Si l’on oublie le but recherché par la
stratégie américaine au Moyen-Orient, on ne peut pas comprendre les actions
américaines actuelles. Le but est la création d’un Grand Moyen-Orient sous
dominance américaine. Par contre les actions deviennent de plus en plus
erratiques et incompréhensibles au fur et à mesure que leur efficacité est
battue en brèche par l’arrivée officielle de la Russie en Syrie. Autant la
stratégie russe paraît claire même si on ne l’approuve pas, autant celle des
USA est d’une incohérence que seule la puissance de ce pays pouvait amener à
des résultats concrets. La création de l’EI et son expansion contrôlée par les
USA avait permis de s’opposer aussi bien à Bachar el Assad, qu’à resserrer les
liens avec l’Arabie Saoudite et à contenter Israël dans son opposition au
Hezbollah et à Bachar.
Tout ceci était bâti
sur un double jeu avec la complicité de ses satellites et de la Turquie,
laquelle poursuivait un double but contre les kurdes d’abord et Bachar ensuite.
Officiellement on combattait Daesh au nom de la guerre contre le terrorisme,
légitime défense selon Hollande, et en sous-main on permettait à l’EI de survivre
tant qu’il gagnait du terrain sur l’armée légale syrienne. De façon à créer des
garde-fous on soutenait Al-Nosra, filiale d’Al Qaida que l’on avait déjà
utilisé en Afghanistan. Le positionnement de ces forces en Syrie permettait de
justifier des raids aériens en territoire syrien et d’y entraîner ses alliés,
ce que nous avons fini par faire. Le soutien aux rebelles syriens, ceux de l’origine
du soulèvement largement incité par ailleurs et officiellement reçus par la France
comme vrais représentants de ce pays (n’oublions pas la reconnaissance par la France de la Coalition nationale syrienne (CNS)
comme seule représentante du peuple syrien !), servait d’alibi.
Néanmoins la situation devenait difficilement contrôlable sans une présence
américaine plus sûre.
A la mi-juillet, au
moins 54 rebelles armés et équipés par Washington sont entrés en Syrie. Ils
sont le premier groupe d’insurgés, se faisant appeler la Division 30 et censés
lutter contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI) en Syrie. L’imbroglio
est devenu tel que la branche
d’Al-Qaïda en Syrie a encore enlevé au moins cinq rebelles entraînés et équipés
par les États-Unis dans le nord-ouest du pays. Les déclarations officielles
toutes plus contradictoires les unes que les autres se succèdent. La dernière c’est :
« Nous devons agir pour défendre le
groupe Nouvelle Syrie, que nous avons entraîné et équipé », a assuré
le porte-parole américain. Dans le même temps, les États-Unis ont mené leur
première frappe aérienne pour « défendre »
un groupe rebelle en Syrie, a confirmé le Pentagone lundi. Un haut responsable
gouvernemental avait annoncé que les États-Unis avaient bombardé des positions
du groupe djihadiste Al-Nosra, en réponse à une attaque menée contre les
rebelles entraînés par les Etats-Unis. Un peu plus tôt, le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest avait
indiqué que la Syrie « ne doit pas
interférer » avec les actions des forces formées par les Américains
pour combattre le groupe Etat islamique. A défaut de quoi, « des mesures supplémentaires »
pourraient être prises pour les protéger, a-t-il ajouté laissant planer la
menace de frappes aériennes contre l’armée arabe syrienne. On est en droit de
se demander ce que veulent les États-Unis.
Washington
signe ainsi le renforcement de son engagement dans la guerre civile qui déchire
le pays depuis plus de quatre ans. En formant des gens sous prétexte de
combattre l’EI, les USA joue un double-jeu dangereux et apparemment
incompréhensible. De toute évidence les USA et leurs satellites se sentent
démasqués. Autant avouer la formation de rebelles plutôt que le soutien à Daesh
que l’on est censé combattre. Il reste néanmoins un fil directeur dans cette
politique désordonnée, c’est la présence américaine en Syrie et le face-à-face
avec la Russie désormais. Il devient impossible de pénétrer les espaces aériens
contrôlés par les russes au moyen de leur nouvelle avancée dans la guerre
électronique. Au fur et à mesure de la reconquête de son territoire par Bachar
el Assad l’espace possible va se réduire. Implanter des rebelles sous bannière
américaine, au sein de ce qui reste des rebelles syriens, est un tracé de ligne
rouge contre Poutine. C’est planter le drapeau qui matérialise le moment de
choisir entre la guerre frontale et le commencement des tractations
diplomatiques.
On voit
combien il est important pour les russes que leur opération militaire soit
rapide et victorieuse. On comprend que la diplomatie russe s’active pour se
trouver des alliés et leur montrer que le bon parti c’est le leur. La Jordanie
vient d’y succomber et le gouvernement chiite d’Irak ose aussi suivre au nez
des USA. La Russie ne s’arrêtera pas au territoire syrien et elle doit
éradiquer l’EI en Irak sous peine de mettre en danger sa propre sécurité. Ceci coïncide
avec la solidification de l’axe chiite Iran-Syrie auquel peut s’adjoindre l’Irak
avec le laisser-faire de l’Arabie Saoudite soucieux de préserver son leadership
religieux au prix d’un abandon des sunnites irakiens. On voit mal comment les
USA pourraient s’opposer à ce plan sauf de trouver une occasion de justifier
une guerre frontale soit en Syrie soit en légitime défense d’Israël. Mais ce
dernier peut profiter de l’occasion pour renégocier avec la Syrie et bénéficier
d’un calme à ses frontières alors que les rebelles palestiniens se font de
nouveau entendre et ne seront pas soutenus par la Russie. Il lui faudra pourtant arrêter de soutenir l'EI comme l'a concédé le général israélien fait prisonnier par l'Irak.
Il faut ajouter
que l’opération militaire russe en Syrie a montré aux yeux du monde que la
Russie n’a plus peur de l’OTAN américaine ni militairement, ni économiquement
(les sanctions ne la font pas plier), ni monétairement (le yuan prend une place
de plus en plus importante par rapport au dollar). C’est sans doute le fait le
plus important car ses conséquences sont innombrables sur le plan psychologique
des gouvernants du monde. Il y aura un avant et un après beaucoup plus profond
qu’après le 11 septembre 2001. Les USA viennent de projeter aux yeux du monde
que leur déclin est bien enclenché et que l’hégémonie américaine peut être
contestée. Le retrait du porte-avions Roosevelt du golfe persique est le
symbole de son recul. Il est déplorable de constater l’embrigadement des médias
français pour cacher volontairement ou non ce fait décisif dans l’histoire du
monde. L’Europe croît encore que son avenir se situe outre-Atlantique, alors
que la géographie nous enseigne que notre continent est eurasiatique et que l’Afrique
y est accolée de plus en plus avec le mouvement des plaques tectoniques. L’Europe
s’accroche au dollar mais l’économie du XXIème siècle se passe désormais en
Asie jusqu’à ses confins. Puissent enfin nos dirigeants serviles le comprendre
au lieu de vendre leur âme aux monarchies du golfe que le prix du baril va
bientôt tuer.
Le
double-jeu américain s’est nourri du mensonge.
On
le croyait ou on faisait semblant de le croire
Tant
que ce pays faisait peur à tous
Ce n’est
désormais plus le cas
Sauf
pour les vendus !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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