Il devient de plus en plus évident que l’euro c’est l’Allemagne
et réciproquement. C’est le principal contributeur à l’aide aux pays de la zone
euro en difficulté et la Chancelière commence à mettre le holà sur les demandes
de plus en plus pressantes et importantes de tous ces PIIGS (Portugal, Irlande,
Italie, Grèce, Espagne). Le pactole allemand n’est pas inépuisable dit-elle et
il n’est plus question de prêter quoi que ce soit sans que les conditions de
remboursement soient définies et contrôlées par l’Allemagne elle-même en
premier.
Simple manœuvre politique ? Pas si sûr car curieusement
si l’Allemagne, forte de sa note AAA des trois principales agences de notation,
peut facilement emprunter même à taux négatif, il n’en est pas de même pour les
CDS. Les CDS (Credit Default Swap) sont les assurances prises pour s’assurer contre
un défaut de paiement et accompagnent les prêts. Le taux de ceux-ci est évalué
sur la base de la note BBB pour l’Allemagne, ce qui est le niveau « spéculatif »
dit à risques.
On est devant une apparente anomalie. Le
rendement du Bund, l’obligation allemande, à 10 ans n'est que de 1,32%, bien en
dessous du rendement du bon du Trésor américain à 10 ans, de 1,52%. Les
placements d’argent sur l’Allemagne restent donc un refuge attractif et sûr en
Europe pour ceux qui achètent des obligations. Toutefois ce n’est pas le
raisonnement de ceux qui achètent des assurances sur le crédit de type CDS, ils
considèrent les obligations allemandes deux fois plus risquées que les bons du Trésor US.
Qu’est-ce qui peut bien pousser ces derniers à un tel manque
de confiance ? C’est que l’Allemagne est engagée dans une spirale sans fin de
promesses d’aide et de renflouement aux pays et aux banques. Ils pensent donc
que les risques sur le bilan national de l'Allemagne sont clairement de plus
en plus élevés. Ils estiment que l'exposition
totale (emprunts directs, garanties déguisées et lignes de crédit sibyllines) de
l'Allemagne à ses voisins européens aux abois s'élève à 1.500 milliards
d'euros ! C'est là une somme ahurissante, équivalente à plus de la moitié
du PIB allemand. Entendons-nous bien, ceci ne comprend pas le besoin propre
allemand.
De quoi s’agit-il ? La
Bundesbank doit faire face à une exposition de 698,6 milliards d'euros à
diverses banques centrales européennes périphériques. Pire cette exposition s’est
alourdie de plus de 50 milliards depuis avril et était pratiquement nulle en
2006. Il faut ajouter à cela les engagements des banques privées au PIIGS pour
323 milliards.
Enfin il y a les promesses d’aide
non encore versées :
- 22 milliards d'euros pour le premier renflouement grec,
- 211 milliards d'euros pour le Fonds européen de stabilité financière,
- 190 milliards d'euros pour le Mécanisme Européen de Stabilité,
- 12 milliards d'euros pour le Fonds Européen de Stabilisation Financière
- 40 milliards d'euros pour le Securities Markets Program
Il faut donc ajouter 475 milliards
d'euros, soit 18% du PIB de l'Allemagne. On comprend ainsi mieux que la
situation allemande s’aggrave au rythme de celui des PIIGS. On peut également
penser que le deuxième contributeur qui est la France va subir un sort moindre
mais conséquent alors que sa dette et son déficit sont relativement plus élevés
que ceux de l’Allemagne.
Il y a beaucoup d’invités servis à la table de l’Europe
Mais pour payer l’addition tous regardent le porte-monnaie allemand.
Si l’addition devient trop lourde pour lui
C’est la plonge pour tout le monde !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon