Je
ne peux laisser passer la déclaration de notre Ministre de l’Éducation
Nationale à la sortie du Conseil des ministres du mercredi 13 avril 2015 sans
réagir. Interrogée sur l’absentéisme des enseignants et leur non-remplacement,
la Ministre a dégagé en touche en rejetant la faute sur le gouvernement
précédent. Cette désinvolture mérite que nous disions à cette Ministre qu’elle
a pris une situation en effet dégradée sur ce point puisque 2000 postes de
remplaçants avaient été supprimés. Depuis 2700 ont été recrutés. Mais le
constat est que depuis quatre ans, la situation ne s’est pas améliorée en
particulier dans des zones difficiles d’éducation où les enseignants sont mis à
rude épreuve. Or le candidat Hollande avait proclamé d’une part que la jeunesse
serait sa priorité et que 60.000 postes supplémentaires seraient créés dans l’Éducation Nationale. Où sont passés ces 60.000 postes dans l’Administration ou
dans l’enseignement ?
Madame la Ministre vous en
êtes responsable. Vous vous êtes beaucoup investie dans les réformes, dans la
théorie du genre, dans l’enseignement de la citoyenneté, dans le développement
de l’esprit critique pour lutter contre la désinformation. Tous enseignements dont
on est sûr qu’ils vont faire remonter la qualité de notre enseignement dans les
statistiques internationales. Il aurait mieux valu, au lieu de perturber les
programmes, les horaires, en rajoutant de plus des tâches d’enseignement
nouvelles, que vous vous occupiez de donner aux élèves le temps d’enseignement
nécessaire à l’étude de chaque discipline de base. Cette manie de vouloir
toujours réformer avant même que les réformes précédentes aient pu être
digérées par les enseignants n’a cessé de dégrader la qualité de notre
enseignement et vous y prenez de nouveau une large part.
Vous connaissiez la
situation qui avait été mise en lumière par votre prédécesseur Vincent Peillon
lequel avait rendu public un rapport sur le problème des remplacements. Il avait
déjà donné lieu à de nombreuses manifestations souvent locales et dont le
retentissement n’atteignait visiblement pas les médias nationaux et votre
Ministère. Quand il s’agit de la zone parisienne, l’écho se fait entendre et la
vérité éclate. Vous n’avez rien fait d’efficace dans ce domaine, alors ne
cherchez pas l’excuse facile du ce n’est pas moi, c’est l’autre. L’autre
aujourd’hui c’est vous. Ce n’est pas par hasard que l’absentéisme est plus
important dans des zones difficiles où de plus on met les enseignants
débutants. Beaucoup ne sont pas de taille à affronter de telles difficultés
avec aussi peu d’expérience. L’absentéisme y est de 20% et de 5% dans les
Pyrénées-Orientales. Ceci devrait avoir été pris en compte dans la répartition
des moyens, c’est-à-dire le quota d’heures supplémentaires mis à disposition de
chaque principal et la répartition des remplaçants sur le territoire. Il ne
devrait pas y avoir plus de protestations en Seine-Saint-Denis que dans les PO,
si vous vous en étiez occupé.
Le résultat est une
manifestation qui ne va probablement que provoquer un petit coup de pouce
circonstancielle sur cette région, sans qu’une solution pérenne soit mise en
œuvre. En Seine Saint-Denis, les parents d'élèves organisent aujourd’hui des
blocages dans 200 établissements scolaires pour protester contre le manque de
remplaçants. Les points chauds devraient se concentrer dans une vingtaine de
communes du département. L'action doit être symbolique, les parents doivent
bloquer l'accès aux écoles primaires et aux collèges pendant quelques minutes
avant de laisser entrer les enseignants et les élèves. Les représentants des
parents doivent rencontrer la
ministre de l'Éducation nationale ce mercredi. Les syndicats des
enseignants dénoncent une "situation ubuesque" propre à la
Seine-Saint-Denis. "On a connu
la situation d'une enseignante de SVT non remplacée pendant deux mois dans un
collège. À Paris, cela n'aurait pas duré plus de trois semaines",
raconte une déléguée du syndicat Sud. Selon les calculs de la Fédération
des conseils de parents d'élèves (FCPE), le non-remplacement des enseignants
représentent 20 000 jours d'absence cumulée à l'échelle de toute la
France depuis le début de l'année scolaire.
