Historiquement
Areva (alors Cogema) avait trois branches d’activité, la branche des mines, d’uranium
principalement, celle de l’enrichissement de l’uranium et la fabrication des éléments
combustibles pour les réacteurs, et celle du retraitement de ces combustibles.
Mise à part la production d’électricité par EDF, Areva contrôlait ce que l’on
nomme le cycle du combustible. Ses mines sont réparties dans le monde entier,
en propre ou en parts importantes d’actions dans les sociétés minières
mondiales. Cette grande dispersion, englobant aussi bien le Niger, que les
Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Namibie ou le Kazakhstan, permet à la France d’assurer
une sécurité d’approvisionnement en uranium et une solide indépendance.
Une
lutte d’influence s’est pourtant engagée entre l’EDF et Areva conduisant à des
guerres de chef instrumentalisées par les gouvernements. L’activité de vente des
réacteurs a été le champ clos de ces affrontements. Fort de sa mainmise sur la
fabrication métallurgique des principaux composants que sont la cuve et le générateur
de vapeur des réacteurs, Areva s’est opposé à EDF comme maître-d’ œuvre dans la
vente des réacteurs, l’un et l’autre revendiquant être les mieux placés pour remporter les marchés. De partenaires dans les ventes, les deux sociétés sont
devenues concurrentes.
C’est
le début de dysfonctionnements qui ont diminué notre efficacité sur la conquête
des marchés et la réussite des chantiers des réacteurs. Le plus bel exemple est
Flamanville où EDF exploitant fait face à Areva engagé dans le chantier de
construction. Ajoutons à cela que les autorités de sûreté sont devenues
impitoyables sur la sécurité depuis Fukushima. Les retards s’accumulent sans
que l’on puisse déterminer précisément ni le coût total ni la date de mise en
exploitation, les deux étant en perpétuelle évolution. Pourtant un réacteur EPR
de même type construit en Chine avec Areva et commencé un an plus tard est en
voie d’achèvement.
Il s’agit
là de facteurs dommageables internes à l’entreprise. Il faut y ajouter les
facteurs externes nationaux dont la pression gouvernementale exercée sur Areva
pour que celle-ci prenne sa part dans la recherche industrielle et la
fabrication de panneaux solaires et d’éoliennes. Or cette activité représente
désormais près de 500 millions d’euros dans le déficit de plus de 4 milliards
en 2014 d’Areva. De toute évidence, nous n’arrivons pas à concurrencer les
autres industries allemandes, danoises et chinoises dans un marché qui est
ouvert à la concurrence sans préférence nationale. Ce créneau d’activité
rajouté n’est pas de plus dans la vocation de base de cette industrie. Mais il
faut aussi comprendre que la pression écologique, faite contre le nucléaire et
les annonces du Président Hollande sur la réduction du pourcentage de nucléaire
en France au profit des énergies renouvelables, est particulièrement
handicapante lorsque l’on veut vendre cette énergie à l’étranger. Il n’y a pas
de meilleure annonce pour casser un marché. C’est comme si on veut vendre des
Rafales à l’étranger dans une politique de Défense affichant aux yeux du monde
que les Rafales vont être progressivement remplacés par des
drones beaucoup plus efficaces.
En
plus de tous ces facteurs internes à la France, Areva a dû faire face à l’accident
de Fukushima. Cet accident grave est venu conforter la pression écologique sur
le gouvernement et il a eu un effet retardateur sur les projets de construction
dans le monde, chacun voulant tirer les leçons de cet accident pour parer aux
mêmes causes et aux mêmes effets. Ce retard est désormais derrière nous, mais
le manque de ventes a durement touché l’industrie nucléaire. Elle a touché
particulièrement Areva parce qu’une très grande partie de son industrie de
retraitement des combustibles avait le Japon comme client. Les réacteurs
japonais étant arrêtés, cette activité est devenue déficitaire alors qu’elle
était la plus lucrative.
Le
gouvernement sous pression politique écologique n’a pas aidé Areva en l’orientant
sur les énergies renouvelables et en appuyant sur le danger du nucléaire
pourtant non polluant en CO2. En effet seul le principe de précaution peut
justifier l’arrêt du nucléaire français. Il reste, après l’énergie hydraulique,
l’énergie la moins chère. La France est historiquement liée à la Science
nucléaire, avec des noms prestigieux, comme Becquerel qui a découvert la
radioactivité, Pierre et Marie Curie entre autres. Elle est internationalement
considérée comme le pays du monde ayant le mieux réussi dans ce domaine avec le
plus grand pourcentage d’énergie nucléaire par habitant, recyclant la presque
totalité des combustibles usés et n’ayant été le siège d’aucun accident grave,
noté comme tel au niveau 4 sur l’échelle d’évaluation internationale qui en
comprend 7. Sur tous ces points nous avons devancé tous les pays du monde dont les
Etats-Unis qui ont néanmoins deux fois plus de réacteurs que nous, ce qui est normal vue la différence de population.
Je
voudrais terminer en accusant de nouveau le gouvernement qui a stoppé le plus
avancé des réacteurs à savoir Superphénix, ce premier de série arrêté par la
pression écologique après des incidents dans la partie non nucléaire du
réacteur. Cet arrêt a été décidé sans concertation avec ni
le Parlement, ni la société exploitante ni ses partenaires étrangers ni les
collectivités locales. Avec le démantèlement du réacteur, cela
coûte une quarantaine de milliards de francs en pure perte. Nous
devancions alors les russes de plusieurs années. Désormais ils
sont devant nous avec ce type de réacteur de quatrième génération et
vont rafler
le marché. Ce type de réacteur multiplie d’un facteur 60 la quantité de
combustible
utilisable par son effet régénérateur. Youpi ! Nous avons tout gâché alors que le marché repart. Le nombre de projets n'a jamais été aussi important.
Areva est l’image même de notre furie dans la décomposition de notre
patrimoine
industriel. Pourtant c’est le choix courageux du nucléaire
par De Gaulle et Pompidou qui fait que nous pouvons dire que nous sommes les
champions en matière de CO2, même s’il s’agit à mon avis de la plus grosse
arnaque du siècle.
Il n’est pas de grand pays qui n’ait pas
à cœur de valoriser ses progrès technologiques.
Il n’est pas de grand pays qui sombre
dans la repentance et dans la peur.
C’est ce que nous faisons en salissant
notre passé et nos fleurons.
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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