La circulation à Bruxelles a
été en partie paralysée et trois policiers blessés par une manifestation
monstre des agriculteurs belges, espagnols, italiens, français, allemands,
danois, autrichiens et suisses. Le cortège parti de la gare du nord ce lundi
vers 11h15 pour rejoindre les agriculteurs stationnés au rond-point Schuman,
devant les institutions européennes à Bruxelles, était composé de 4.800
personnes à pied et de 385 tracteurs, a indiqué la porte-parole de la
police de Bruxelles. Réunis à l’initiative de l’European Milk Board (EMB), ils
voulaient exercer une pression maximale sur les 28 ministres de l’Agriculture
de l’Union européenne qui se réunissaient à Bruxelles pour un sommet
extraordinaire consacré à la crise qui touche le secteur agricole, et tout
particulièrement les producteurs laitiers et porcins.
Contrairement à la
manifestation à Paris, cadenassée par la FNSEA, mais dont les résultats font
dire à nos petits agriculteurs qu’ils ont encore une fois été floués par l’État,
la manifestation à Bruxelles a pris l’aspect d’une émeute avec des jets d’œuf,
de bouteilles et de divers débris vers les policiers, ainsi que le feu à des
haies et à des ballots de paille. Des pneus ont été enflammés et un nuage de fumée
noire surplombait la place Schuman. Des réverbères, pavés,
arbres et poteaux de signalisation ont été arrachés par les manifestants et la
police a répondu par des jets d’eau des autopompes et des gaz lacrymogènes.
Aujourd’hui François
Hollande n’en dit rien, alors que son ministre de l’Agriculture était à
Bruxelles. Le problème paysan n’est plus d’actualité et il est plus important
de chercher des voix chez 8 millions de foyers qui vont bénéficier d’un cadeau
fiscal de 2 milliards soit 250 euros par foyer alors que nous allons alourdir
les dépenses militaires en allant projeter nos avions en Syrie au côté des
américains dont les frappes ne vont pas que sur Daesh. Nous continuons à
vilipender Bachar al Assad, le dictateur syrien, et à donner toute notre amitié
et notre aide à l’Arabie Saoudite et au Qatar dont on sait qu’il ne s’agit en
aucune façon chez eux de dictature. Nos agriculteurs vont donc continuer à
alourdir leurs dettes en investissant de l’argent qu’ils n’ont pas avec des
marges bénéficiaires qui ne leur donnent aucun espoir de les rembourser. La petite
agriculture va mourir mais les financiers des usines à 1.000 vaches s’en
frottent déjà les mains et les grosse exploitations continueront à bénéficier
plus que les autres de Bruxelles.
Pourquoi les agriculteurs
manifestent-ils ? Le secteur est en crise. Il y a trop de lait sur le
marché, étant donné qu’on a supprimé les quotas le 31 mars dernier, ce qui a
incité une partie des producteurs à augmenter leur production. Cela vient
s’ajouter à des éléments conjoncturels : embargo russe sur le lait, les
poires, le porc, etc., ce qui fait qu’on a davantage de produits agricoles sur
les marchés européens, tandis que le marché chinois est pour l’instant un peu
moins ouvert. Les prix chutent, mais pas en magasin. Pour le producteur de lait
le prix est à peu près égal à celui qui était payé en 2009, année où il y a eu
une grosse crise dans le secteur laitier. L’Europe fait face à deux types de
production : d’un côté, des pays comme l’Allemagne qui produisent
énormément, tandis que dans des pays comme la Belgique, particulièrement en
Wallonie, et comme la France, ce sont de petites exploitations, donc de petites
productions. Ceci s’applique aussi dans les secteurs de la production du porc,
du bœuf. La Belgique a une agriculture plus proche du terroir, contrairement
aux énormes exploitations que l’on trouve au Danemark ou en Allemagne. Et le
marché donne plus d’avantages aux grands.
La Commission européenne a annoncé ce lundi
qu’elle débloquait 500 millions d’euros d’aide d’urgence pour les agriculteurs,
notamment les producteurs laitiers, lors d’un conseil ministériel de l’UE
convoqué à Bruxelles pour répondre à la crise que traverse le monde agricole. « La
Commission va proposer que la partie la plus significative de ce paquet soit
fournie à tous les États membres sous forme d’enveloppes pour soutenir le
secteur laitier », a précisé l’exécutif bruxellois dans un communiqué.
Elle s’oppose par contre au relèvement du prix d’intervention, une mesure
défendue notamment par la Belgique et la France.
« A un moment où
s’établit clairement un déséquilibre du marché, augmenter le prix payé pour
l’intervention publique ne fera rien pour restaurer l’équilibre du marché mais
créerait à la place un débouché artificiel pour les produits laitiers de l’UE.
Cela pèserait sur la compétitivité de l’Union pour les 10 % (ou plus) de
la production laitière qui doit être exportée ».
Voilà qui laisse peu d’espoir aux producteurs de
lait et de porc dans les négociations avec les grands distributeurs puisque le
prix d’intervention est bloqué. Les 500 millions débloqués
ne vont pas peser lourd une fois répartis dans les pays de l’Union et parmi les
centaines de milliers d’agriculteurs concernés. Heureusement en France l’État
considère l’affaire comme réglée et passe à autre chose, aux migrants syriens,
à la guerre en Syrie et au code du Travail. Les suicides et les faillites des
agriculteurs attendront que leur colère prenne cette fois une allure de
révolution agricole et d’affrontement avec les forces de l’ordre… alors
peut-être les petits producteurs pourront espérer ne pas mourir avec nos
produits du terroir.
Une manifestation agricole calme est l’expression
De la compromission des plus gros avec l’État.
La colère des petits ne peut qu’être violente
Sinon l’État ne les entend pas !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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