vendredi 13 février 2015

Minsk : un coin dans notre subordination aux Etats-Unis



L’accord négocié à Minsk s’apparente plus à une trêve qu’à un véritable accord définitif de paix. En particulier elle ne tarit pas la possibilité pour Porochenko de continuer ses relations avec les Etats-Unis. L’intervention du FMI, sous influence prédominante des USA, promettant 17 milliards de dollars à Kiev deux heures avant la fin des négociations est un signe de l’influence que ceux-ci veulent garder. En effet ceci redonnait un souffle à Porochenko pour défendre ses exigences. Il semble que la Russie et les occidentaux étaient mieux au courant de la situation militaire que Kiev, auquel ses généraux masquaient encore l’ampleur du désastre militaire. La nasse s’était véritablement transformée en chaudron dans lequel mijote désormais un quart de l’armée de Kiev.

C’est bien cela qui a précipité dans l’urgence la tenue du Minsk-2 et l’accord ressemble à s’y méprendre à Minsk-1 de septembre 2014 dont on sait qu’il n’a été respecté que le temps de se refaire des forces. Juste après l’accord Minsk-2 les forces de Kiev ont déjà bombardé Donetsk,  donc des populations civiles. On voit que la partie n’est pas gagnée. D’ailleurs Porochenko a déjà dit que l’accord serait difficile à mettre en place, d’autant que tous les groupes armés indépendants, qui se sont constitués dont certains néo-nazis avec l’argent d’oligarques, ne sont pas sous son contrôle. On peut prévoir que d’ici un ou deux mois les belligérants appuieront sur la touche « Replay », une fois l’armement reconstitué en hommes et en matériel. 

Le fait nouveau est le traitement des forces armées de Kiev prises dans la poche de Devaltsevo dont rien d’explicite n’est spécifié dans l’accord mais qui a été le facteur déterminant de l’urgence des négociations. Malgré cela elles sont arrivées trop tard pour éviter l’encerclement. La France, entre autres, va peut-être devoir avouer sa présence militaire sur le terrain ukrainien… à moins que Poutine fasse en sorte que ceci reste caché ! On voit que tout ceci explique la brèche qui vient de s’ouvrir dans le camp occidental. Merkel va dire à Obama son opposition à une intervention officielle et plus importante des USA en envoi d’armes et d’argent avant que Poutine soit tout sourire et félicite le couple franco-allemand pour leur efficacité dans les négociations.

C’est en cela que Minsk-2 diffère fondamentalement de Minsk-1. Pour des raisons avouables ou inavouables, français et allemands font corps auprès des USA pour faire valoir un point de vue différent et, ce faisant, la prise de conscience que l’avenir de l’Europe n’est peut-être pas la vassalisation aux USA. Moscou est beaucoup plus près que Washington et un océan ne nous sépare pas. L’Eurasie est un continent et peut jouer désormais d’égal à égal dans un monde multipolaire en construction si la Russie sert de lien entre la Chine et l’Europe. Cette dernière peut assurer la paix du monde en servant ses intérêts atlantiques du marché américain et terrestres vers les ressources minières et pétrolières de l’Asie. 

Il faut souhaiter que la faille qui se dessine s’agrandisse dans une nouvelle stratégie géopolitique et que nous ne rentrions pas rapidement dans le rang sous les pressions américaines. Notre avenir n’est pas d’être le bouclier américain devant la Russie, bouclier qui pousse toujours plus loin son occupation de territoire pour isoler la Russie. Poutine, dans une actuelle position de force, peut nous donner l’occasion de sortir d’une politique mortifère. Hollande a peut-être compris, de gré ou de force, qu’il faut prendre ses distances avec Obama. Il va falloir donner des signes clairs à la Russie, en minimisant les sanctions et en livrant le Mistral.

En tous cas si les souverainistes ne peuvent que soutenir cette orientation, des voix socialistes comme celle de Chevènement se sont toujours exprimées dans ce sens et des voix nouvelles s’expriment comme celle d’Attali dans un surprenant virage qui en dit long. En attendant il va falloir exfiltrer nos forces militaires, spéciales ou non, du chaudron de Devaltsevo en les qualifiant de « mercenaires » ou en les faisant passer par la Russie avec la complicité de Poutine… qui sait ? En tous cas Minsk-2 peut avoir une importance géostratégique considérable dans la guerre froide Etats-Unis-Russie où les coups tordus ou non n’ont pas fini de pleuvoir. Le complexe-militaro industriel américain aura-t-il le dernier mot pour une guerre totale ? Ils peuvent trouver de nouveaux arguments car les Etats-Unis sont actuellement directement attaqués par la baisse de 20% de l’euro face au dollar, ce qui nous permet de remporter les premiers succès dans la vente du Rafale par exemple. Nous avons abordé un grand tournant mais le virage est loin d’être pris car il est plein d’embûches extrêmement dangereuses !

Rien n’est gagné pour l’UE car les dissensions internes sur la politique étrangère ne sont pas résolues. L’axe franco-allemand est loin de satisfaire tout le monde et l’Allemagne construit une nouvelle hégémonie pas à pas qui peut être aussi difficile à supporter. La position de la Pologne et du Royaume-Uni peut engendrer une nouvelle partition de l’UE où les peuples grecs et espagnols vont jouer un rôle décisif. Espérons qu’une nouvelle Europe laisse transpirer un peu de démocratie face aux puissances de l’argent. 

L’histoire déroule les mêmes schémas mais jamais de la même façon 

Minsk-1 était dans la guerre froide USA-Russie

Minsk-2 ouvre la porte à l’Eurasie 

Avec beaucoup de si…

Et un peu d’espoir ! 

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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