L’accord négocié à Minsk s’apparente
plus à une trêve qu’à un véritable accord définitif de paix. En particulier elle
ne tarit pas la possibilité pour Porochenko de continuer ses relations avec les
Etats-Unis. L’intervention du FMI, sous influence prédominante des USA,
promettant 17 milliards de dollars à Kiev deux heures avant la fin des
négociations est un signe de l’influence que ceux-ci veulent garder. En effet ceci
redonnait un souffle à Porochenko pour défendre ses exigences. Il semble que la
Russie et les occidentaux étaient mieux au courant de la situation militaire
que Kiev, auquel ses généraux masquaient encore l’ampleur du désastre
militaire. La nasse s’était véritablement transformée en chaudron dans lequel
mijote désormais un quart de l’armée de Kiev.
C’est bien
cela qui a précipité dans l’urgence la tenue du Minsk-2 et l’accord ressemble à
s’y méprendre à Minsk-1 de septembre 2014 dont on sait qu’il n’a été respecté
que le temps de se refaire des forces. Juste après l’accord Minsk-2 les forces
de Kiev ont déjà bombardé Donetsk, donc
des populations civiles. On voit que la partie n’est pas gagnée. D’ailleurs Porochenko
a déjà dit que l’accord serait difficile à mettre en place, d’autant que tous les
groupes armés indépendants, qui se sont constitués dont certains néo-nazis avec
l’argent d’oligarques, ne sont pas sous son contrôle. On peut prévoir que d’ici
un ou deux mois les belligérants appuieront sur la touche « Replay »,
une fois l’armement reconstitué en hommes et en matériel.
Le fait
nouveau est le traitement des forces armées de Kiev prises dans la poche de
Devaltsevo dont rien d’explicite n’est spécifié dans l’accord mais qui a été le
facteur déterminant de l’urgence des négociations. Malgré cela elles sont
arrivées trop tard pour éviter l’encerclement. La France, entre autres, va
peut-être devoir avouer sa présence militaire sur le terrain ukrainien… à moins
que Poutine fasse en sorte que ceci reste caché ! On voit que tout ceci
explique la brèche qui vient de s’ouvrir dans le camp occidental. Merkel va
dire à Obama son opposition à une intervention officielle et plus importante
des USA en envoi d’armes et d’argent avant que Poutine soit tout sourire et
félicite le couple franco-allemand pour leur efficacité dans les négociations.
C’est en
cela que Minsk-2 diffère fondamentalement de Minsk-1. Pour des raisons
avouables ou inavouables, français et allemands font corps auprès des USA pour
faire valoir un point de vue différent et, ce faisant, la prise de conscience
que l’avenir de l’Europe n’est peut-être pas la vassalisation aux USA. Moscou
est beaucoup plus près que Washington et un océan ne nous sépare pas. L’Eurasie
est un continent et peut jouer désormais d’égal à égal dans un monde
multipolaire en construction si la Russie sert de lien entre la Chine et l’Europe.
Cette dernière peut assurer la paix du monde en servant ses intérêts atlantiques
du marché américain et terrestres vers les ressources minières et pétrolières
de l’Asie.
Il faut
souhaiter que la faille qui se dessine s’agrandisse dans une nouvelle stratégie
géopolitique et que nous ne rentrions pas rapidement dans le rang sous les
pressions américaines. Notre avenir n’est pas d’être le bouclier américain
devant la Russie, bouclier qui pousse toujours plus loin son occupation de
territoire pour isoler la Russie. Poutine, dans une actuelle position de force,
peut nous donner l’occasion de sortir d’une politique mortifère. Hollande a
peut-être compris, de gré ou de force, qu’il faut prendre ses distances avec
Obama. Il va falloir donner des signes clairs à la Russie, en minimisant les
sanctions et en livrant le Mistral.
En tous cas
si les souverainistes ne peuvent que soutenir cette orientation, des voix
socialistes comme celle de Chevènement se sont toujours exprimées dans ce sens
et des voix nouvelles s’expriment comme celle d’Attali dans un surprenant
virage qui en dit long. En attendant il va falloir exfiltrer nos forces militaires,
spéciales ou non, du chaudron de Devaltsevo en les qualifiant de « mercenaires »
ou en les faisant passer par la Russie avec la complicité de Poutine… qui sait ?
En tous cas Minsk-2 peut avoir une importance géostratégique considérable dans
la guerre froide Etats-Unis-Russie où les coups tordus ou non n’ont pas fini de
pleuvoir. Le complexe-militaro industriel américain aura-t-il le dernier mot
pour une guerre totale ? Ils peuvent trouver de nouveaux arguments car les
Etats-Unis sont actuellement directement attaqués par la baisse de 20% de l’euro
face au dollar, ce qui nous permet de remporter les premiers succès dans la
vente du Rafale par exemple. Nous avons abordé un grand tournant mais le virage
est loin d’être pris car il est plein d’embûches extrêmement dangereuses !
Rien n’est
gagné pour l’UE car les dissensions internes sur la politique étrangère ne sont
pas résolues. L’axe franco-allemand est loin de satisfaire tout le monde et l’Allemagne
construit une nouvelle hégémonie pas à pas qui peut être aussi difficile à
supporter. La position de la Pologne et du Royaume-Uni peut engendrer une
nouvelle partition de l’UE où les peuples grecs et espagnols vont jouer un rôle
décisif. Espérons qu’une nouvelle Europe laisse transpirer un peu de démocratie
face aux puissances de l’argent.
L’histoire déroule les mêmes schémas
mais jamais de la même façon
Minsk-1 était dans la guerre froide
USA-Russie
Minsk-2 ouvre la porte à l’Eurasie
Avec beaucoup de si…
Et un peu d’espoir !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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