Avant
de parler plus précisément des énergies renouvelables, il est bon d’écouter des
spécialistes de l’énergie attachés au sauvetage de l’humanité et de son
environnement et portant un regard très argumenté sur notre proche avenir.
Parmi ces penseurs et chercheurs, je me dois de mentionner Jean-Marc Jancovici,
polytechnicien, consultant, enseignant et fondateur de la société Carbone 4.
Voici la question qui lui a été posée et la réponse qu’il lui a faite :
Le
fleuron du photovoltaïque français Photowatt annonce qu’il va relancer une
production de panneaux photovoltaïques performants et bas carbone et vise le
marché français. Une bonne nouvelle ?
« S’il s’agit ensuite de les exporter en Chine
pour remplacer du charbon, cela contribuera peut-être (un peu) à la baisse des
émissions, mais si c’est pour les installer en France, cela ne permet pas
d’éviter du CO2 (ni de supprimer des réacteurs, car il faut les
conserver pour la garantie de puissance quand il n’y a ni soleil ni vent).
L’électricité française, aujourd’hui, c’est environ 75 % nucléaire, 15 %
d’hydraulique, 5 % d’éolien (et 1 % de solaire), et il reste 5% de fossile dont on peut facilement se débarrasser
en montant un peu la production des réacteurs nucléaires existants. Rappelons que le nucléaire ne
produit pas de CO2, et que la fumée blanche des tours de
refroidissement est de la simple vapeur d’eau. À cause de la contraction
subie sur l’énergie fossile en tendance, nous allons avoir de moins en moins
d’argent en tendance également. Pourquoi utiliser celui qu’il nous reste encore
pour des investissements qui ne servent à rien ? Nous avons déjà dépensé 100 milliards d’euros pour avoir 5 % d’éolien
et de solaire dans notre électricité, alors que le coût historique de
construction du parc nucléaire est du même ordre… ».
Les
affirmations de ce type ne sont pas si fréquentes, et elles méritent de s’y
attarder. Oui la production française de panneaux solaires pour une
installation en France est déraisonnable pour plusieurs raisons. D’abord nous
nous heurtons à une concurrence historique bien établie du Danemark et de
l’Allemagne, même si Siemens a déjà jeté l’éponge. Ensuite l’UE se heurte à la
concurrence chinoise et a établi des droits de douane dissuasifs sur les
panneaux chinois. En conséquence nous subventionnons les panneaux solaires et,
malgré cela le solaire a pesé négativement sur le bilan du producteur AREVA. En
résumé il n’y a pas d’avenir économique serein pour la France, et même l’UE,
dans la production de panneaux solaires, car il faut consentir des subventions
et des droits de douane. De plus l’implantation des panneaux solaires sur notre
sol ne permet pas d’arrêter les réacteurs nucléaires qui assurent la production
de base quand il n’y a ni soleil ni vent. Nicolas Hulot est en train d’en faire
le constat.
Les
chiffres cités sur la répartition des énergies ne sont plus d’actualité. En
2017 elle est la suivante : 72% nucléaire, 10% hydraulique, 10% thermique
(charbon, fioul, gaz), 4% éolien, 2% solaire, et 2% bioénergie et autres. Cela
ne change rien sur les conclusions à en tirer. Oui le nucléaire ne produit pas
de CO2 ni de polluants rejetés dans l’atmosphère, avantage décisif
par rapport à l’énergie thermique, mais il n’a pas la même réactivité pour
palier à l’intermittence aléatoire des énergies renouvelables (EnRia). Il est
faux de dire que le nucléaire peut seul réguler l’adaptation
consommation-production, même si le nucléaire français a réussi à adapter des
procédures d’exploitation sur 9 de ses réacteurs pour des effacements de
production en quelques dizaines de minutes de l’ordre de 30%. D’une part quand ceux-ci
sont à pleine charge, ce qui est le régime normal, ils ne peuvent pas répondre
à un accroissement de la production, et d’autre part la flexibilité dans
l’effacement se paye par une efficacité dégradée et un vieillissement accéléré
du réacteur. Les matériaux qui constituent son habillage sont sensibles aux
variations de température engendrées par les variations de la production.
Contrairement
à ce que dit Jancovici, la présence d’EnRia dans la production sur le réseau
entraîne la présence d’une énergie de pilotage à réactivité quasi-instantanée
que seule réalise l’énergie thermique. Sinon il ne reste que deux autres
solutions pour réagir : la baisse de tension avec toutes les conséquences
sur le fonctionnement de l’électronique en général, et la coupure
d’alimentation des abonnés ayant souscrit un contrat d’effacement (type EJP) à
la demande leur donnant un prix plus avantageux du kWh. L’expérience prouve sur
quatre années de 2014 à 2017 que, compte-tenu de tous les autres moyens
utilisés pour l’adaptation consommation-production, 1 kWh d’EnRia demande 1 kWh de production thermique en moyenne sur une
année. Ce constat est fondamental pour imaginer un plan réaliste de la
production future d’électricité. Il est d’ailleurs vérifiable sur les
productions allemande et belge. Autrement dit, on ne peut supprimer les productions thermiques polluantes qu’en
arrêtant la production des EnRia, ou en mettant en service des moyens de
stockage de l’électricité de grande capacité et peu couteux. Ce duo de qualité
du stockage n’existe pas encore. Tout plan énergétique qui ne prend pas en
compte cette loi expérimentale est donc pour l’instant voué à l’échec.
