Un
très intéressant article de Sophie Heine dans Contrepoints fait une analyse
pertinente de la montée des mouvements eurosceptiques en soulignant les
différences entre les mouvements populistes de gauche et de droite. Par contre
elle développe l’idée d’une réconciliation possible entre les européistes et
les eurosceptiques sur la base d’un fédéralisme respectant la démocratie et la
différence entre les peuples européens. Elle préconise de constituer d’urgence
un gouvernement européen accaparant toutes les tâches régaliennes, ce qui
inclut la nécessité d’une défense intégrée à la hauteur de ce continent, d’une
politique étrangère et économique commune. « L’établissement d’un gouvernement européen doté de capacités de gestion
et d’intervention économique, légitime sur le plan démocratique et possédant
une police et une armée communes est un impératif plus que pressant. »
La raison principale de l’échec serait de vouloir à tout prix gommer le
sentiment d’identité nationale et le non aboutissement d’un fédéralisme donnant
un sentiment d’appartenance européenne par l’harmonisation des politiques
sociales. Elle met en avant la nécessité de la démocratie qui passerait par un
renforcement des pouvoirs législatifs du Parlement européen qui ne peut toujours
pas créer des lois mais seulement les approuver, les amender.
Malheureusement on retrouve là les idées
fondatrices chères à Jean Monet qui trouvent leur écho dans les propos des
européistes qui justifient les dysfonctionnement de l’UE par « Pour sortir
de ces difficultés, il faut plus d’Europe », sous-entendu aller plus vite
vers le gouvernement fédéral s’attribuant l’ensemble des tâches régaliennes au
niveau européen. Cette tentative médiatique de vouloir créer un fédéralisme
débarrassé de ses oripeaux les plus voyants n’est qu’un cache-sexe qui ne
résout rien mais qui essaie de faire passer la pilule du fédéralisme cher aux
lobbies et à la Cabale des puissances de l’argent. Le fédéralisme avance à
marches forcées mais de plus en plus contre les peuples et non avec eux. L’emprise
étasunienne se fait plus voyante et plus pressante dans le domaine militaire
avec un renforcement de moyens stationnés dans la plupart des pays de l’Europe.
Le rapprochement de la Turquie est en cours avec les négociations sur les
immigrés arrivant de ce pays. L’emprise étasunienne sur l’économie se fait de
plus en plus dans le secret mais n’en est pas moins impatiente sur la signature
du traité transatlantique de libre-échange. La destruction de l’industrie
européenne et de son système bancaire est en cours. L’arrivée de la Turquie
redevient un sujet d’actualité dans le cadre du resserrement du bloc Europe-USA
face à la Russie. Plus l’UE s’élargira plus elle sera manipulable et plus ses
liens avec les USA pourront se resserrer.
La notion d’identité
européenne demeure de plus en plus éloignée de l’esprit des peuples malgré les
efforts faits pour gommer l’identité nationale. La disparation du drapeau
français sur le logo d’Air France, devenu Airfrance, n’est pas anodin. Les grands
lobbies sont « anationaux » et vivent à Bruxelles pour ce qui nous
concerne. Nous sommes dans un carcan de plus en plus serré nous conduisant à un
peuple multiculturel et multi civilisationnel destiné à perdre ses identités
nationales pour un package provisoire du vivre ensemble où les peuples de
souche ne se reconnaissent plus et abandonnent leur civilisation à la civilisation
la plus convaincue, la plus revancharde, la plus encadrée, la plus expansionniste
des nouveaux arrivants. Beaucoup plus tard un nouveau bloc de civilisation
dominante sera réalisé et les oppositions continueront avec d’autres blocs que
la géographie et l’histoire imposeront sur les vestiges d’une civilisation qui
se sera aidée elle-même à disparaître.
Les conditions du
fédéralisme ne sont pas réunies pour de nombreuses raisons. La première est
sans doute qu’il n’est pas issu de la volonté des peuples mais de celles des
puissances financières et économiques d’un pays étranger. Il porte ainsi en lui
une tare indélébile, celle qui a fait mourir le colonialisme. La seconde c’est
qu’il veut fédérer des peuples qui ont une longue histoire qui les a opposés
pour la simple raison que leurs origines sont différentes et leur ont donné entre
autres des langues différentes. La troisième est que c’est la religion
chrétienne qui en a été néanmoins le ciment et que celle-ci est sur le déclin
et a été rejetée des fondements des statuts de l’UE. Sa dernière apparition
était dans le projet rejeté de la Constitution Européenne et n’a pas été
reprise dans le traité de Lisbonne. La quatrième est que l’UE et encore moins l’euro
n’ont pas rapproché les niveaux économiques des pays mais les ont au contraire
éloignés. Le clivage nord-sud s’est accentué et surtout celui entre l’Allemagne
et ses satellites, et les autres pays.
On ne mélange pas l’huile et
le vinaigre, on les force à le faire un temps mais ils finissent toujours par se
séparer. Leur nature est incompatible. Il en est de même du fédéralisme
européen et du souverainisme. Le fédéralisme se construit par l’apport
volontaire par les peuples du pouvoir régalien de l’Etat souverain. Ceci ne
peut se faire que dans un accord incluant l’espoir d’un avenir meilleur, accord
de plus non contraignant pour l’avenir. Ce n’est pas le cas de l’UE où tout est
fait pour rendre la sortie légale difficile, voire non prévue dans le cas de l’euro.
Il est de l’intelligence des peuples de décider des avancées qui peuvent les
rapprocher pour le bien de tous. Cela peut se passer en dehors des Etats qui n’ont
ensuite qu’à avaliser une situation de fait. Ce n’est pas l’UE qui a fait naitre
les accords dans l’aéronautique et le spatial, c’est l’intelligence des
managers soutenus par des peuples conscients de leur intérêt.
Pour qu’une mayonnaise réussisse il faut
que les ingrédients soient à la même température, il en est de même dans le
rapprochement entre les peuples. Il faut qu’ils soient proches économiquement,
socialement, culturellement, et même cultuellement. De toute évidence nous
sommes proches de l’Italie, car notre histoire a grossièrement la même origine
gréco-romaine et les économies sont de même nature et de niveau proche. Ce n’est
pas le cas avec la Croatie et même le Danemark. Le rapprochement sera donc toujours
plus ou moins difficile. C’est même parce que ces conditions n’étaient pas
réunies que l’ex-URSS a fini par éclater. Dans le fédéralisme voulu par les
USA, l’idée de nation est incompatible. Par contre le souverainisme peut être
le ferment solide d’un rapprochement des peuples contrairement à ce que l’on
veut nous faire croire. Il y a d’innombrables domaines où les accords
bilatéraux, multilatéraux voire européens sont souhaitables et possibles. Ils
doivent être librement choisis et ne subir aucune pression des puissances, et des
civilisations externes. L’Europe des nations, celle des peuples consentants, se
prépare pas à pas dans les bras de la démocratie et non dans ceux qui n’y
voient que l’économie et la finance génératrices de flux d’argent allant des
plus pauvres aux plus riches. Sous ces conditions le souverainisme et les
populismes de droite et de gauche peuvent s’unir pour une autre Europe de
demain.
L’idée de nation, durement acquise au fil des siècles,
Reste le fondement de toute association
Entre des peuples tous consentants.
La souveraineté reste le ferment
De l’Europe de demain.
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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