eux-mêmes. C’est ainsi que les banques
grecques, italiennes et espagnoles doivent être sauvées et les Etats doivent s’y
plier en prenant l’argent où ? Dans les liquidités générées en abondance
par les grandes banques centrales tant que le monde des investisseurs croit à
leur solidité puis sur les peuples ! On a commencé à le faire à Chypre, mais
on commence à le penser pour la Grèce. D’ailleurs on en a fait récemment une
règle européenne, pour l’instant opérant par prélèvement au-dessus de 100.000
euros, mais toutes les règles sont révisables dans l’urgence.
Enfin la géopolitique mondiale se
réduit de nouveau à deux blocs, acteurs dans une nouvelle configuration de
pays. Le bloc des Etats-Unis, avec l’Europe, le Japon (+certains pays de l’Asie
du Sud-Est comme Taiwan et les Philippines) d’une part, et d’autre part le bloc
Russie-Chine, avec les BRICS, et de nombreux pays qui sont attirés comme l’Iran
ainsi que des pays d’Amérique du Sud comme le Venezuela et l’Argentine. L’Afrique
reste un « terrain de jeu » pour les deux blocs où, hors l’Afrique du
Sud, les penchants pour l’un ou l’autre bloc sont fluctuants. La Russie est le
pays du bloc qui a ses frontières avec l’Europe et une bonne part de ses
débouchés économiques. Par ailleurs la menace se précise à sa porte avec une UE
poussant direction de l’Ukraine, de la Géorgie, de la Moldavie, de la Transnistrie
et donc vers les ressources du Caucase. La Russie, exclue du G8, s’invite donc
dans la crise grecque en traitant des affaires avec ce pays, comme le gazoduc d’importance
économique et géopolitique, et en y implantant aussi ses navires de guerre…
pour la maintenance !
Voilà planté la distribution des
acteurs et les motivations qui sont sous-jacentes aux soi-disant « négociations »
habituées à repousser les échéances et à nier les vrais problèmes de l'Europe.
Celle-ci se désagrège et pour laquelle la solidarité se limite de plus en plus
au chacun pour soi et la démocratie à un autoritarisme sans concession
humanitaire. Nous parlerons dans un prochain article des stratégies de chacun des acteurs pour arriver à ses fins.
Au dépeçage de la Grèce, il y a les invités qui dégustent le peuple,
Les Maîtres de cérémonie qui restent dans l’ombre,
Et ceux qui prélèvent à chaque passage de plats !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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