Emmanuel Todd a bien raison quand il écrit « avec l’euro fou (plus que fort), l’Europe
réussit le tour de force d’utiliser sa
propre puissance économique pour se torturer ». (Lettres
du Gaullisme)
L’Europe va devenir le seul ensemble de pays entrant en
récession. Or il n’y a pas de véritable crise mondiale même si certaines
croissances diminuent comme en Chine. On peut seulement parler de rééquilibrage
après des émergences rapides d’économies dans le monde, émergences qui
traduisent des balances commerciales très bénéficiaires. Par ailleurs des pays
sauvent leur économie par la planche à billets comme le font les Etats-Unis et
comme vient de le faire le Royaume-Uni. Ils prennent le risque de créer une hyperinflation
ou l’éclatement de bulles dont l’origine est l’excès de liquidités prêtés à taux
bas et à risques incontrôlés.
Ce gain de croissance est factice et ne correspond pas à la
croissance réelle née de l’abaissement des coûts de production et de l’innovation.
Il n’a de sens que dans le court terme. La croissance réelle n’est donc plus la
croissance mondiale qui prend en compte la croissance factice d’un certain
nombre de pays. Elle est notablement inférieure, probablement de l’ordre de 1 à
2%. C’est donc sur cette base économique que l’Europe doit réfléchir et agir.
Ceci implique la réduction des dépenses pour tous les pays en déficit, l’amélioration
de la balance du commerce extérieur, le contrôle des capitaux et de la monnaie.
Sur le premier point la réduction des dépenses doit être
ciblée sur le gaspillage, les emplois redondants, les organisations
pénalisantes ou inefficaces, l’organisation territoriale, etc. La réduction des
dépenses qui se traduisent par une perte de pouvoir d’achat des citoyens sont à
proscrire ou à pratiquer avec la plus grande parcimonie.
Sur le deuxième point ce sont les coûts de production qui
sont en cause. C’est donc tout ce qui touche aux impôts et taxes qui sont
ciblés, en particulier ceux qui jouent sur les coûts salariaux. Cette évolution
comme celle sur la réduction des dépenses doit se faire de manière progressive
et ajustée au contexte économique mondial. Elle nécessite de pratiquer des
mesures protectionnistes ciblées et évolutives dans le temps de façon à
remettre progressivement nos industries à un niveau compétitif.
En ce qui concerne les troisième et quatrième points, nous
sommes dans le carcan de l’euro et de Bruxelles qui nous empêche de jouer sur le
contrôle des capitaux, la monnaie, et de pratiquer même un protectionnisme
modéré. Nous nous trouvons être avec l’Allemagne les deux pays qui assurent la
survie de l’euro avec une vue des opinions majoritaires de leurs citoyens complètement
divergentes. Ces opinions, enfourchées par les gouvernements, font que d’un côté
on prône la rigueur, de l’autre la croissance. Contradiction qu’il faut gérer
dans le carcan de l’euro que les deux veulent sauver à tout prix.
Gérer de la croissance ex-abrupto, c’est creuser du déficit
ou créer de la monnaie, dernier point qui n’est normalement pas dans les
attributions de la BCE (bien que…). Cela ne résout pas pour autant le déficit
du commerce extérieur même si cela agit sur la consommation intérieure. Les
recettes sont aléatoires mais les dépenses certaines. Mais la rigueur pratiquée
à haute dose et sur un plan principalement fiscal ou de réduction des salaires
et des avantages sociaux se traduit inéluctablement par une perte de croissance
intérieure, donc de recettes. On voit ce que cela donne en Grèce, en Espagne et
en Italie.
L’Europe, et particulièrement la zone euro, s’étrangle dans
le licou de l’euro et de politiques appliquées sans discernement sur des pays
dans des situations économiques et sociales très éloignées les unes des autres.
On ne parle désormais que de sauvetage de pays en péril et les caisses sont
vides ou presque. Les fonds du FESF et du futur MES ne suffisent pas pour
sauver l’Espagne, l’Irlande, la Grèce et peut-être l’Italie. Les fonds annoncés,
en sus de ceux déjà programmés, ne représentent que 30 milliards nouveaux. Joseph
Stilgitz va jusqu’à dire que ce qui est envisagé en Europe pour enrayer la
récession qui s’annonce est comparable à «un pistolet à eau face à un
rhinocéros qui charge».
On ne peut qu'adhérer à ce constat qui montre que seules deux
solutions cohérentes existent. La première est l'Europe fédérale et non le
fédéralisme budgétaire, c'est-à-dire une Europe unie sous un même chef et un
même drapeau avec une politique financière, économique, extérieure et monétaire
unique. L'euro s'impose alors à tous, y compris au Royaume-Uni. La seconde est
la maîtrise de leur monnaie redonnée aux peuples européens, permettant à chacun
de s'adapter au mieux à la mondialisation et d'en réguler les excès par le
protectionnisme ciblé et le contrôle des mouvements de capitaux. L'euro
pourrait valablement subsister, avec les monnaies nationales, comme monnaie
commune et non unique. Nous sommes actuellement dans une solution bâtarde qui
ne peut mener qu’à une lente asphyxie.
Il va sans dire que notre préférence va à la seconde solution
car l’Europe fédérale implique la disparition des nations, objectif vers lequel
aucun peuple européen n’est prêt. Elle se traduirait par la mainmise des
puissances financières sur l’Europe sur fond de gouvernance mondiale. En effet
sa mise en place nécessiterait de passer outre à la volonté des peuples donc à
implanter un semblant de démocratie.
Quand tu as la corde au
cou
Plus tu te débats, plus
se serre le licou.
Penses à ôter la corde
Miséricorde !
Claude Trouvé
Coordonnateur du MPF Languedoc-Roussillon