Le 16 mai aura lieu la première
confrontation entre François Hollande et Angela Merkel. De celle-ci dépendra la
direction que prendra la zone euro face aux aides à accorder aux pays en
difficulté beaucoup plus que les propositions de relance de la croissance. Il y
a le feu à la zone euro et par contagion à l’UE. On ne peut valablement
envisager la croissance quand les PIIGS, les Etats en difficulté, se débattent
dans l’austérité pour qu’on leur laisse la tête hors de l’eau.
Pourtant Hollande a rallumé la
tentation de création de la monnaie et de l’impôt pour alimenter la croissance.
Il propose des eurobunds (mise en commun des dettes), la création de monnaie
par la BCE et la taxe sur les opérations financières dite taxe Tobin bien que
ce dernier ait demandé de retirer son nom. Tout ceci pour trouver de l’argent
et faire espérer qu’ainsi on va pouvoir sauver les PIIGS et en même temps
alimenter la croissance en faisant oublier qu’il faut diminuer les dépenses
inutiles ou non indispensables de l’Etat. En effet on ne sait ou on ne veut pas
faire ces dernières mais on craint l’austérité demandée en majeure partie au
peuple qui peut déclencher à tout moment une crise de rejet comme en Grèce.
C’est pourquoi, après la taxe sur
les billets d’avion de Jacques Chirac, on a ressorti l’idée d’alimenter la
croissance par des investissements payés par la Taxe Tobin, taxe dont se sont
emparés les altermondialistes en la dénaturant. Le but en serait de disposer de
fonds dans la Banque Européenne d’Investissement pour des projets structurels
européens. Quand on a besoin d’argent, on crée un impôt nouveau ou on crée de
la monnaie, recettes faciles qui reviennent à pousser le problème devant soi.
Étonnante
histoire que celle de cette taxe. Elle a été imaginée au début des années 1970
par le professeur James Tobin à un moment où le monde qui venait d’abandonner
les changes fixes découvrait l’instabilité des taux de change et les risques de
déstabilisation des pays émergents. D’où l’idée d’atténuer les mouvements de
capitaux trop brutaux au travers d’une taxation visant à «jeter quelques grains
de sable dans les rouages bien huilés de la finance internationale». Il est
intéressant de noter que cette idée est revenue en urgence en février de cette
année.
Dans un communiqué, François Baroin se félicite que huit autres pays
(Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Grèce, Italie et Portugal)
et la France aient adressé une lettre commune à la présidence de l'UE pour
l'inviter à "accélérer les travaux du Conseil, de manière à achever une
première lecture du projet de directive dès le premier semestre 2012".
Il est encore plus intéressant de
voir qu’elle continue avec Hollande alors qu’elle avait été torpillée sous le
gouvernement socialiste précédent de Lionel Jospin (qui en avait imprudemment
fait la promesse) avec les déclarations de Dominique Strauss-Kahn, Laurent
Fabius et le rapport alors commandé par le Premier ministre au Conseil
d’analyse économique. Il est intéressant de rappeler leurs principaux arguments.
- Il est d’abord impensable de prétendre contrôler le mouvement sur les
devises au moyen d’une taxe. La situation du marché des changes n’est plus
celle de l’époque où a été imaginée la taxe Tobin, tant par la sophistication
des produits financiers que par le volume considérable des échanges.
- Une taxe Tobin à taux faible ne dissuaderait personne et serait inutile,
disait Dominique Strauss-Kahn. Avec un taux vraiment dissuasif, le mouvement
des capitaux serait réellement entravé et dès lors, la taxe ne rapporterait
rien.
- En revanche, en voulant frapper les transactions censées déstabiliser les
marchés des changes, on affecterait dangereusement les transactions positives
qui accroissent l’efficacité des marchés, celles qui permettent à des exportateurs
ou à des importateurs de se protéger contre les risques de change. De plus, une
taxe même minime deviendrait prohibitive pour des activités utiles comme celles
des « day traders » qui effectuent des milliers d’opérations d’aller-retour
dans des temps très courts sur des écarts très faibles.
- Enfin, une telle taxation serait facilement détournable, soit en
transférant les activités de change dans des pays hors taxe Tobin, soit en
répliquant les transactions primaires par des produits dérivés.
Conclusion : comme il est impossible de contrôler l’ensemble de la finance
dans le monde entier, la taxe Tobin est, selon les mots de Laurent Fabius, une
idée irréaliste. Etonnant non ?
A croire qu’en politique
Qui ne se dédie point
Passe pour un imbécile !
Bon vent au couple Merkhollande !
Claude Trouvé