Notre
président vient de faire un voyage éclair en Tunisie dont l’utilité nous échappe
un peu sinon par intérêt commercial avec un pays autrefois colonisé et auprès
duquel il faut continuer à regretter les méfaits du colonialisme. Peut-on être
fier d’adouber un gouvernement accusé sur les réseaux sociaux de bloquer la
transition démocratique dans le pays ? Alors que le parti islamiste tunisien Ennahdha (au
pouvoir) réaffirme sa solidarité avec le président Mohammed Morsi et appelle le
peuple égyptien à respecter la légitimité électorale ?
Etait-ce le moment de visiter
ce pays ? Je ne le crois pas quand on a agi sur ce pays pour faire libérer
quelques femmes aux seins nus venues défendre la liberté de la femme. Ces
femmes encouraient des peines bien plus graves sans cela. Il n’est pas de mon
propos de justifier leur action mais c’est un fait que la condition de la femme
ne s’est pas améliorée depuis l’élection d’un gouvernement largement influencé
par les Frères musulmans, en témoigne ce qui suit.
Nos jeunes femmes
européennes avaient entrepris une action provocatrice pour soutenir une autre
jeune fille, Amina, qui avait publié une photo d’elle seins nus sur internet. La
phrase dont Amina accompagnait sa photo résume avec une parfaite lucidité la
condition du corps féminin : mon corps m’appartient et il n’est l’honneur
de personne. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Dans les sociétés
patriarcales (c’est-à-dire presque toutes, mais certaines le sont à des degrés
insupportables), le corps de la femme ne lui appartient pas. C’est un objet
symbolique, investi par l’honneur masculin. C’est-à-dire par la honte. Ce corps
que les hommes désirent, ils en ont honte aussi, alors il leur faut le cacher,
le voiler, l’enfermer, et s’il s’exhibe, le punir, l’enfouir, le supprimer
parfois.
Amina est en prison, et
bien peu ont le courage de la soutenir, comme si elle avait commis un crime
honteux. Pas loin, les Européens bronzent tranquillement à Djerba ou font du
shopping à Monastir. Notre président n’a pas saisi l’occasion du repentir
du colonialisme pour évoquer la condition de la femme dans le pays du Maghreb
où ses droits avaient le plus évolué avant le printemps tunisien. Le chantre de
la parité homme-femme en France s’en est abstenu dans un discours « brosse à
reluire » lénifiant.
Amina a encore de la chance. Elle n’a pas été lapidée, comme le
demandait un sympathique prêcheur salafiste, car les hommes sont nettement
moins miséricordieux qu’Allah. Elle n’a pas été pendue à une grue à seize ans
pour le crime d’avoir flirté, comme en Iran. Elle n’a pas été enterrée jusqu’à la
taille et lapidée pour le crime d’avoir été violée, donc pour avoir attenté à
l’honneur des hommes, comme au Pakistan. Elle n’a pas été aspergée d’acide
sulfurique pour le crime de n’avoir pas été assez voilée, comme au Cachemire.
Elle n’a pas été abattue par ses frères pour le crime d’avoir aimé un homme
dont ils ne voulaient pas, comme un peu partout. Elle n’a pas été supprimée
dans le ventre de sa mère pour le crime d’être une fille, comme en Inde. Elle
n’a pas été assassinée pour le crime d’avoir voulu éduquer des filles, comme en
Afghanistan. On n’a pas applaudi celui qui l’a brûlé vive, comme on l’a fait à
Vitry sur Seine pour l’assassin de la jeune Sohane.
L’occasion était belle
pour notre Président de parler du sort de millions de femmes dans le monde qui
aspirent à sortir d’une société patriarcale où leur corps ne leur appartient
pas et dont la vocation première est utérine. Il est de bon ton de réclamer la
parité homme-femme en France, au forceps par les quotas au fi de la qualité des
femmes mises en responsabilité. Il est beaucoup plus facile d’oublier ses
principes de libération de la femme lorsque l’on sait que cela ne va pas de soi
dans un pays musulman.
De Gaulle avait sans peur
crié au Canada « Vive le Québec libre », au risque de choquer toute l’Amérique
du Nord et le Royaume-Uni. Hollande n’a pas crié en Tunisie « Vive la
femme libre de son corps ». Notre Président transforme la société
française en faisant fi des cris de la rue. Mais il n’a eu en Tunisie que ce
que l’on appelle un langage diplomatique, voisin de celui de la langue de bois,
et montré que les principes que l’on défend pour se faire élire ne méritent pas
qu’on les porte haut et fort comme notre fierté d’être français. C’est
évidemment beaucoup moins gay !
C’est pourquoi la démocratie recule dans notre pays
Le courage de la défendre quitte nos élites
Que le vote démocratique a transformé
En potentats !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF
du Languedoc-Roussillon
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