La
grogne des médecins contre la Loi de santé continue. 90 médecins de Roanne
(Loire) et ses alentours se mettent en grève pendant trois jours. A partir de
ce lundi 18 mai, trouver un cabinet ouvert dans la zone sera difficile :
95 % des généralistes font partie de ce mouvement. Ils dénoncent « l’indifférence et l’immobilisme du monde politique »
face à la situation de la région roannaise. Dans ce bassin de 180.000
habitants, la médecine générale est en crise, expliquent les grévistes dans une
lettre aux patients : « Le
renouvellement des médecins généralistes en fin de carrière et de ceux victimes
de burn-out n’est pas assuré. »
Les
députés de l'Assemblée nationale ont adopté ce mardi 14 mai en première lecture
la nouvelle Loi de Santé. D'après la ministre de la Santé, Marisol Touraine, ce
texte doit moderniser notre système de santé, mais aussi faciliter l'accès de
tous aux soins. Si l'on parcourt les 57 articles du texte, de nombreuses
mesures ont été prises dans l'objectif d'une meilleure santé publique. Elles
vont changer le quotidien des Français. Dans ce catalogue, on note l'adoption
du paquet de cigarettes neutre, l'interdiction de fumer dans une voiture en
présence d'un mineur, la prohibition de la e-cigarette dans les lieux publics,
ou encore l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque ("salles
de shoot"). Qui sont les véritables gagnants de la réforme ?
Il ne semble pas en
tous cas que ce soit les médecins qui sont vent debout contre celle-ci, loi dont
ils seront les principaux acteurs. Par ailleurs l’attractivité de n’avoir rien
à payer lors d’une consultation chez son médecin traitant a facilement
convaincu une partie du public qui ne va guère chercher plus loin. Pourtant,
côté tabac, trois quarts des Français (73 %) pensent que le paquet neutre
est inefficace mais saluent majoritairement l’interdiction de l’e-cigarette dans
les lieux publics d’après le sondage des Echos. La suppression du délai de
réflexion obligatoire de sept jours préalable à toute interruption volontaire
de grossesse (IVG) revient néanmoins à considérer cet acte comme « normal »
et en banalise l’exécution. Il n’est pas sûr que l’on aille dans le bon sens.
Le don d’organes est favorisé en supprimant l’accord de la famille qui est
seulement informée. Citons aussi dans le cas des nouveaux droits des patients l’article
de la loi de santé qui permet aux victimes d'erreurs médicales (PIP, Médiator...)
de se joindre à une action collective en justice ("actions de
groupe").
D'ici
fin novembre 2017 donc, tous les patients seront dispensés de l'avance des
frais lors d'une consultation médicale. Le Ministère avance qu’un Français sur
quatre renonce aux soins pour raison financière et que 17 % d'entre eux
déclarent avoir déjà renoncé à consulter du fait de l'obligation d'avancer le
montant de la consultation. Ceci paraît à première vue faire partie du droit de
l’accès aux soins pour tous. Et on se demande pourquoi les médecins ont
manifesté en masse et continuent la lutte. Mais pour les syndicats de médecins
c'est un tout autre son de cloche. Pour eux, il s'agit d'une remise en cause de
la médecine libérale. Quant aux patients ils n’ont pas vu qu’ils vont
globalement payer cette avancée sociale avec une restriction de la liberté de
consulter qui l’on veut et une atteinte au secret médical comme on peut le lire
sur la lettre aux français ci-dessous.
Il est
d’ailleurs évident que, derrière cette
annonce de solidarité nationale, se cache un objectif beaucoup moins social comme
le note un enseignant de Sciences PO : «
Si tel était le but il suffisait de relever les seuils de revenus pour
lesquels il était appliqué ». L’énorme machine, qui va être mise en œuvre
avec des médecins plus administratifs, est en effet un pas de plus pour
transformer le médecin en simple salarié. On peut souhaiter la fin de la
médecine libérale et l’avènement d’une médecine type britannique, mais il ne
faut pas perdre de vue qu’il y a plus d’anglais qui viennent se soigner en France
que l’inverse. Ce contrôle de plus en plus strict de l’Etat sur les revenus des
médecins avec une tendance à les faire baisser pour combler le « trou de
la Sécu », n’est pas de nature à encourager une profession qui ne couvre
que déjà 90% des besoins. La désertification dans les zones rurales est en
marche car la grande disponibilité des médecins dans ces zones en détournent les
jeunes médecins pour un emploi en hôpital.
Un bon
système de santé visant à permettre aux plus défavorisés de ne pas avancer d’argent
est souhaitable mais il est évident que la mise sous tutelle de la médecine
pose un vrai problème de société. La qualité des soins, le service au malade peuvent
être atteints, comme de l’autre côté de la Manche, si les médecins libéraux
refusent une fonctionnarisation qui ne dit pas son nom. La désertification
médicale ne peut que s’en trouver accélérée devant une loi qui avance masquée.
Médecine libérale ou médecine salariée tel est en fait le fond de la grogne
médicale. C’est un choix politique majeur qui fait que cette réforme est mal
emmanchée parce que l’on n’aborde pas les problèmes de fond. Ils ne s’effaceront
pas d’eux-mêmes.
Comme l’on cache nos guerres sous le
couvert de la démocratie,
On cache une idéologie sous l’avancée
sociale pour tous.
« Quand
on montre la lune avec le doigt,
L’idiot
regarde le doigt »
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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