C’est parti pour une
nouvelle réforme qui succède à la traditionnelle réforme dont doit accoucher
chaque nouveau quinquennat, voire chaque nouveau ministre. Il faut remarquer
que le nouveau ministre est un homme qui se meut dans son monde de l’enseignement,
ce qui est déjà une bonne chose, non seulement parce qu’il en a la
connaissance, mais aussi parce qu’il lui est beaucoup plus facile de démonter
les arguments qui peuvent lui être opposés par les syndicats ou opposants de
toute nature. Ceci étant, François Bayrou était de ce monde et sa réforme des
options illimitées s’est traduite par une dépréciation relative des notes sur
les disciplines fondamentales, et des totaux de notes du Bac dépassant 20. La
victoire de celui-ci, affichant une remontée du pourcentage de réussite, n’avait
donc aucune signification, et ceci d’autant plus que les examinateurs et les
jurys d’examen sont dûment chapitrés pour réaliser un pourcentage de reçus
acceptable.
Il est bien tôt pour porter un jugement
parfaitement argumenté sur cette réforme qui a le mérite de nous faire sortir
de la réforme précédente dont le but essentiel était d’accompagner les mesures
sociétales du précédent gouvernement. La touche finale du tirage au sort pour
les places en faculté a fini par soulever une vague de protestation même chez les
supporters de l’ancienne Ministre. Reconnaissons donc au nouveau Ministre et
pourquoi pas à Macron, la bonne idée de revenir à l’enseignement centré sur les
disciplines fondamentales dans lesquelles le français, et l’histoire-géographie
tiennent une place de choix. J’ai crû comprendre que l’histoire serait de
nouveau enseignée dans l’ordre chronologique, ce qui est essentiel dans l’appréhension
par l’élève de l’enchainement des évènements. D’ailleurs la notion fondamentale
de la nécessité de connaître le passé pour mieux gérer l’avenir est bien
souvent ignorée de nos politiques qui conduisent le nez dans le guidon. Ils l’apprennent
souvent à leurs dépens dans les discussions avec des pays étrangers.
Ceci étant dit, il
faut en revenir au but recherché par L’École. Certains disent que le but est la
culture générale. Ce point de vue est incomplet car l’enfant quittant l’École
sans disposer des connaissances permettant d’exercer un métier ne pourra pas arguer
de sa culture générale pour trouver un emploi. Il est donc fondamental de
savoir vers quel but l’École œuvre. La culture générale est indispensable quand
elle donne les moyens d’acquérir les connaissances et les modes de pensée nécessaires
à l’apprentissage des métiers, et à pouvoir comprendre les fondements du
fonctionnement législatif et exécutif de son pays qui déterminent son
comportement de citoyen. L’école primaire est le maillon le plus important du
long parcours que va traverser un enfant, car à l’issue de ce parcours primaire
ses dispositions intellectuelles au moins, mais artistiques et manuelles, ont
déjà été perçues par les enseignants, d'ailleurs aussi par l’élève lui-même. Il serait
donc bon que l’accent soit mis sur le primaire, et que les dégâts causés précédemment
soient rapidement corrigés. La lecture, la grammaire, et le calcul sont la base
de tout, même de l’apprentissage de l’histoire et de la géographie, si indispensable
par la suite.
Autrefois
deux examens sanctionnaient cet apprentissage, celui d’entrée en sixième et le
Certificat d’Études. Ils garantissaient deux choses, par le premier la garantie
d’une aptitude à franchir au moins partiellement l’enseignement secondaire, par
le second la certitude que l’acquisition des métiers manuels passerait par un apprentissage
orienté uniquement sur la pratique spécialisée, et que le l’apprenti-citoyen
avait devant lui un avenir qui pouvait le conduire à une grande ouverture de
métiers où il pouvait même sortir du rôle de tâcheron. Il ne s’agit pas de dire
que c’était mieux avant, mais simplement de remarquer que cette politique était
cohérente. Le tri pour l’entrée en sixième était sévère, mais à cette époque on
n’avait pas besoin de beaucoup d’ingénieurs, de psychologues, de médecins spécialistes, etc.
