Tous ceux qui ont des entreprises, tous
ceux qui y ont des responsabilités, tous ceux qui ont établi des relations personnelles
avec des entrepreneurs savent qu’une chose est primordiale, la stabilité des
lois et des institutions. L’entreprise, lieu de création et d’innovation, hait
que le contexte administratif et structurel géré par l’Etat soit instable,
changeant. Sinon c’est un peu comme si les pieds des arceaux de votre balançoire
étaient des patins posés sur une patinoire. Je vous défie d’en maîtriser le
balancement. Depuis les années 1980, où la France avait semblé avoir réussi sa
décentralisation, des lois successives sont venues modifier soit la structure
administrative soit les compétences des entités intervenantes au rythme de près
d‘une loi par an. La France est soit atteinte d’un prurit soit agitée d’un
mouvement Brownien incoercible.
C’est
ainsi qu’on a pu arriver à un cas de
figure où la loi sur les compétences des départements ne sera pas entièrement
finalisée avant les élections départementales, amenant les électeurs à élire
des représentants sans connaître leur pouvoir exact… une première. On est dans
le flou et la réforme territoriale a été votée aujourd’hui 10 mars 2015 en
première lecture. Elle reviendra à l’Assemblée durant le deuxième trimestre. Il
n’y avait rien sur les compétences des collectivités territoriales dans le
programme du candidat François Hollande lors de la campagne en 2012. C’est dans
le discours de politique générale du nouveau Premier ministre Manuel Valls du 8
avril 2014 que nous avons appris la suppression des Conseils Généraux.
Donc non content de ne pas réaliser ses promesses de campagne pour lesquels il
a été élu, Hollande en faisait introduire une nouvelle non prévue et de taille
par Valls : "Mon dernier objectif est d’engager le débat sur l’avenir
des conseils départementaux. Je vous propose leur suppression à l’horizon
2021".
Hollande
précise ensuite son objectif dans la presse régionale du 5 juin 2014 :
"L'objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la
suppression du conseil général en 2020". Cela ferait donc partie de ses
promesses de campagne de 2017 ! Tout ceci est lancé sans aucune étude
préalable et sans même consulter le Président de l’Association des départements
de France, pourtant socialiste. C’est dans le droit fil de l’étude du nouveau
découpage des régions, le soir à la chandelle entre copains avec carte, gomme
et crayon. Pour les Conseils Généraux il eut été utile d’informer sur les
raisons de cette décision et surtout des organismes qui allaient récupérer
leurs compétences. Les projets de loi présentés en juin 2014 n’apportèrent
aucun éclaircissement. Sur la base d’éléments
de comparaison avec l’organisation territoriale des autres pays de l’Union
européenne, le gouvernement a néanmoins décidé, passant outre à toute réflexion
approfondie, de prononcer une "procédure accélérée".
C’est ainsi
que le scrutin départemental de mars 2015 se transforme de facto en des
élections à la proportionnelle, où les électeurs votent moins pour des
candidats qu’ils connaissent et choisissent que pour un parti, candidats dont
ils ignorent précisément dans quels domaines ils exerceront leur compétence. En
effet le redécoupage est fondé sur un critère exclusivement démographique rejetant
tout critère géographique, et le système de binôme homme/femme. Les conseillers
généraux sortants se représentent sur des cantons au moins deux fois plus
grands et souvent trois ou quatre fois. L'électeur se trouve plus informé sur les buts politiques que sur les tâches dévolues aus futurs élus. Ne reconnaissant donc souvent plus le
conseiller sortant, ne connaissant pas bien leur tâche, ni la répartition de
celle-ci dans le binôme, les électeurs se trouvent, ou inciter à s’abstenir, ou
à exprimer une opinion moins sur les couples de candidats que sur leur parti
politique.
Cette opacité est bien malvenue alors que les électeurs s'apprêtent à
désigner ceux qui justement présideront à l'avenir des départements. Elle
transforme une élection de candidats de proximité, dont les compétences peuvent
être jugées sur place par les électeurs, en simples instruments des partis
politiques. Elle dénature un peu plus l’intérêt de la démocratie de proximité.
Par ailleurs l’instabilité législative fait perdre de la visibilité et ne
permet guère à l’électeur de s’y retrouver, alors que l’essentiel serait de
fournir un meilleur environnement permettant aux élus d’améliorer leur
gouvernance territoriale. De plus cette boulimie législative, faite à la hâte, mobilise,
voire dévore, le temps des élus, celui de nombre de fonctionnaires et engendre
un considérable coût administratif. A-t-on seulement pris la peine de nous en
faire comprendre les avantages ?
On a seulement vu des discours plus ou moins
contradictoires allant de la suppression de l’échelon départemental à son
maintien au gré des interlocuteurs rencontrés à postériori par Manuel Valls. C’est
ainsi que le transfert des compétences sociales des conseils généraux aux
régions a été abandonné… heureusement. Dans le cas envisagé de transferts de
certaines compétences à la préfecture, ce même citoyen, faute d’interlocuteur
élu, devrait se tourner vers une administration d’Etat, dont l’opacité est
inévitablement plus grande. Il y a pourtant beaucoup à faire pour simplifier la
mille-feuille territoriale où les régions, les Conseils généraux, les
préfectures, les métropoles, les intercommunalités, les communes et une myriade
d’organismes divers s’accaparent des domaines d’action souvent redondants et
générant des lourdeurs administratives où les énergies s’épuisent. Ceci ne fait
qu’alimenter un grossissement du nombre de fonctionnaires qui s’estiment alors
indispensables. C'est pour cela que la France est un des pays où le coût de l'Administration publique est l'un des plus élevés de l'UE.
Amateurisme,
incompétence, dirigisme, anti-démocratie,
Sculptent
une France de la gabegie administrative
Sans
que la destruction de l’existant
N’amène
autre chose que…
Du
vent politique !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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