Valéry Giscard d’Estaing vient de faire preuve
d’un pragmatisme et d’une lucidité qu’il faut saluer car ce qu’il vient de dire
sur la Grèce au journal Les Echos le 19 février 2015 est difficile à avouer
quand on est un européiste convaincu.
« La Grèce ne peut régler ses
problèmes aujourd'hui que si elle retrouve une monnaie dévaluable. Il faut donc
envisager ce scénario très calmement, à froid, dans l'intérêt de la Grèce
elle-même. »
Incroyable mais vrai, le père de la Constitution
Européenne, refusée par les français mais retoquée dans le Traité de Lisbonne,
vient de valider le Grexit ! Toute autre personnalité eurosceptique aurait
soulevé les lazzis des tenants de la pensée unique. Là on observe un silence
gêné des politiques et des médias.
Le premier constat est que l’ancien Président de la
République fait fi de l’absence de disposition juridique dans les traités qui
permette la sortie de l’euro. Il sous-entend que lorsque la zone euro le veut,
l’aspect juridique trouve toujours une solution, quitte à tordre l’article 352 du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne (TFUE). C’est dire si le pragmatisme a joué dans son esprit
car il a participé à la rédaction des Traités et est l’un des plus ardents
promoteurs de la Construction Européenne.
Plus important encore il reconnait que l’on doit
sortir de l’euro quand les conditions économiques d’un pays l’exigent. Or nous
baignons dans les discours sur l’impossibilité de cette sortie. « L’euro est une autoroute sans sortie »
selon un ancien Commissaire européen chargé de la mise en place de la monnaie
unique, Yves-Thibault de Silguy. Pas plus tard que le 21 juillet 2012, Mario
Draghi, le président de la BCE, stipulait que « l’euro est irréversible ». Non seulement l’euro n’est plus
irréversible, mais l’euro n’est plus une protection indispensable. Valéry
Giscard d’Estaing va encore plus loin :
« Ce processus de sortie ordonnée
doit et peut se dérouler de manière non conflictuelle, dans l'intérêt mutuel de
chacun. C'est ce que j'appellerais une 'friendly exit', une sortie dans un
esprit amical. »
La sortie peut se dérouler de façon amicale !
Il s’agit de considérer qu’une sortie peut être envisagée comme une mesure
salutaire incluse dans le fonctionnement de la zone euro et qui de ce fait
serait une mesure normale en cas de difficulté majeure pour l’économie d’un
pays. Cette phrase est fondamentale car elle affirme que la présence dans la
zone euro ne se justifie que dans la mesure où elle est bénéfique pour un pays
et cela n’est pas automatique. L’euro ne protège pas intrinsèquement.
« La question fondamentale est de savoir si
l'économie grecque peut repartir et prospérer avec une monnaie aussi forte que
l'euro. La réponse est clairement négative (...) La Grèce a besoin de se donner
la possibilité de dévaluer sa monnaie. Si elle ne le faisait pas, sa situation
s'aggraverait et déboucherait sur une crise encore plus sévère. »
Valéry Giscard d’Estaing, par ce dernier
commentaire, enfonce le clou. Si l’on reste dans l’euro alors que les
difficultés économiques atteignent un certain niveau, la monnaie unique devient
un handicap insurmontable ! Il juge que la Grèce est dans ce cas, rester
dans l’euro la fait courir à sa perte. Il a le réflexe du chirurgien qui estime
que quand la gangrène s’est mise dans la jambe, il vaut mieux la couper. Les
déclarations de l’ancien président de la République s’inscrivent dans la droite
ligne des analyses des dirigeants allemands, qui militent presque ouvertement
désormais pour la sortie de la Grèce de l’euro.
Elle tranche avec la décision hier de l’Eurogroupe
de redonner 4 mois de sursis pour le plan d’aide internationale à la Grèce sous
réserve de présenter le 23 février des mesures économiques (lutte contre la fraude
fiscale, corruption et administration publique) qui seront soumises à l’avis d’experts.
Cette réunion a d’ailleurs tourné au
drame : la mise sur la touche de Yanis Varoufakis, prix à payer pour
arracher un accord à l'Allemand Wolfgang Schäuble dont il est devenu la bête
noire. Selon l’AFP "Varoufakis est
hors de la négociation. Tout a été négocié avec Alexis Tsipras".
Le torchon brûle entre l’Allemagne et la Grèce. Le
Grexit est dans la tête des allemands qui ne feront aucune concession. Le
sursis accordé a toutes les raisons de n’être qu’un gain de temps. Au-delà de
cet affrontement, une autre lutte se profile, c’est celle de l’Allemagne face
aux Etats-Unis. Ces derniers ne veulent pas entendre parler d’une sortie de la
Grèce qui pourrait faire tâche d’huile. Ils ne veulent pas que se déconstruise
ce glacis économico-militaire qu’ils ont mis plus de vingt ans à promouvoir.
Alors que le traité transatlantique de libre-échange est dans les cartons, le
moment serait très mal venu.
Valéry Giscard d’Estaing a eu des propos d’une
importance considérable dont on n’a pas fini de mesurer l’impact. Il a mis le
pied sur plusieurs dogmes, celui de l’impossibilité de sortie de l’euro, celui
de l’euro protecteur et du catastrophisme d’en sortir, et celui du carcan de la
monnaie unique pour des économies en difficulté. En fait il reconnaît que les
conditions à remplir pour une monnaie unique sont beaucoup plus restrictives
pour en assurer la survie. Force est de constater que peu de pays les réalisent
hors l’Allemagne.
En
voulant sauver la zone euro, un européiste convaincu
Vient
par pragmatisme d’en montrer les faiblesses.
Saluons
la lucidité d’un promoteur de l’Europe,
Accueillons-le
dans l’Europe des peuples !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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