jeudi 12 décembre 2013

Centrafrique, un piège et une occasion manquée

Comme pour le Mali, la campagne de nos armées commence par des morts dès le début de l’opération. Un soldat de métier a choisi l’armée et les risques qui vont avec, mais on ne peut que déplorer la mort de deux jeunes français. Encore faut-il que la cause défendue par ces deux hommes mérite de l’être. L’intervention humanitaire est toujours un bon prétexte car nous ne pouvons accepter de voir mourir des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans l’indifférence la plus complète. Toutefois l’intervention humanitaire, nécessaire dans de nombreux pays du monde, était-elle dévolue à la France seule et n’aurait-elle pas due être faite plus tôt ?

Seulement nous nous retrouvons seuls dans la position de gendarmes de l’Afrique et dans une mission d’interposition typiquement onusienne. Or nous savons que les États-Unis ont la mainmise sur l’ONU, grâce aux bakchichs  ou à la pression économique sur nombre de pays plus ou moins développés. Le seul blocage possible est le véto de la Chine et de la Russie. Le Centrafrique n’est pas d’un intérêt puissant pour ces deux grandes nations et s’opposer à une intervention humanitaire aurait été mal venue. La France, avec l’aval des États-Unis, n’avait donc aucun mal à obtenir l’aval de l’ONU. 

Toutefois nous avons décidé cette intervention dans la précipitation alors que la situation était explosive depuis l’exil de Bozize, représentant légal que nous aurions pu aider à reprendre la situation en main. Nous avons attendu que la situation tourne aux massacres pour intervenir. Nous le faisons dans un contexte de chaos où la Seleka musulmane a plus ou moins pris le pouvoir et nous devons respecter ce pouvoir intérimaire jusqu’aux élections en… ? Celui-ci couvre plutôt ceux qui l’ont mis en place que les autres et c’est ce qui fait se lever la population chrétienne majoritaire. Les meurtres et les armes sont désormais de part et d’autre. Désarmer les chrétiens ou les musulmans c’est les exposer sans défense aux vengeances qui ne s’éteindront pas si tôt. 

Nous sommes donc partis sans prendre le temps de gagner à notre cause nos partenaires européens et désormais il est bien difficile dans espérer plus qu’une aide symbolique. Comme il s’agit d’une ancienne colonie française, il est facile de considérer que la France a le devoir d’y aller et d’assumer sans aide particulière. Par ailleurs le relais pris par les troupes africaines n’est pas pour demain car les 6.000 hommes entraînés et équipés prévus n’est pas pour demain vu le temps qu’il faut pour les réunir au Mali. De plus des tchadiens et des soudanais se sont introduits déjà dans le pays et aident la Seleka. Les soldats tchadiens musulmans, les plus aguerris, ne sont pas sûrs dans un conflit inter-religieux. 

Nous sommes donc en Centrafrique pour longtemps et la mission de paix est une mission quasi impossible car le pays est la cible des intégristes musulmans qui évoluent dans tout le centre et une partie de l’est africain jusqu’au Kenya. Les armes collectées dans un premier temps se feront de plus en plus rares car de mieux en mieux cachées et les prises seront principalement individuelles. Nos soldats, dont la présence est appréciée provisoirement par les chrétiens, ne peuvent qu’être honnis par les musulmans et ont toutes les chances de décevoir les chrétiens par les actions de désarmement contre eux. 

Nos soldats sont en ligne de mire et ne savent pas qui est l’ennemi. Ils sont exposés à tout instant en dehors de leurs zones contrôlées. Ils ne peuvent s’appuyer sur aucune structure étatique, soit inexistante soit très peu faible. Par ailleurs Bangui est la ville la plus importante mais son étendue va mobiliser beaucoup d’hommes pour y faire régner l’ordre. Mais le pays est très vaste et les 1600 hommes sont bien trop peu nombreux pour quadriller un tel pays. Les élections ne sont pas pour demain et nous devrons rester jusque-là de toute évidence et subvenir aux besoins de santé et d'alimentation, si nous ne voulons pas que des soldats français soient morts pour rien. 

Cette opération arrive trop tard après l’exil de Bozize et son résultat est désormais très difficile à atteindre. On peut réellement se demander si nos soldats ne risquent pas d’y mourir pour rien. Il est temps que les africains prennent en main les affaires de ce continent sinon nous allons retourner vers des actions post-coloniales sans fin mais que nous cesserons sans être finalement plus aimés que les américains en Afghanistan. C’est ce que ressentent les 2/3 des français en même temps que nos élites dépensent notre argent dans des croisades, mêmes humanitaires, alors que l’année 2014 s’avère pire que 2013 pour le porte-monnaie des français. On ne peut en même temps réduire drastiquement le budget des armées et les envoyer dans des missions qui ne nous menacent pas. 

Hollande voulait tourner la page de l’Afrique 

Elle est déjà  ensanglantée !
 
Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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