Le
budget 2016 est celui d’une France frileuse et paralysée, obsédée par les
injonctions de Bruxelles qui suivent la politique d’austérité à l’allemande. L’État
continue à s’endetter mais pourquoi ? Il ne sait pas faire la part entre
l’endettement productif et l’endettement mortifère. Une entreprise s’endette
pour augmenter sa capacité de production si la demande n’est plus satisfaite
par l’offre. Une entreprise s’endette si l’augmentation de sa productivité lui
assure une compétitivité dans une demande à satisfaire. Il n’y a pas besoin d’avoir
fait l’ENA pour faire marcher son bon sens. Je dirais même plus il vaut mieux
ne pas avoir fait l’ENA pour garder un peu de bon sens. L’État n’est pas là
pour distribuer l’argent qu’il n’a pas aux entreprises en imposant ses
conditions, il est là pour utiliser au mieux pour le bien du pays l’argent que
les citoyens et les entreprises lui confient. Une première question à laquelle
doit faire face un gouvernement, c’est de se demander pourquoi le bilan de son
commerce extérieur est déficitaire et ce d’une façon chronique. Dans un monde
idéal ce bilan serait équilibré dans toutes les nations du monde. Notre déficit
est chronique, il y a donc une faiblesse qui doit conduire une politique de
redressement de l’économie du pays.
Que peut-faire l’État ?
Observer d’abord si les pays ayant la même monnaie, l’euro pour nous, sont dans
la même situation. Ce n’est pas le cas de l’Allemagne. Nous avons donc soit un
problème de compétitivité, soit une incapacité à répondre suffisamment à la
demande en réponse à notre besoin dans l’importation, soit les deux. Dans le
premier cas du problème de compétitivité il s’agit du prix de revient des
marchandises et des services. S’ils sont trop élevés par rapport à la
concurrence, il y a trois raisons principales. La première est le poids des
charges pesant sur les entreprises trop lourd par rapport aux autres pays ayant
la même monnaie, l’État est alors en cause. La seconde est que le prix de vente
est trop élevé par rapport à la qualité du produit, le créneau choisi par les
entreprises n’est alors pas le bon, il faut soit arriver à baisser le prix soit
augmenter la qualité. C’est cette dernière option qu’a choisie l’industrie
automobile allemande avec les voitures haut de gamme et de qualité vendues
chères. La troisième raison est celle de la monnaie où l’on voit bien qu’un
euro faible par rapport au dollar facilite nos exportations dans la zone
dollar. Cette question peut être étendue à une réflexion sur l’intérêt de l’euro
qui interdit toute flexibilité de la monnaie unique dans sa zone.
L’État français est dans l’obligation
de baisser les charges des entreprises au niveau des autres pays. La solution
choisie de déversement d’argent sous conditions que ce soit d’embauche ou de
répartition sur les bas salaires est proprement idiote dans une économie
libérale globalisée. L’entreprise joue son existence chaque jour et est la
mieux à même de savoir ce qu’elle doit faire de son argent si les charges
baissent. De la même façon les salaires ne doivent pas s’éloigner de ceux
pratiqués par les autre pays de la zone euro. C’est là le problème d’accueil de
pays dans cette zone qui ont des salaires beaucoup moins élevés avec un niveau
de protection sociale plus faible. C’est le rôle de l’Etat d’agir pour que cette
situation change ou pour sortir de l’euro. Lorsque dans une zone à monnaie
unique, les charges des entreprises et les salaires sont équivalents, il reste
le levier de l’investissement qui agit sur la conquête de nouveaux marchés ou
dans l’amélioration de la compétitivité. L’Etat a aussi un rôle à jouer pour
que le crédit soit facilement accessible, et d’un taux d’intérêt équivalent à
celui pratiqué dans les autres pays, surtout ceux de la même zone monétaire.
Pour le reste, la
responsabilité des entreprises est engagée. L’État ne doit alors pas intervenir
sur des mauvais choix conduisant à la faillite, ce qui est trop souvent le cas.
Comme dans la vie sur terre, la mort d’êtres vivants est nécessaire pour que d’autres
naissent et ce cycle de renouvellement a permis l’adaptation de la vie à des
conditions climatiques et environnementales très différentes. Si un pays de la
zone euro, citons les Pays-Bas, est capable de mettre sur le marché du porc
meilleur marché que nous, et sous réserve que les contraintes de charges, de
salaires, et d’investissements soient les mêmes qu’en France, il faut que les
paysans augmentent leur compétitivité ou fassent valoir une qualité supérieure
justifiant un prix accessible à une autre clientèle. Tout ceci ne peut pas
ignorer que la plupart des entreprises vivent de la consommation intérieure.
Toutefois elles n’échappent pas pour autant à la concurrence des pays
étrangers, on le voit bien dans les produits alimentaires en particulier sur
les fruits et légumes espagnols.
En résumé si l’État ne joue
pas son rôle d’harmonisation dans une zone à monnaie unique, il ne reste qu’une
seule solution c’est celle de réguler à ses frontières l’afflux de marchandises
importées par les taxes douanières. Ne rien faire sur l’harmonisation dans une
zone et refuser de rétablir des frontières économiques, et même humaines comme
le montre l’arrivée massive d’émigrés, est conduire le pays à sa perte.
Maintenir un nombre de fonctionnaires au niveau de 90 pour mille habitants
alors qu’il n’est que de 50 en Allemagne est un choix. Certains diront qu’il
vaut mieux avoir un fonctionnaire qu’un chômeur. Si l’on peut faire aussi bien
sans lui, le raisonnement s’effondre et on a affaire à un improductif dans les
deux cas. Le nombre de fonctionnaires est une dépense, indispensable jusqu’à un
certain niveau. Au-delà c’est un choix politique, l’argent dépensé-là ne peut
plus l’être ailleurs. Si en plus on veut un niveau élevé de prestations sociales,
on réduit encore les marges de manœuvre de l’État.
Ceci conduit à une politique
d’austérité qui rogne sur les dépenses, en particulier sur celles qu’il confie
aux autres, et qui ne peut plus relancer l’économie par les investissements sur
les infrastructures. Je suis frappé par notre indigence en matière portuaire
alors que nous sommes un pays avec de longues frontières maritimes sur les mers
du nord, de l’ouest et du sud. Il n’est pas sûr, comme le souligne la Cour de
Comptes, que la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse soit un investissement
rentable mais plutôt un investissement politique. Parcourant régulièrement
cette autoroute, j’ai constaté qu’en dehors des périodes de vacances le trafic
est très fluide.
Le constat fait encore au
niveau du budget 2016, qui n’est d’ailleurs pas bouclé pour l’instant, montre
que nous oscillons entre un socialisme mal assumé, où le chômage augmente
(Sapin n’en parle plus) et la pauvreté croît, et un libéralisme empêtré dans
une pression étatique d’énarque qui n’ont visiblement pas l’étoffe pour
permettre d’avoir une voix qui porte au niveau européen mais qui pensent que l’État
peut se mêler de tout parce que lui sait ce qui est bon pour les entreprises et
doit leur imposer la voie à suivre. La France ne sait pas choisir mais veut le
beurre, l’argent du beurre et la crémière par-dessus.
Le cul entre deux chaises et les deux bras ballants
L’État donne de la voix pour se vanter d’agir.
Pendant que la France coule doucement
Et croit qu’une voie d’eau de mer
Peut étancher sa soif !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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