Depuis Waterloo jusqu’en 1945, bien des guerres ont entaché l’empire de
Charlemagne qui avait déjà vu la guerre de prédominance entre François Ier et
Charles-Quint. Mais depuis Waterloo c’est à peine un siècle et demi au regard
de l’histoire, donc bien peu. Malgré deux guerres mondiales, qui auraient pu
être évitées car la seconde n’est que la suite de la première, on n’a fait que
déplacer le centre de l’Europe d’Aix-la-Chapelle à Berlin. L’Allemagne est
redevenue la puissance centrale de l’Europe mais France et Allemagne ont des
destins liés.
La grande différence c’est que le Royaume de France a vendu
son indépendance républicaine à sa voisine par le biais de l’hégémonie
américaine qui veut faire de l’Europe un glacis protecteur à l’ouest au plus
près de la Russie et de plus créer une zone de libre-échange permettant de l’inonder
des produits américains. François Mitterrand en voulant arrimer notre voisine à
la France dans une Europe unie a commis l’erreur de demander une monnaie unique
entre les deux pays, l’euro. Nous sommes ainsi condamnés à la tyrannie de l’euro-mark
car nous n’avons pas voulu choisir une parité de dévaluation viable par rapport
au mark au moment de la création de l’euro.
L’idée eut pu être envisageable si nous avions exigé une dévaluation
à laquelle l’Allemagne n’était pas favorable pour raison de compétitivité. Mais
nous avons cru alors que nous saurions rapidement remonter notre handicap. Malheureusement
nous n‘avons pas fait à temps les efforts nécessaires pensant que l’Allemagne avait
à prendre en charge le lourd fardeau de la réunification. Le temps paraissait
jouer en notre faveur. L’Allemagne a alors fait l’effort énorme de moderniser l’Allemagne
de l’Est tout en maintenant une infériorité des salaires par rapport à l’ouest
où de plus ceux-ci n’ont pas évolué au rythme des salaires français.
Doté d’une industrie puissante à l’ouest, d’une main-d’œuvre relativement
bon marché, l’Allemagne a de plus profité de l’élargissement de l’UE à l’est
pour trouver des débouchés à ses produits comme au début du XXème siècle et des
utilisations d’une main-d’œuvre très bon marché. La ténacité, l’organisation
étant deux valeurs germaines et la définition d’un projet économique clair ont
été les moteurs d’une Allemagne qui a fait oublier les ravages du nazisme sur l’Europe.
Elle a abandonné toute crainte d’une invasion russe et retissé des liens
économiques forts avec ce pays, n’hésitant pas à une dépendance gazière forte.
Elle a rétabli le lien germano-russe historique.
Grâce à une parité avec le dollar supportable pour son
économie et une compétitivité meilleure que la plupart des pays d’Europe, elle
a d’abord de 1998 à 2010-2011 profité d’une balance commerciale excédentaire
sur les pays de l’UE et particulièrement sur ceux de la zone euro. A l’inverse
ceux-ci se sont retrouvés avec des balances déficitaires. Dans une certaine
mesure, on peut dire que l’Allemagne a alors vampirisé le sang économique de
ses partenaires européens. Désormais l’Allemagne a constaté que ces pays
régressaient. L’augmentation des dettes publiques, l’a amenée à préconiser une
réduction drastique du déficit public par des politiques d’austérité.
C’est la crainte de devoir pallier par des aides aux carences
de pays comme la Grèce qui est à l’origine de cette pression allemande. Elle
explique qu’elle est très réticente aux eurobonds et traîne les pieds pour l’union
bancaire. Elle a consenti au Mécanisme Européen de Solidarité mais elle sait
que les fonds disponibles de l’ordre de 500Mds€ sont largement insuffisants
pour éponger les dettes de l’Italie et de l’Espagne. Le risque existe toujours
de devoir mettre la main à la poche alors qu’elle est déjà le pays qui débourse
le plus. Devant le constat de la régression des pays européens, du sud mais
avec une propagation plus récente au nord, l’Allemagne a développé son commerce
hors UE au point qu’il soit supérieur en volume à celui dans l’UE.
Désormais ce pays peut dicter la route à suivre sur toute l’UE.
Il peut justifier l’égoïsme qui lui est reproché par la nécessité de prévenir l’avenir
avec une démographie en chute et des retraites à assumer. Il peut aussi faire
valoir que beaucoup d’Etats se sont montrés cigales, profitant des taux bas d’emprunt
que seule la solidité de l’Allemagne pouvait garantir, sans faire les efforts
nécessaires pour assurer leur compétitivité.
Le résultat est que, si nous sommes dépendants des décisions
allemandes, si nous souffrons de mesures d’austérité sans prendre les réformes
structurelles pénibles mais nécessaires, on peut d’abord s’en prendre à
nous-mêmes. Nous, enfin les élites, avons voulu l’euro, mais nous sommes
incapables de l’assumer. Notre manque de vision de l’avenir a été dramatique. L’Allemagne
est déjà en train de réaliser l’étape suivante : dégager son économie de l’espace
étroit de l’UE et s’ouvrir au monde.
Elle sait que le traité transatlantique de libre-échange ne
profitera qu’à elle et aux États-Unis, au détriment des autres pays européens. De plus elle
a déjà fait de la Chine son principal client et se tourne vers tous les grands
pays émergents. L’Allemagne a une guerre (économique) d’avance ! Elle est prête
à assumer une sortie de l’euro si la France ou l’Italie en manifestait le
désir. Elle est aussi prête à y rester mais ne pratiquera qu’une solidarité
très mesurée au regard de son économie.
La France piétine dans le carcan de l’euro et dans une
réticence à souffrir pour rebondir. Il ne lui reste aucune marge de manœuvre dans
le cadre de l’euro. Les concessions allemandes ne seront qu’à la marge mais la
politique d’austérité sera appliquée bon gré mal gré alors que de toute
évidence elle ne peut qu’aggraver les écarts économiques entre l’Allemagne et
les pays où elle est appliquée. Mme Merkel aura une main de fer dans un gant de
velours. Selon les économistes la France serait compétitive à 1,04$ pour 1euro. Nous en sommes à 1,37$ soit 32% de trop. Pendant ce temps l'Allemagne vient de battre ses records d'exportation avec 99,1 milliards en octobre.
Le seul poids possible de
la France, c’est :
L’évocation d’une
sortie de l’euro !
Alors qu’attendons-nous ?
De mourir à petit feu ?
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon