Le flux d’émigrés qui s’agglutinent à
Calais est redevenu un problème depuis Sangatte, non pas que ce problème ait
disparu pour réapparaître mais parce que le gouvernement s’en est désintéressé
laissant la tâche aux municipalités concernées. L’errance de ces populations,
la précarité de leur vie, la dangerosité du passage vers le Royaume-Uni étaient
avant tout un problème de sécurité pour les autorités et de solidarité pour les
personnes et associations qui les aidaient. Comme toujours les gouvernements
nagent dans l’imprévision et ne réagissent que lorsque les difficultés ne peuvent
plus être politiquement ignorées car elles font le buzz des médias. Mais quel
politique se pose la question du pourquoi de Calais et de son goulot d’étranglement
d’un flux migratoire qui s’enfle ?
Évidemment il y a la position
géographique de cette ville qui est le point d’entrée idéal pour traverser le
Channel par le tunnel. Mais pourquoi veulent-ils tous aller au Royaume-Uni, et
refusent-ils pour la plupart de faire une demande d’asile en France ? C’est
cela la véritable question qui devrait préoccuper nos politiques. Ceux-ci n’ont
d’ailleurs qu’un minimum d’informations sur les entrées et sorties de notre
territoire pour des périodes d’au moins un an contrairement au Royaume-Uni qui
a un suivi mensuel où la distinction est faite entre l’immigration pour raison
de travail, pour raison économique, pour raison de santé, pour regroupement
familial, ou pour raison politique. Comme de plus nous ne pouvons avoir que des
estimations sur l’immigration clandestine par définition, nos responsables
politiques peuvent raconter n’importe quoi et ne rien maîtriser en réalité
malgré les chiffres officiels sur les naturalisations par exemple. Nous nous
moquons des grecs qui n’ont pas de cadastre mais nous n’avons pas en France des
statistiques sérieuses et détaillées sur l’immigration. Nous sommes même le
seul pays de l’UE à ne pas fournir ces informations à Eurostat, l’organisme
européen de statistiques.
Mais revenons à Calais, de
toute évidence, on arrive à Calais parce que c’est au Royaume-Uni qu’est la
réponse aux besoins de cette population d’émigrés. Le premier constat est que
cette population est essentiellement composée d’européens de l’est, type
roumains, bulgares. Le deuxième constat, que révèle les statistiques du Royaume-Uni,
c’est que 46% d’entre eux émigrent pour des raisons économiques et que parmi
eux 61% ont déjà un contrat de travail. Ce chiffre passe même à 80% pour des
pays hors UE. Voilà qui éclaire l’engouement pour le RU alors qu’en France on
nous parle de 9% d’immigration pour cette raison. Il est clair qu’il y a plus
de possibilités de travail au RU qu’en France.
Le troisième constat c’est
que du coup le niveau de qualification de ceux-ci est globalement plus élevé
que celui des émigrés qui restent en France dont une très grande partie
provient du Maghreb et l’Afrique subsaharienne. En France près de la moitié
des émigrés arrivent au nom du regroupement familial et le constat est que dans
les lieux de concentration des primo-arrivants le niveau de qualification est
faible. On peut constater déjà que le problème migratoire ne se présente pas de
la même façon au Royaume-Uni et en France. Par ailleurs l’insularité du RU rend
difficile l’immigration clandestine, ce qui n’est pas le cas en France où les
frontières sont très perméables par l’Italie et l’Espagne en particulier.
Mais il y a d’autres raisons
à l’attractivité du RU et certaines ne sont pas à notre honneur. L’anglais est
un langage international qui est enseigné en Europe et connu en particulier
dans le Moyen-Orient. La formation au français est en chute libre en Europe,
comme j’ai pu le vérifier en Allemagne, alors que c’est la deuxième langue
officielle de l’UE. On peut regretter que la défense du français ne soit plus à
l’ordre du jour alors que cette langue ne cesse de progresser en Afrique, ce
qui favorise l’émigration africaine vers notre pays. Une autre raison de l’attrait
du RU est la qualité des universités anglaises qui attirent un flot d’étudiants.
La cote de la France dans ce domaine est en baisse, en particulier par le
manque d’investissements dans nos universités. On voit qu’il y a des leçons à
tirer qui dépassent le problème migratoire.
En conclusion le solde
migratoire dans le Royaume-Uni est plus important qu’en France mais la nature
des immigrés rend globalement plus facile leur intégration dans le monde du
travail. On peut faire le même constat pour l’Allemagne. L’immigration
française ne nourrit pas l’économie française comme celle du Royaume-Uni. Le poids d’un regroupement familial
d’individus globalement peu qualifiés fait de la France un pays d’accueil où l’on
peut survivre sans travailler, ce qui ne veut pas dire que nos immigrés n’en
cherchent jamais. Mais la faible croissance, la législation lourde du Code du
Travail, et l’importance du nombre de personnes non qualifiées laissent peu d’espoir
de ne pas voir cette jeunesse tomber dans la délinquance et le trafic de
drogues, d’armes et autres. On ne peut avoir une politique migratoire commune
pour l’ensemble des pays européens. Une fois encore on constate que le carcan
de l’UE empêche de trouver des solutions rapides et adaptées à chaque pays.
Calais n’est pas Vintimille et la France n’est pas le Royaume-Uni.
Les flux migratoires sont divers et plus ou moins supportables.
Chaque pays regarde désormais ses frontières
Et la solidarité européenne devient
Du nombrilisme !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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