Comme
beaucoup de français j’avais une tendance naturelle à plébisciter l’impôt à la
source dans un rêve de simplification dont je suis un fervent partisan. J’ai
toujours lutté contre la complication en combattant le « Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué »
toujours prêt à se répandre par manque de réflexion des acteurs ou sciemment simplement
pour garder leur poste ou leur pouvoir. Mais ayant constaté que parfois, quand
on veut faire simple, on complique les choses, il m’a semblé utile de les
regarder avec un peu plus d’approfondissement. Ce billet vous livre donc les
conclusions de cette réflexion, conclusions qui me font radicalement changer d’avis.
Comme
l’on dit à qui profite le crime, il est bon de savoir qui sont les gagnants,
les promoteurs ou les assujettis ? Regardons donc d’abord ce que cela
apporte à l’Etat qui envisage cette mesure, présentée comme une pierre
angulaire de la réforme de l’impôt. En effet rares sont les réformes fiscales qui
sont présentées et dont le bilan économique est une perte de recettes pour l’Etat.
En effet celui-ci retirerait plusieurs avantages de cette réforme si elle était
mise en place. Après une période transitoire difficile, l’Etat serait soulagé
du travail de collecte de l’impôt d’où des économies substantielles. Mais cela va
plus loin avec le projet de rassembler la CSG et l’impôt sur le revenu.
Contrairement à l’impôt sur le revenu dont le barème est progressif, la CSG est
un taux fixe. En allant vers l’impôt à la source, l’occasion est belle de
confondre les deux dans un seul impôt (au nom de la simplification). Mais
évidemment de ce fait la CSG deviendrait progressive et rapporterait beaucoup
plus à l’Etat. On voit, dans le non-dit, l’intérêt de l’Etat à tenter l’aventure,
alors que la forte progressivité de l’impôt sur le revenu en France est déjà
très destructrice en punissant le talent et l’esprit d’innovation.
Car il s’agit bien d’une aventure. En
effet la mise en œuvre se heurte à de nombreuses difficultés pratiques qui font
dresser les cheveux sur la tête des fonctionnaires de Bercy, mais les
socialistes au gouvernement peuvent en rêver. Il n’y a pas que la période
transitoire au cours de laquelle il faut faire le sacrifice d’une année de
cotisation à l’impôt puisqu’il est difficilement concevable que l’on paye en
même temps sur l’année n pour le nouveau système et l’année n-1 pour l’ancien. Parmi
les difficultés à résoudre citons la difficulté d’affecter une tranche d’imposition
mensuellement sur le salaire d’un couple salarié dans des entreprises
différentes. Citons aussi la prise en compte de l’impact brutal de revenus
exceptionnels sur un prélèvement mensuel. Arrêtons-nous là, mais il y a une kyrielle
de problèmes de ce type à résoudre qui demande calculs, règles et négociations
à prévoir.
Mais
regardons ce qui se passe dans les entreprises. Elles ont déjà été partiellement
transformées en collecteurs d’impôts avec des contraintes fiscales et
réglementaires qui ne cessent de croître, on va continuer à leur imposer une
charge supplémentaire en leur confiant l’obligation de jouer le rôle de l’Etat
alors qu’il faudrait au contraire les décharger du prélèvement des cotisations
sociales. Mais on touche là aussi à un problème de confidentialité puisque le
salarié va devoir fournir à son entreprise les renseignements sur des revenus
autres que salariaux. Il va d’ailleurs avoir un travail de collecte et de
transmission beaucoup plus important qu’auparavant puisque de nombreux revenus
sont déjà pré-remplis dans les déclarations annuelles que nous recevons à
compléter et à signer. Ce n’est donc un allégement de travail ni pour l’entreprise,
ni pour le particulier.
Mais
l’impôt à la source introduit un effet pervers qui s’insinue progressivement
ailleurs, avec la TVA par exemple, c’est celui de l’ignorance du montant réel
de l’impôt avec le seul chiffre significatif qui est ce qui reste, le salaire
net. C’est ce chiffre qui retient l’attention parce qu’il définit notre pouvoir
d’achat. Pour peu que le salarié ait une augmentation ou que son salaire
augmente en suivant l’inflation, il ne percevra pas qu’entre-temps l’Etat a éventuellement
fait progresser les impôts. Le paiement actuel de l’impôt sur le revenu est encore
le seul qui permet de prendre conscience de la réalité de l’impôt. Le fait de
contribuer à le masquer ne peut qu’inciter l’Etat à dépenser plus. L’impôt sur
le revenu à la source est donc difficilement praticable mais non seulement il
ne va pas dans le sens de la simplification mais il transfère des charges de l’Etat
sur les entreprises, charges plus difficiles à assumer pour elles que pour l’Etat.
Il rend aussi plus compliqué le travail pour le particulier. Il introduit de
plus un effet pervers de déresponsabilisation du citoyen.
Quelle
bonne réforme serait nécessaire ? Ce serait l’égalité de tous devant l’impôt,
le même pourcentage pour tout le monde, la flat-tax. Il faut savoir que 10% des
foyers fiscaux paient 74% de l’impôt sur le revenu. A tire de rappel le barème
2015 de l’impôt sur le revenu est le suivant :
- Jusqu'à 9 690 € de revenus annuels : 0 % d'impôt
- De 9 690 à 26 764 € : 14 %
- De 26 765 à 71 754 € : 30 %
- De 71 755 à 151 956 € : 41 %
- Plus de 151 956 € : 45 %
Un
français sur deux ne paye pas d’impôt. Pour ces revenus, vu leur nombre, une
flat-tax ne représenterait qu’une somme modique pour chaque foyer mais une
somme importante sur la somme globale récoltée. C’est la classe moyenne qui
forme le gros du bataillon comme le montre la statistique 2011 ci-contre et sa
tranche supérieure qui alimente surtout l’impôt. On pourrait inclure la CSG,
non pas comme le voudrait le gouvernement dans un impôt progressif mais dans un
impôt égalitaire en pourcentage des revenus.
Nous
allons pourtant dans le sens inverse, le nombre de foyers fiscaux ne payant pas
d’impôt sur le revenu a encore augmenté dans le barème 2015. La déresponsabilisation
du contribuable et la non-contribution du plus grand nombre est très contraire
à ce qui meut la cohésion et la dynamique d’un pays, mais là on touche à l’idéologie
socialiste et ce n’est pas pour 2016. On pourrait ajouter un coup de balai sur
un grand nombre de niches fiscales et de réductions d’impôt. Alors tout serait
plus clair, plus simple et plus responsable… Ce serait aussi un rêve d’égalité
et de transparence, mais je ne place pas l’égalité sur les mêmes idées que le
gouvernement.
La simplification ne passe vraiment pas
par l’impôt sur le revenu à la source.
Mais la vraie réforme fiscale nécessaire
passe d’abord par une réforme
Dans le sens de l’égalité devant l’impôt
et de la responsabilisation
D’un citoyen qui doit rendre l’Etat comptable
De l’utilisation de son argent !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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