Nuit folle
et anticonstitutionnelle à l’Assemblée Nationale !
Nous avions cru comprendre qu’avec
un gouvernement socialiste nous allions vers plus de transparence, nous allions
tout savoir selon le candidat Hollande. On a malheureusement vite déchanté avec
le mensonge public de Cahuzac devant les députés sur ses comptes cachés. Puis on
apprend régulièrement qu’un membre du gouvernement a fait une fausse
déclaration de patrimoine. On avait cru nos Présidents quand ils déclaraient la
guerre aux paradis fiscaux, force est de constater qu’ils existent toujours,
comme au Delaware pour les Etats-Unis et au Luxembourg pour l’Europe. On fait
semblant pour ce dernier de lui rogner les ailes, mais on le fait bien moins
que pour la Suisse… tiens, y aurait-il un lien avec Jean-Claude Juncker,
président de la Commission Européenne et ancien ministre des Finances du Luxembourg
évincé pour fraude ? On croyait que la décision du G20 qui demandait d’obliger
les grandes firmes à fournir, aux administrations fiscales, les informations les
concernant, le lieu où elles sont implantées, le montant de leur chiffre
d’affaires, le nombre de leurs employés, les profits réalisés et les impôts
payés. Mais le public, les Actionnaires,
les parlementaires, les ONG, les journalistes, etc., en étaient exclus.
Pourquoi ces informations
sont-elles importantes ? Parce qu’avec une comptabilité pays par pays, on peut voir si
une entreprise réalise du chiffre d’affaires dans un pays mais cumule des
profits dans un autre où elle n’a pratiquement pas d’employés, voire d’activité
et toutes sortes de bizarreries comptables. C’est une bonne technique pour
repérer ceux qui abusent des paradis fiscaux, avant de déterminer comment les
sanctionner. Car les paradis fiscaux sont des stations de transit qui pêchent,
dans les transactions et les stockages provisoires des sommes qui leur sont
confiées, leur profit sous forme de taxes et d’intérêts. Pour ce faire ils
adaptent les lois du pays aux besoins des firmes clientes. Nul doute que cette
opacité permet des manipulations comptables impossibles à réaliser en France et
dont le but est « l’optimisation fiscale ». Si celle-ci est un but
légal des entreprises françaises non délocalisées, cela devient nettement moins
admissible quand le but est de profiter des dispositions fiscales avantageuses
d’autres pays. Cela crée entre autres une disparité de traitement entre les entreprises
qui paient tous leurs impôts en France et les multinationales, mais aussi une
incitation à la délocalisation qui génère du chômage dans notre pays.
Un
certain nombre de députés socialistes et écologiques se sont émus de cet aspect
d’information échangée entre entreprises et autorités administratives qui amènent
des ententes occultes dans lesquelles les grandes firmes ont des moyens de
pression que les petites entreprises n’ont pas. Menacer de mettre 1000
personnes dehors n’a pas le même impact que de licencier 50 personnes. Ces
députés ont donc fait une proposition de loi permettant de rendre publiques ces
informations. Après un trajet de 10 jours entre les Assemblées, le deuxième
débat arrivait hier en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. La proposition
de loi était définitivement adoptée. Il va sans dire que les intéressés,
représentés par le Medef, la voix des grandes firmes, s’élevaient véhémentement
contre cette loi pendant le temps de son transit entre les deux chambres. Il ne
pouvait être question de faire connaître les petits trafics financiers, voire
les petits arrangements, en dehors du monde clos de Bercy où ils ont leurs entrées
qui dans les cas graves se trouvent être l’entrée de l’Élysée.
L’affaire était pourtant pliée sauf que… Manuel Valls demandait une
suspension de séance et réunissait ses parlementaires. Visiblement quelque
chose ne tournait pas rond mais quoi ? A 1h30 du matin la loi était
définitivement pliée, ou plutôt chiffonnée et jetée à la poubelle. Une nouvelle
loi invalidait la première. Manuel Valls pouvait téléphoner au Medef… Tout est
arrangé. Cette nouvelle loi doit-elle repasser au Sénat ? Normalement oui,
mais il y a peu de chance que l’Assemblée Nationale se dédise une nouvelle fois.
On croit cependant rêver. Comment deux lois contradictoires peuvent-elles
naître en quelques heures ? Y a-t-il eu un évènement extérieur et public,
un attentat ou je ne sais quelle catastrophe, qui modifie le jugement de l’Assemblée ?
Non. Il apparaît clairement que des intérêts privés ont influencé l’Assemblée
en dernière minute.
Manuel Valls, Premier Ministre
chargé de l’exécutif, est donc venu personnellement influer sur le législatif, profitant
du fait que son parti a une majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale. Il
y a là un fait grave qui mériterait d’être proposé au jugement du Conseil Constitutionnel.
Le pouvoir exécutif exécute ce que les lois lui permettent, lois votées par le
pouvoir législatif. Le pouvoir législatif, issu de la volonté du peuple, prime sur
le pouvoir exécutif. C’est particulièrement grave de bafouer le fonctionnement
normal de la Constitution et mérite une sanction. Mais rassurez-vous, le Medef
a suffisamment de représentants dans l’opposition (oserais-je encore longtemps
employer ce mot vidé de son sens après avoir entendu Raffarin) pour que rien ne
se passe et que les électeurs dorment sur leurs deux oreilles… Entre amis, on
continue comme avant, le téléphone de Matignon et de l’Elysée ne les filtrent
pas. On les écoute toujours, ils n’ont pas besoin de se mettre en grève et de défiler dans la rue… ce serait très
incongru pour des personnes qui ne pensent… qu’à créer des emplois… ailleurs.
Un Etat qui jugule les libertés de
son peuple
Et n’écoute que les puissances de l’argent
En arrive même à violer les
fondements
De la démocratie garantie par…
La Constitution !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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