C’est
pourquoi il faut arrêter le subventionnement des panneaux solaires, ne pas
racheter leur électricité produite au double du prix du kWh, et réserver cette
production à l’autoconsommation. Ceci ne résoudra pas totalement le problème de
l’intermittence puisqu’il faudra toujours faire face à une demande sur le
réseau en cas de manque de production solaire. Mais cela obligera les
producteurs d’électricité solaire à installer des moyens de stockage adaptés
pour accueillir les surproductions, moyens coûteux mais qui existent pour des
petits stockages. Le réseau ne fera alors face qu’aux manques de production,
atténués par le stockage sur place, mais plus aux surproductions. Par ailleurs
le coût total sera désormais à la charge du producteur et il limitera
l’expansion des panneaux à celle que permet la rentabilité de ce moyen de
production. Vu le prix alors réel du kWh, le constat freinera la montée en
puissance du solaire mais assainira économiquement le marché de l’énergie en
mettant en évidence le coût réel du kWh solaire. Plus ce prix baissera, plus le
solaire progressera, comme pour tous les produits selon la loi du marché.
Il n’y a aucune
raison de ne pas profiter d’une énergie captée sur celle délivrée par le soleil
ou le vent, mais il n’y a non plus aucune raison de payer au-delà de ce que
peut produire une autre énergie, et de s’obliger à produire une énergie
entraînant indirectement une pollution que l’on veut combattre. Si le combat
contre la pollution est souhaitable, on ne peut en ignorer le coût. Les 100
milliards déjà engagés sur les EnRia selon Jancovici, coût identique au coût
historique du nucléaire, doivent nous faire regarder les productions de kWh
associées.
Depuis 2005, début de
l’éolien, et depuis 2011, début du solaire, ces EnRia ont produit 198,1 TWh soit
198,1 milliards de kWh (chiffres RTE) pour 100 Mds€. Le coût
par kWh est donc de 50c€/kWh d’investissement. Mais le coût total est plus
élevé avec les coûts d’exploitation. La production totale se décompose en deux
productions, de 156,4 TWh pour l’éolien et 41,2 TWh pour le solaire. La Cour
des comptes évalue le coût du kWh éolien à 82 c/kWh et 229 c/kWh pour le
solaire dans des installations moyennes, et beaucoup plus pour les petites
installations, mais gardons ces chiffres. Le coût total dépensé par l’éolien à
fin 2017 s’élève donc à 128,2 Mds€, et celui pour le solaire à 94,3 Mds€, soit
un total de 222,5 Mds€. C’est donc de l’ordre de 223 Mds€ que la France a
dépensé pour les EnRia à fin 2017. Ce chiffre est cohérent avec la même dépense
allemande annoncée comme dépassant les 600 milliards mais avec une production 4
fois supérieure en 2016.
L’export d’électricité, et même le solde des
échanges transfrontaliers étant très supérieur à la production totale des
EnRia, on peut considérer que la totalité de cette production a été exportée en
moyenne au prix du marché de l‘électricité. Le prix moyen en 2016 était de 3,675
c/kWh et avait baissé par rapport à l’année précédente de 4,5%. Pour faire un
calcul approximatif, on va prendre une valeur supérieure à 4 c/kWh sur l’ensemble
de la période de production des EnRia. La revente à l’export des productions
éolienne et solaire a donc rapporté 7,3 Mds€. In fine le coût des énergies solaire et éolienne jusqu’à fin 2017 est
de l’ordre de 215 Mds€ !
Ce chiffre
est à rapprocher de l’endettement d’EDF de l’ordre de 75 milliards, dont 5 pris en charge par l’État, des 25
milliards prévus pour le site d’enfouissement de Bures, du « grand
carénage » à 22 Mds€ de 22 réacteurs pour une période de vie d’au moins 20
ans, et des 11 milliards du réacteur EPR de Flamanville [investissement qu’EDF
récupèrera pendant 11 ans par les 12TWh/an produits par le réacteur à 9,02c/kWh
hors taxes (2018) sur notre facture d’électricité]. Mais
ce chiffre de 215 Mds€, qui est finalement un appauvrissement de la richesse
nationale puisqu’il ne sert en rien la consommation nationale, est
à rapprocher aussi de notre déficit et notre dette nationale. C’est 3 fois
notre déficit 2017, près de 10% de notre dette publique, et 3,5 fois notre
déficit du commerce extérieur, quand l’Allemagne a un excédent de 225 milliards.
En
résumé, sans le choix financièrement catastrophique des EnRia, nos factures d’électricité
auraient pu être singulièrement allégées tout en laissant EDF largement bénéficiaire
et en situation de pouvoir investir dans le nucléaire futur que va nécessiter la
montée en puissance du parc automobile électrique. Pendant ce
même temps le nucléaire a produit 4939,7 TWh à 4,95 c/kWh, soit 25 fois plus,
remboursés à près de 2 fois par le kWh HT à 9,02 c/kWh de nos factures
d’électricité. Mais à ce bilan catastrophique d’une dépense inutile, coûteuse,
ne résolvant en rien ni la production de CO2, ni celle de la
pollution nuisible à la santé et à l’environnement, il faut ajouter des
nuisances propres à ces énergies touchant, la santé, l’environnement, l’emploi
et la dépendance énergétique. Ce sera l’objet de dernier article de cette série
sur le scandale des EnRia.
La France n’est pas l’Allemagne, elle n’a
pas le droit à l’erreur
Lorsqu’elle affiche un déficit budgétaire
et une dette
Qui va bientôt atteindre le chiffre de
100% du PIB.
Cette gabegie financière par son
inutilité
Est un monument de désinformation
Une arnaque qui se cache derrière
Une idéologie irréaliste mais…
Par pour les profiteurs !
Claude Trouvé
26/02/18
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