Il faut toujours observer le déroulement des
réunions au sommet pour apprécier les raisons profondes qui expliquent les
dates choisies et la longueur des pourparlers. La première remarque est que les
accords de Minsk du 5 mai dernier n’ont pas résolu la situation ukrainienne
mais depuis 8 mois les occidentaux ne manifestaient aucune fébrilité sinon de
continuer à diaboliser Poutine et à aggraver les sanctions contre son pays.
Ceci sous-entendait clairement que le conflit ne pouvait s’apaiser tant que
Poutine ne se retirait pas du jeu pour permettre la normalisation et la
récupération de l’ensemble du territoire ukrainien par Kiev. Ce dernier faisait
quelques concessions aux insurgés désarmés de la Novorussia et tout était
réglé. On pouvait continuer à pousser l’Ukraine dans l’UE et l’OTAN.
Tout-à-coup la guerre civile ukrainienne précipite
d’abord Hollande à l’aéroport de Moscou pour rencontrer brièvement Poutine. Les
américains resserrent leurs pourpalers avec Porochenko et l’urgence d’une
réunion de « paix » se fait tout-à-coup connaître dans les médias. Il
s’ensuit deux réunions de préparation à Kiev avec Porochenko, Merkel et
Hollande, puis une réunion à Moscou avec Poutine, Merkel et Hollande où la réunion
finale est prévue à Minsk les 11-12 janvier. Cette fois Porochenko, les
insurgés, Merkel et Hollande doivent discuter ensemble. Juste avant Angela
Merkel fait un voyage éclair à Washington pour rencontrer Obama. Après quatorze
heures de négociations un semblant d’accord est publié. Les grandes lignes sont
données mais il reste des points de désaccord à régler dans les détails
d’application.
Les médias saluent Hollande pour son initiative, il
engrange provisoirement un satisfecit. Pourtant s’il y a un vainqueur c’est
Poutine, car c’est lui qui a défini le timing et le lieu de réunion. Mais
revenons sur le scénario. On voit que l’empressement occidental s’est
brusquement élevé au point de définir un calendrier serré au plus juste et une
réunion forcing pour trouver un texte commun à diffuser. Qu’il y a-t-il eu de
nouveau dans la situation ukrainienne ? Celle qui apparaît d’abord c’est
l’envoi d’un milliard de dollars par les Etats-Unis et la volonté du Congrès de
fournir des armes « non-létales » à l’Ukraine. Pourquoi
tout-à-coup ? Porochenko est en passe d’être défait militairement car
6.000 à 8.000 combattants de son armée sont quasiment pris au piège dans une
nasse dont ils ne sortiraient pas sans pertes énormes.
Les Etats-Unis
ont donc précipité une aide financière et militaire à l’Ukraine qui envisageait
de mobiliser 100.000 hommes par tiers en 2015. Du coup on a pensé que ceci
poussait Hollande et Merkel à craindre une extension du conflit avec la Russie
et qu’ils faisaient pression sur les Etats-Unis pour que ceux-ci renoncent à
leur projet. La réalité de leur motivation est tout simplement que dans la
nasse de Denaltsevo qui piège l’armée de Kiev, il y a des combattants français
et sans doute allemands, polonais, baltes et autres. La reddition de ces unités
de Kiev et la découverte de notre présence serait ravageuse dans l’opinion
occidentale. Il fallait faire vite pour trouver une neutralisation des
combattants et un sauvetage des unités quasi-prisonnières.
Angela Merkel a assumé la responsabilité d’en
discuter avec Obama qui la considère comme le leader européen, n’en déplaise à
Hollande. Elle est donc venue à Minsk avec un accord d’Obama. Mais pourquoi,
lorsque l’on parle d’une guerre américano-russe par belligérants interposés,
Obama n’est-il pas venu et a laissé faire alors qu’il est pressé par le Congrès
de montrer sa force ? C’est qu’il y a une autre raison qui pèse sur lui et
que Poutine a brandi. Poutine est en position de force vis-à-vis des européens
pour la raison donnée ci-dessus mais il craint qu’Obama passe outre aux
nouvelles réticences européennes. Il vient donc de dégainer une arme
spécifique… les vues de ses satellites sur l’attentat du 11 septembre 2001 qui
montrent que cet attentat a été préparé par la CIA et était sous contrôle. Il
apporterait des éléments décisifs à tous ceux qui ne cessent de mettre en doute
la véracité des thèses officielles dont même une membre de premier rang de la
CIA elle-même qui vient d’écrire un livre.
Intox ? Il y a tout lieu de penser que non, si
l’on regarde attentivement le déroulement du scénario de Minsk et les
déclarations des uns et des autres. Obama avait de bonnes raisons de ne pas
intervenir se gardant la possibilité soit de dénoncer (ou de faire dénoncer par
Porochenko) l’accord passé le 12 février, soit de trouver un moyen de montrer
spectaculairement au monde occidental les intentions d’annexion de l’Ukraine
par Poutine. La CIA sait faire ce genre d’action. Néanmoins les reculades des
membres de l’OTAN pour exposer l’explication du crash du MH-17 en réunion
contradictoire avec les russes montrent que les Etats-Unis devront jouer bien
et serré dans une machination antirusse.
L’accord d’aller plus loin dans les détails de paix
dans la négociation à Minsk est d’autant plus fragile car il n’a pas été fait
avec l’accord de tous les membres de l’UE, en particulier la Pologne et les
Etats-baltes qui sont dans le camp des jusqu’aux boutistes. Les Etats-Unis ne
pourront pas se résoudre à lâcher l’Ukraine et pourriront la situation avec une
pression constante sur l’UE. La solidarité franco-allemande ne tient pas sur
les mêmes véritables intérêts économiques mais l’Ukraine est l’occasion ou
jamais de montrer qu’ils sont les leaders européens et peuvent faire face aux
Etats-Unis. L’exclusion de la Grande-Bretagne dans les pourparlers n’est
pourtant pas un bon signe de la coordination de la politique extérieure européenne
et posera rapidement problème. Le grand vainqueur est provisoirement Poutine. L’avenir
est loin d’être dégagé comme l’a bien fait sentir Angela Merkel dans son
intervention de ce matin :
« Nous avons maintenant une lueur d’espoir,
nous avons convenu d’une mise en œuvre complète de Minsk. Mais les mesures
concrètes doivent bien entendu être mises en place. Et il y a encore des
obstacles majeurs à relever ».
Ceux
qui demandent des négociations urgentes
Ne
sont jamais ceux qui sont les mieux placés
Pour les diriger à leur profit !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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