Si j’en crois les chiffres, on
peut faire un calcul simple à la louche. Un enseignant peut couvrir 7 mois de
l’année à 20 jours par mois soit 140
jours par an si l’on enlève les vacances. Il s’agit donc de recruter au moins
143 enseignants supplémentaires, disons 150 et pourquoi pas le double donc 300.
Ceci donnerait 3 enseignants mobiles en moyenne par département en plus. Avec
60000 enseignants de plus où est le problème ? Ou alors les 60000 ne sont
sans doute pas recrutés et l’administration en a probablement pris le plus
grand nombre, sinon il n’y aurait pas de difficulté mais que des solutions. Au
lieu de philosopher sur le « sexe des anges » ou des angelots qui
vous sont confiés, Madame la Ministre vous feriez mieux de prendre votre
calculette sur votre smartphone et vous intéresser aux problèmes de terrain.
Peut-être aussi devriez-vous
vous intéresser à la rémunération de vos enseignants devant le constat que
cette profession attire de moins en moins. La baisse des notes exigibles pour
le recrutement des enseignants, en particulier dans certaines disciplines comme
les mathématiques, ne peut permettre une meilleure qualité de l’enseignement.
Je retrouve un témoignage d’une parente d’élève, racontant que son enfant en
CM1 corrigeait les fautes d’orthographe au tableau commises par l’enseignante.
Ceci s’est terminé par un abandon de poste de l’enseignante durement touchée
dans son amour-propre. L’Enseignement en France ne cesse de se dégrader en
qualité et l’abaissement des critères de sélection tant dans le corps
enseignant que dans les élèves ne répond qu’à un critère de quantité. Le
baccalauréat n’est qu’une formalité pour la plupart des élèves qui atteignent
la terminale avec des bacs très disparates en valeur et l’on voit
l’encombrement de nos universités faire dire au Ministre de l’Enseignement
Supérieur qu’il faudrait relever les conditions d’admission.
On marche sur la tête ou à
cloche-pied, pris dans des idéologies égalitaristes, sociétales et
multiculturalistes, qui oublient que la réalité s’impose toujours contre ce
genre de dérives où l’on confond égalité des chances et égalité des résultats,
morale et façonnage des esprits, laïcité et laxisme. Certes les temps ont
changé et les élèves ne sont plus les mêmes devant les enseignants. Deux
évènements majeurs y ont participé, mai 68 et l’immigration en partie non
intégrée de plus en plus importante chez les jeunes. La relation d’autorité de
l’enseignant envers ses élèves, mise en cause après 68, ne dépend plus
essentiellement de l’autorité investie par le respect de la fonction mais par
la qualité pédagogique de l’enseignant. La qualité de l’enseignant devient donc
encore beaucoup plus importante, et ce d’autant plus que la classe est
difficile. Par ailleurs la stabilité des programmes et des horaires ne dépasse
pas deux ans. Tout est fait pour perturber des enseignants fragilisés, moins
formés, et peu payés.
On ne peut être exigeant
envers les enseignants que dans deux cas, le sacerdoce que ressentait profondément
les anciens enseignants, ou une rémunération attrayante. L’idée de dévouement
existe encore mais elle cède de plus en plus au découragement et au sentiment
de ne plus être reconnu comme une profession noble et respectée. Ce n’est pas
par hasard qu’à Paris le taux d’absentéisme est deux fois plus élevé dans le
public que dans le privé. Il y a certes une population d’élèves très différente,
le critère de l’argent donnant des élèves mieux assistés dans le milieu
familial, mais le privé a aussi le pouvoir de sélection des enseignants. Madame
la Ministre ne semble pas préoccupée par les statistiques internationales où
nous dégringolons régulièrement sur des matières de base comme la lecture et le
calcul, la connaissance de la langue et les mathématiques. On n’est pas prêt de
remonter la pente avec pourtant le budget le plus important de tous les
Ministères où l’Éducation Nationale est le premier employeur de France. On aime
savoir ce que deviennent les 47 milliards de l’Enseignement scolaire et les 25
milliards de la Recherche et de l’Enseignement supérieur quand la Justice
émarge à 6,6 milliards, non ? Mais le constat est déprimant.
L’effort budgétaire de la France ressemble beaucoup plus
A un tonneau des Danaïdes et à un fourre-tout
Qu’à une véritable volonté de qualité !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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