Au moment où l’on nous montre à satiété
les gestes d’amitié échangés entre Angela Merkel et François Hollande à Minsk,
au moment où l’on met en avant la solidité du couple franco-allemand, la
réalité rattrape l’Eurogroupe dans sa discussion sur la Grèce. Elle a duré six
heures et n’a donné aucun résultat, ce qui montre une profonde discorde. Il est
de bon ton en France de déclarer que le projet grec est farfelu, irréalisable
et que, si on ne continue pas l’austérité, ce sera pire. La solidarité
européenne marche à l’heure allemande, c’est-à-dire : « les grecs n’ont
qu’à s’en prendre à eux-mêmes ».
Schauble, le Ministre des finances
allemand, n’a jamais fait de cadeaux à la Grèce, pas plus qu’à Chypre, et l’opinion allemande, manipulée par les
médias, tire à boulets rouges sur l’ambulance grecque. Le sentiment d’avoir
fait les sacrifices nécessaires pour la réunification de l’Allemagne prévaut
sur de nouveaux efforts dans la solidarité européenne. L’Allemagne est le
principal contributeur des aides de l’UE et le peuple fait chorus pour arrêter
d’être saigné. S’il est vrai que les grecs ne portaient déjà pas les allemands
dans leur cœur à cause des souvenirs douloureux de la seconde guerre mondiale,
le traitement que l’Allemagne inflige à ce pays n’arrange pas les choses.
Autrement dit, pour les allemands les
grecs n’ont que ce qu’ils méritent et pour Schauble, l’équipe Tsipras est
irresponsable, inexpérimentée, utopiste et prisonnière de ses promesses pour se
faire élire. C’est aussi ce qui est propagé dans les médias français. La banque
Lazard, dont le sérieux est connu des spécialistes, estime à 110 milliards le
besoin d’allègement de la dette grecque estimée à 320 milliards. Les besoins à
court terme seraient de l’ordre de 10 à 15 milliards et, selon le Financial
Times, de 37,8 milliards sur 3 ans. Les
sommes en jeu sont à la fois hors de portée des Grecs, mais aussi hors de
portée de tous les petits bricolages dont l’Europe a d’habitude le secret.
Les ministres des Finances se réunissent encore lundi mais tout accord semble
impossible.
Par contre l’enfumage politique et
médiatique donne une image totalement déformée du nouvel attelage grec. Tsipras
n’est pas homme à renier ses engagements vis-à-vis du peuple grec et son
ministre des Finances, Varoufakis,
n’est pas un bricoleur de l’ENA mais une grande pointure d’économiste. Il est considéré comme un économiste de très
haute volée et de réputation mondiale. Ses positions sont non-orthodoxes et
c’est l’un des rares, avec Steve Keen, l’Australien, à avoir compris le rôle de
la création de crédit dans nos systèmes. Son analyse de la situation grecque
est remarquable. En fait
l’Allemagne et ses acolytes européens craignent la contagion et tout doit être
fait pour que la punition de la Grèce soit exemplaire.
La solidarité européenne craque, la note
est trop lourde pour les Etats contributeurs. Ils ne veulent pas envisager de
le demander à leurs peuples dans un contexte où les nationalismes progressent
au fur et à mesure que l’idée de l’Europe protectrice se délite. Le Grexit est
dans l’air mais l’Allemagne aimerait bien que la Grèce sorte d’elle-même pour
ne pas en supporter la responsabilité. Les grecs sont sans doute venus chercher
l’aumône sans grand espoir à partir du moment où ils rejettent le plan d’austérité
de la troïka. Il est trop facile de rejeter l’ensemble de la responsabilité sur
les grecs. Si les Grecs ont pu
s’endetter, c’est parce qu’il y a eu des gens qui ont eu intérêt à leur prêter
de l’argent. Si la Grèce a eu un déficit de sa balance des paiements, c’est
parce que les pays du nord ont eu un excédent. La responsabilité mériterait
d’être partagée mais la solidarité vole en éclats sous l’impulsion allemande.
Lorsque la crise grecque a commencé, on pouvait la
résoudre avec 35 à 40 milliards d’euros. Nous sommes maintenant en présence
d’une ardoise qui se monte à 320 milliards d’euros. Un écart colossal qui
n’atteste que d’une chose : la solution de l’austérité qui a été imposée par
les Allemands avec l’aide des Français était une Kolossale erreur. Même
si les grecs ont réussi à avoir un budget primaire équilibré, conscients
de ce qui les attendait, ils ne sont pas venus demander l’aumône sans avoir un
plan B. On apprend que la Russie et la Chine invitent Varoufakis à venir les
voir et la Russie ne s’est jamais cachée de son intérêt pour la Grèce et le
passage d’un gazoduc dans ce pays.
La dislocation de l’Europe est en cours, par
l’éclatement des consensus à l’intérieur des différents pays et par la
déstabilisation sociale qui en résulte. C’est le résultat d’un montage mal
conçu au plan technique, illégitime en regard de la volonté des peuples et
anti-démocratique dans son fonctionnement. Les peuples s’expriment de plus en
plus ouvertement et de plus en plus forts malgré les efforts déployés pour que
la contagion ne soit pas propagée par les médias. Seul le Guardian a publié les
propos du leader espagnol de Podemos. Iglesias déclare : « le vent du
changement qui est en train de souffler en Europe pourrait bien devenir une
tempête et accélérer les changements géopolitiques, ceci avec des conséquences
imprévisibles ».
Lorsque la fracture s’ouvre et qu’on met
le doigt dedans
Ou la gangrène s’y met ou la chirurgie
opère !
Question de vie ou de mort !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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