Kerry à Kiev, Merkel et Hollande à Moscou pour une
réunion de la dernière chance font éclater à la face du monde la gravité d’une
situation qui n’avait pas passionné les médias jusque-là sauf pour les
manifestations de la place Maïdan, abondamment commentées et la propagande
antirusse orchestrée dans tout le monde occidental. Ces deux mots
« dernière chance » révèlent la partie de bras de fer qui se joue en
Europe, car il s’agit bien de conflit généralisé entre les USA et la Russie
avec l’l’UE prise en otage dont il s’agit. Pourquoi la situation de début
février devient-elle si urgente à régler alors que nous ne nous inquiétions
guère des 5 à 7000 tués supposés dans ce conflit ?
La réponse de fond sur l’origine du conflit se
trouve dans la stratégie hégémonique américaine et la chute prévisible de la
pyramide de Ponzi sur lequel repose le système financier américain et
occidental avec des dettes qui ne cessent de s’accroître après 2008, date où
les Etats sont venus au secours des banques. Depuis, les banques américaines
n’ont pas cessé de grossir augmentant le risque du « too big, too
fail » et la masse des produits dérivés, ces échanges complexes de
produits financiers ne requérant aucun apport initial, sont passés de 500.000 à
700.000 milliards de dollars soit plus de dix fois l’économie mondiale. Le
système financier est beaucoup plus chancelant qu’avant. Par ailleurs le dollar
est attaqué en tant que monnaie de référence, la Russie, l’Allemagne, la Chine
engrangent de l’or en prévision d’un bouleversement du système monétaire.
Seul un bouleversement monétaire programmé par les
USA et facilité par une guerre contre l’ennemi désigné, la Russie, peut enrayer la chute de l’empire américain.
Tout se met en place progressivement depuis l’Afghanistan et la Libye. On
déverse de l’argent, des armes, des « conseillers militaires » dans
toutes les zones où l’on prépare et l’on entretient un conflit. Les propos d’Obama
ne sont que des mascarades en décalage avec la réalité de ce qui se passe sur
le terrain. A titre d’exemple l’éventualité de l’envoi d’armes « non létales »
(pure artifice de communication) en Ukraine, révélée ostensiblement au monde,
est très en retard par rapport à l’envoi d’armes « non légales »
pratiqué depuis la préparation de la destitution du pouvoir de Kiev et l’arrivée
de Porochenko. Les postes clés ukrainiens avaient été préalablement noyautés.
En septembre 2014, le
président ukrainien Petro Porochenko a déclaré qu’un certain nombre de pays de
l’OTAN avait accepté de livrer des armes aux forces ukrainiennes, formées non
seulement des troupes régulières ukrainiennes mais aussi de bataillons
irréguliers financés par le seigneur de guerre milliardaire israélo-ukrainien,
Ihor Kolomoisky, et constitués de néo-nazis, de forces états-uniennes, de
forces paramilitaires et d’anciens membres des Forces de défense israéliennes.
Lors du sommet de septembre 2014 de l’OTAN au Pays de Galles, le conseiller du
président ukrainien, Youri Loutsenko, a déclaré que les Etats-Unis, la France,
la Pologne, la Norvège et l’Italie avaient accepté de fournir des armes à
l’Ukraine, et le Canada a révélé plus tard qu’il avait également commencé à
transférer des armes aux putschistes de Kiev. Ceci a fait dire au Président
Poutine qu’en Ukraine sévissait la légion étrangère américaine.
L’Antonov AN-124 ukrainien, le plus gros avion de
transport au monde presqu’aussi gros qu’un Airbus A380, ne cesse de relier l’Ukraine
entre autres à toutes les zones de stockage de l’OTAN en Europe et aux usines
de production du complexe militaro-industriel américano-canadien. Cet avion est
doté d’une formidable capacité d’emport (120 à 150 tonnes) de systèmes allant
jusqu’à des masses très importantes (locomotives, hélicoptères, chars, etc.). L’armement
des forces de Kiev existe depuis mars 2014. Il a provoqué en retour de la part de la Russie, une aide d’armement
qui a fait suite aux aides humanitaires. Après la réunion des ministres de la
Défense de l’OTAN à Bruxelles hier, Washington a réaffirmé que l’ « Otan
restera une alliance nucléaire », on peut déduire qu’il a été décidé
d’accélérer la « modernisation » des forces nucléaires USA déployées
en Europe (Italie comprise en violation du Traité de non-prolifération
nucléaire) et la potentialisation des françaises et britanniques. S’est ensuite
réunie la Commission Otan-Géorgie, appréciant la contribution géorgienne aux
opérations en Afghanistan et à la « Force de riposte de l’Otan »
(viatique pour l’admission désormais certaine de la Géorgie dans l’Alliance).
