Si le 11 septembre 2001 a frappé de stupeur le
monde occidental, il n’a pas entamé la suprématie américaine. Il lui a donné au
contraire l’occasion de montrer son hégémonie par sa puissance militaire
incontestée, sa puissance économique et financière en se parant du droit d’ingérence
et, avec ses alliés, de se poser en gendarme du monde. A partir de cette date
les résolutions de l’ONU ont commencé à n’être que des blancs-seings, des morceaux
de papier dont l’utilité se résumait à l’autorisation d’intervention, ses modalités
et ses limites étant considérées comme décoratives et non impératives. La
guerre en Libye en a été une parfaite illustration. Le but était l’élimination
physique ou non de Kadhafi. La mission humanitaire de sauvetage de Benghazi chauffé
par les Frères musulmans, le Qatar et l’Arabie Saoudite, n’était qu’un
prétexte. Poutine a laissé faire mais il en garde le souvenir d’avoir été dupé
et c’est sans doute le point de départ d’un changement complet de la stratégie
russe.
Poutine a compris que la nouvelle
place économique de la Russie dans l’économie mondiale allait être contestée
par des États-Unis qui cherchent à isoler ce pays en le cernant militairement
et en lui interdisant au maximum les liens avec l’Europe occidentale même si l’Allemagne
est dépendante du gaz russe. La Russie se devait donc de retrouver son
potentiel militaire, ce qu’aujourd’hui constatent les occidentaux, abasourdis
par la puissance des armes russes. Après la Libye, forts de leur puissance, les États-Unis ont continué leur politique du chaos en allumant deux nouveaux feux
à proximité de la Russie, l’Ukraine et la Syrie. La stratégie russe s’est alors
mise en place avec une rare efficacité, prenant les USA à leur propre jeu qui s’avère
dispendieux et inefficace. Il est particulièrement intéressant de l’examiner.
Pour la Syrie, Poutine a
laissé faire en soutenant Bachar al Assad juste ce qu’il faut pour ne pas le
voir disparaître. Il a regardé les USA et ses alliés s’empêtrer dans des
alliances, et des double-jeux qui finissent par des porte-à-faux qui se
révèlent aujourd’hui. Les rebelles syriens, Al-Qaïda, Al-Nostra sont armés par
les occidentaux et soutenus par la Turquie. Les armes transitent jusqu’à Daesh,
alimenté aussi par parachutage, et les attaques aériennes contre lui n’atteignaient
pas les centres de commandement. Il fallait laisser à Daesh la puissance
suffisante pour gagner du terrain sur le territoire de Bachar. L’espoir, de le
supprimer par la force, a persisté longtemps. Hollande a même foncé tête
baissée dans une intervention directe sur Damas. C’est alors que Poutine a
avancé ses pions et brouillé toutes les communications de la flotte occidentale
qui se préparait à intervenir. Obama a reculé laissant Hollande penaud.
L’Ukraine a montré aussi la
montée de la Russie dans l’opposition ferme aux vues occidentales. Il est
désormais connu que l’affaire de l’Ukraine a été montée de toutes pièces à
partir d’un soulèvement populaire largement aidé contre un Président dont il
était facile de montrer le décalage de sa richesse avec celle du peuple. Tous
les services secrets occidentaux avec le Mossad israélien étaient à l’œuvre avec
les mouvements néo-nazis. La fusillade, qui a permis le renversement du
Président, n’était ni plus ou moins qu’un coup d’Etat orchestré par les
occidentaux. Angela Merkel était à la manœuvre car l’Allemagne ne cache pas son
intérêt pour l’Ukraine, ses richesses agricoles, son pouvoir de consommation et
le coût faible de sa main-d’œuvre. La Russie a réussi un coup de maître en
récupérant la Crimée sans combattre et avec l’assentiment de ses habitants.
Elle sauvait ainsi Sébastopol son principal port sur la Mer Noire tout en
respectant la volonté du peuple de langue et d’origine russe. Ensuite Poutine s’impliquait
à minima avec les insurgés du Donbass, avec une aide humanitaire et des aides
en armes et en conseillers russes. Il prend la précaution que les combattants
sur le terrain soient des anciens militaires volontaires.
