Un précédent
article a donné un aperçu des raisons qui justifient une réforme territoriale
et plus généralement du service dû au public. Toutes les entités qui ont été
citées œuvrent dans le domaine public même si leur rattachement n’est pas
direct. La réforme du millefeuille administratif doit donc avoir comme objectif
d’améliorer le service au public ou tout au moins de ne pas le détériorer par
une réforme qui aurait aussi l’objectif d’en diminuer le coût.
Comme l’écrit Jean-Pierre Chevènement, la réforme
territoriale est une affaire trop sérieuse pour pouvoir être abordée sans une
vue d’ensemble qui tienne compte de l’histoire d’abord, de la démocratie
ensuite et enfin celui de la rigueur et du souci des économies de gestion. Chaque
pays a son histoire et on ne peut même pas comparer notre découpage
administratif à celui des pays voisins, ni au Royaume-Uni avec l’indépendance
économique de l’Écosse, ni à l’Italie avec ses principautés, ni à l’Espagne avec
ses fortes tendances à l’autonomie catalane ou basque. Il semble que le modèle
que nous voulons copier est celui de l’Allemagne avec ses länders. Mais ces
derniers ne sont que l’émanation des petits états d’avant 1871.
Cependant toutes ces organisations diverses ont un
point commun, l’échelon administratif de la commune, pilier de la démocratie.
Celle-ci se retrouve dans l’identité nationale que représentent l’échelon
départemental et la Nation. Dans ces deux échelons on retrouve des élus
départementaux au Conseil Général et des représentants de l’autorité de l’État
dans les préfectures. Les régions ne sont que des constructions qui ne
correspondent pas toujours à l’histoire. La Bretagne en est l’illustration
récente avec le département de Loire-Atlantique. Nantes, fief d’Anne de
Bretagne, ne semble pas émouvoir le nouveau gouvernement dans son nouveau
découpage.
On voit déjà d’une part que passer de 22 à 14
régions métropolitaines ne va pas amener de grandes économies et que certaines
régions ne se justifient pas plus que les coups de crayon des colonisateurs sur
la carte d’Afrique. D’autre part la perspective de supprimer les départements
pour ne laisser que les régions ne fait que diminuer la démocratie, comme la
perte de responsabilité des communes dans les communautés de communes. Elle
aurait au moins en principe l’avantage de diminuer les coûts de gestion mais
pas celui d’améliorer la qualité de service.
La France ne ressemble en rien à l’Allemagne dont le
territoire est de surface moindre, avec une population concentrée sur de
grosses agglomérations qui sont la raison d’être des länders. C’est pourquoi la
prise en compte de la ruralité donne chez nous un sens au découpage
départemental napoléonien. Le découpage en grandes régions avec quelques métropoles sur
le territoire n’apparait pas de nature à assurer un service public cohérent, à
l’écoute et efficace. C’est reconstituer des seigneuries dans des duchés avec
des conflits d’influence et de répartition de leadership. La Nation, écartelée
entre Bruxelles qui pousse à la régionalisation et les super-régions ne peut qu’y
perdre de son autorité déjà largement entamée.
L’intercommunalité a son utilité dans la mesure où
elle peut soit réaliser des investissements hors de portée financière des
communes soit exécuter des tâches qui demandent la coordination de plusieurs
communes. Elle a tendance à créer des besoins propres qui donnent de l’importance
à leurs maires et leurs administrateurs, et à grossir par absorption des responsabilités
des communes. Il s’ensuit des dépenses d’investissement et de gestion qui
échappent plus ou moins aux administrés, les mairies faisant écran.
Il n’y a que quatre ou cinq métropoles en France qui
peuvent rivaliser avec celles des länders allemands et seule l’agglomération
parisienne peut se targuer d’être une ville-monde. On perçoit donc déjà que la
réforme entreprise ne commence pas par le bon bout. Une France sans aucun département
et des régions qui ne seront pas toutes associées à ces 4 ou 5 métropoles ne
feront que d’une part diminuer globalement le sentiment d’appartenance des
citoyens et par là-même le bon emploi de la démocratie, et rendre la France rurale
encore moins considérée.
En 2012 le coût moyen d’une région est d’environ 1
milliard. En passant de 22 à 14, le gouvernement pensait donc économiser 8
milliards par un calcul simpliste, même s’il semble que l’on soit revenu en
arrière. Comme toutes les réorganisations dans les entreprises et comme
toujours, cela coûtera beaucoup plus que prévu au départ. Ensuite le gain
portera sur le poste le plus coûteux, celui des salariés. Or ce sont des
fonctionnaires pour la plus grande part, fonctionnaires qui ont des contrats à
vie… alors que restera-t-il comme économie ? Certainement une peau… de
chagrin. Que peut-on faire si la réforme territoriale est nécessaire ?
Dans le prochain article un certain nombre de pistes seront évoquées.
La
réforme territoriale est une affaire trop sérieuse
Pour
être bâclée pour des raisons politiques.
Si c’était
une promesse primordiale
Il
fallait s’y prendre plus tôt !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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