Dans ma classe, seuls deux élèves avaient réussi l’examen d’entrée en sixième,
un fils de cordonnier et un fils d’agriculteur, l’École ne sélectionnait pas sur
le niveau social des parents.
Elle
était cohérente aussi dans le secondaire. Le Brevet en troisième était une
sanction qui ouvrait la porte du cheminement vers le Bac, mais pouvait aussi
clore le parcours scolaire. En effet on trouvait de l’emploi avec le Brevet élémentaire
qui était une marque de niveau dans les disciplines fondamentales. Donc les
banques, la poste, par exemple, ouvraient leurs portes à ces jeunes diplômés.
Il en était de même pour le Bac où les bacheliers trouvaient des emplois et
même dans l’enseignement. Pour les autres les facultés ne débordaient pas d’étudiants
et les amphis contenaient tout le monde. A la sortie, les médecins, les scientifiques
et même les littéraires trouvaient un emploi… On était encore sous l’élan économique
de l’après-guerre bien sûr, la situation n’était pas comparable à celle d’aujourd’hui.
Seulement
si chaque époque demande des stratégies différentes, le but final du passage scolaire, court ou long, c’est d’être à même de
trouver un emploi, et les connaissances de base, celles qui serviront à tous
les futurs citoyens restent les mêmes… en attendant l’ère des robots et de la
suprématie de l’intelligence artificielle. C’est pourquoi il est bon de
regarder ce qui s’est passé à une époque où la valeur de l’enseignement
français était reconnu mondialement et où les lycées français essaimaient la
planète. Or actuellement l’École « forme » 1 enfant sur 10 au
chômage, à 6,2 millions de demandeurs d’emploi, et à ½ million d’emplois non
pourvus. La politique de l’enseignement ne peut, ni se faire sans s’intégrer
dans un ensemble politique qui tient compte des réalités de l’époque, ni se
donner pour but l’augmentation du chômage et des emplois non pourvus. Sur ce
dernier point l’appel de travailleurs détachés n’est pas la bonne réponse. Elle
ne peut l’être que dans une situation de plein emploi. Voilà qui nous éloigne
de l’objectif, à mon avis, illusoire de suppression des Bacs, L, ES et S avec la
création des Bacs à options sur un tronc commun, objectif qui par nature ne donnera
pas des Bacs considérés comme équivalents,ce qui est le but affiché. De plus la réforme ne résout en rien
les sureffectifs arrivant dans les facultés débordées et offrant de moins en
moins de chances de réussite et d’emploi.
La
politique économique du gouvernement est donc le premier butoir auquel se heurte
l’Enseignement français. Mais il est aussi des conditions dont nous n’entendons
toujours pas parler ou si peu. Les salaires des enseignants vont être
revalorisés mais de bien peu, or les jeunes ne choisiront pas ce métier, de plus
en plus difficile et exigeant, sans une reconnaissance qui passe par le salaire
et une revalorisation morale et civique du métier. N'oublions pas que c'est entre leurs mains que passe l’avenir d’une nation.
A l’école, comme dans les entreprises, c’est la valeur des hommes qui crée la
réussite. Or la sélection dans certaines matières, comme les mathématiques, est
devenue très faible, et on prend des candidats qui n’ont plus la qualité de
leurs prédécesseurs. La pression des parents et de la hiérarchie, le laxisme
dans la discipline ont sapé les bases de l’autorité des enseignants. C’est sans
doute par là qu’il faudrait commencer avant de livrer des enfants à des enseignants
moins qualifiés et mal considérés.
Une réforme dans l’enseignement ne peut
être
Un seul catalogue de mesures pratiques.
Elle doit désigner le but vers où elle
va
Et disposer d’un corps d’enseignants
Qualifiés, bien payés et motivés.
Sinon le Bac coulera bien avant
D’atteindre la rive de l’emploi !
Claude Trouvé
Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques
14/02/18
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