Tout se met en place pour une confrontation
militaire car le temps presse et c’est la situation militaire en Ukraine qui a
motivé la réunion à Moscou. L’armée de Kiev est au bord d’une défaite
inacceptable à Deblatsevo où 7.000 à 8.000 hommes sont pratiquement encerclés
comme on peut le voir sur la carte. Jusqu’à présent, les Novorusses ont
progressé assez lentement, précisément parce que leur artillerie n’était pas
assez puissante pour ramollir les défenses enterrées de la junte. Mais grâce à
la Voentorg [approvisionnement en matériel par les Russes] les
Novorusses ont maintenant beaucoup plus de puissance de feu.
Que peut-on
attendre de la réunion de Moscou aujourd’hui ? Poutine devant le succès
imminent des troupes de la Novorussia se trouve en position de force
provisoire. L’occasion est belle de montrer qu’il ne souhaite pas envahir l’Ukraine
mais au contraire se placer comme le leader d’une solution de paix, tout en
entérinant l’annexion volontaire de la Crimée à la Russie. L’encerclement en
cours de son pays par les bases américaines, le basculement prochain de la
Géorgie dans l’OTAN rend stratégiquement important d’éloigner l’OTAN de sa
frontière avec l’Ukraine et de rétablir des relations économiques avec l’Ouest.
L’OTAN est un véritable point de casus belli. Par ailleurs la France et l’Allemagne,
entre autres, n’envisagent pas de se trouver pris dans un conflit ouvert entre
l’OTAN et la Russie et montrent des réticences envers les USA. Poutine a senti
le vent tourner un peu et l’on peut penser qu’une solution garantissant une
large autonomie de la Novorussia, une non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est
une solution garantissant les intérêts de la Russie, l’Ukraine devenant une
zone tampon entre lui et l’OTAN.
Par contre le
point de vue des Etats-Unis s’avère diamétralement opposé et la nécessité d’une
guerre fait son chemin avec les préparatifs tous azimuts que déploie l’OTAN
pour renforcer ses moyens militaires dans l’UE. L’engagement militaro-industriel
américain met même le pouvoir politique devant le fait accompli. Seule une désolidarisation
ouverte exprimée de l’UE peut entraver le processus en cours. Mais des Etats
comme la Pologne, la Lettonie, l’Estonie, sont favorables à la position
américaine d’affaiblissement de la Russie et d’entourage de la Russie d’un
bouclier asphyxiant. La mainmise militaire sur l’Europe est réalisée avec l’OTAN,
la mainmise économique est en cours avec le TAFTA de libre-échange. La mainmise
sur le Moyen-Orient se réalise par le chaos en Irak et en Syrie, la protection
militaire accordée à l’Arabie Saoudite, le pacte Israël-Egypte. L’Afrique est
désormais au programme pour couper l’herbe sous le pied à la Chine. L’entrée de
Boko Haram au Nigéria va permettre de déclencher d’autres actions de sauvetage
de la… démocratie.
En conséquence, il
est probable qu’un accord sortira de la réunion moscovite car les trois
protagonistes y ont intérêt. La Russie se dédouane un peu de la propagande
faite sur son intention d’invasion de l’Ukraine et s’avère coopérative, tout en
montrant à son peuple qu’il a l’initiative. Angela Merkel et François Hollande
montrent une (timide) indépendance vis-à-vis des Etats-Unis et se targuent d’être
des faiseurs de paix devant leur opinion publique, l’un et l’autre en ayant un
besoin urgent. Par contre rien ne dit que Porochenko, chapitré par les USA,
donnera son accord et si c’était le cas on peut s’attendre à ce que l’accord n’ait
pas le temps de rentrer dans les faits avant qu’une provocation, dûment
orchestrée par les USA comme ils l’ont montré en de nombreuses occasions, ne
vienne tout remettre en cause. N’oublions pas que le MH-17 abattu n’a toujours
pas eu une explication claire entre les conclusions des occidentaux, et les photos
et les preuves satellitaires fournies par la Russie. Celui qui se dérobe, cache
toujours quelque chose d’inavouable…
Dans ce billard à trois bandes
USA-UE-Russie se joue notre avenir.
Espérons que Devaltsevo n’inscrive pas son
nom
Dans le livre de l’histoire du monde,
Comme Sarajevo en 1914 !
Claude Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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