Le théâtre ukrainien étant
stabilisé par les accords de Minsk, Poutine revient sur le théâtre syrien où
Bachar est en difficulté. Il sait ce qu’a coûté la guerre en Tchétchénie et il
voit une véritable menace avec un Etat Islamique qui va servir à ranimer les
troubles dans les ex-républiques soviétiques. Par ailleurs il aide Obama à
parachever le traité sur l’utilisation de l’arme nucléaire avec l’Iran. Alors
qu’Obama pense en tirer profit, c’est aussitôt la Russie qui resserre ses liens
économiques et stratégiques avec l’Iran. Dans la foulée Poutine s’appuie sur l’impuissance
feinte des occidentaux à vaincre l’EI et sur la légalité de sa réponse à la
demande de Bachar pour intervenir militairement et officiellement en Syrie en
nez et à la barbe des occidentaux pris à leur propre piège.
Il dévoile cette fois la
puissance d’une armée russe, reconstituée et modernisée avec des avancées technologiques
majeures sur les armes occidentales en particulier sur la maîtrise du ciel par
l’aviation et les missiles dont la portée et l’efficacité étaient sous-estimées
par les alliés. Même la petite flottille de 6 bâtiments de la Mer fermée de la
Caspienne lance des missiles sur la Syrie en passant au-dessus de l’Irak et de
l’Iran, donc avec l’accord de ces deux gouvernements. Ceci montre que l’axe
chiite, Syrie-Irak-Iran, est désormais soudé et à l’œuvre. La présence d’un
porte-avion chinois en Méditerranée, l’attribution de Lattaquié en territoire
syrien aux russes pour l’agrandissement de l’aéroport, le renforcement des forces
maritimes à Tartous, etc. montrent l’ampleur de l’engagement russe. Le nombre,
la nature des cibles visées et l’efficacité des frappes commencent à semer la
panique dans le camp anti-Bachar.
Comme je l’ai dit dans un
précédent article, l’arrivée de la Russie oblige les occidentaux à se démasquer
en révélant leur soutien aux forces anti-Bachar. Il en est de même pour la
Turquie. Les révélations de Wikileaks viennent
à point pour révéler au grand jour que l’opération syrienne était prévue
de longue date. Elle s’ingéniait à soulever le peuple syrien par l’exaspération
sunnite-chiite et la décrédibilisassion de Bachar alors que la Syrie était un
pays calme où la cohabitation alaouite-sunnite-chrétien se passait au mieux. Une
page d’histoire se tourne. Les États-Unis se discréditent cette fois aux yeux
du monde et les occidentaux apparaissent de plus en plus comme des vassaux aux
ordres. L’hégémonie américaine est désormais mise en échec sur le plan
stratégique et militaire. Un ensemble de pays se réunit pour la contester et
cela s’étend au domaine économique et monétaire. La stratégie américaine va
devoir accepter des compromis et son ingérence dans les pays du monde va
devenir plus problématique.
C’est une vraie page d’histoire qui se
tourne et on va en voir déjà les conséquences. Les pays feront de moins en
moins allégeance et les peuples commencent déjà à montrer leur distance. C’est le
cas à Berlin où l’on manifeste contre le TIPP, le cas à Londres où le Grexit se
prépare à la bataille électorale avec des soutiens financiers de plus en plus
importants. L’Europe façonnée selon les vues américaines d’un protectorat à
terme de peuples sans identité va elle-même devenir frondeuse. La partie qui se
joue entre les faucons d’un Occident encore lié aux États-Unis et ceux de l’autre
bloc peut nous mener jusqu’à la guerre mondiale. Mais il est temps que l’hégémonie
américaine qui veut nous mener de force vers un nouvel ordre mondial sous sa
coupe trouve un point d’arrêt. Il est temps d’en prendre le risque. Espérons
seulement que nos politiques perdront leurs œillères serviles avant la
catastrophe.
Notre avenir se joue désormais sur un plan planétaire
Une grande page d’histoire se joue aujourd’hui
Dans le bruit des avions et des missiles
Dans le sang, la fureur et la fuite.
Nul ne sait où nous allons
Mais tout va changer !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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