Si la démocratie européenne s’était contentée jusque là de la voix parlementaire nationale pour accepter un changement fondamental de fonctionnement de l’Europe avec un élargissement considérable et rapide de ses frontières, elle allait prendre sa revanche dans l’étape suivante de la Constitution Européenne. Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, ou Traité de Rome II, fut signé à Rome le 29 octobre 2004, par vingt-cinq chefs d’Etat pour application le 1er novembre 2006.
Il faut s’arrêter sur ce traité qui fut doublement historique par le cérémonial qui l’a entouré, par son échec final et sa renaissance dans le futur traité de Lisbonne où la démocratie a définitivement perdu ses droits. Il fut longuement préparé depuis 2003 par une Convention Européenne, affûté par une Conférence intergouvernementale et adopté par le Conseil Européen le 19 juin 2004. Sa signature fut l’objet d’un grand cérémonial sur la colline du Capitole dans la salle de la mairie de Rome qui avait vu la signature du premier traité de Rome… tout était prêt pour le triomphe de l’Europe… des gouvernants.
Mais s’agissant d’une Constitution, le traité devait être ratifié par chacun des vingt-cinq États membres de l'Union en 2004, selon les règles en vigueur dans chaque État, le plus souvent par voie parlementaire et dans certains cas par voie référendaire. La grande confiance qu’avaient nos dirigeants dans l’élan européen de nos compatriotes et dans la force médiatique et politique de l’euro, ne les ont pas fait hésiter sur le choix du référendum. Stupéfaction… le 29 mai 2005 la France a dit Non par 54,67% des voix.
L’avancée vers ce qui aurait pu être une confédération avec une primauté des droits européens sur ceux des Etats membres était remise en cause. Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, nullement désarçonné, l’Europe s’est aussitôt remise au travail pour garder l’essentiel des textes dans une mouture débarrassée de l’appellation de Constitution et pouvant être acceptée en France par voie parlementaire. Ce fut la signature du Traité de Lisbonne, « traité modificatif » pour une durée illimitée, le 13 décembre 2007.
Seul état ayant consulté ses citoyens par voie référendaire, l’Irlande a refusé une première fois le traité. Ella a finalement accepté après avoir obtenu des concessions sur sa neutralité dans la politique de défense et surtout l’assurance que la politique fiscale de l’UE ne serait pas modifiée. La démocratie n’a joué qu’au forceps et notre pays a brillé par son déni de celle-ci après que son peuple ait refusé la première mouture constitutionnelle. C’est par la voie du Congrès que la Constitution française a dû être modifiée. Or ce traité rédigé en français, qui reprend les trois quarts de l’ancien texte constitutionnel, n’est, selon Giscard D’Estaing, qu’une pâle copie du traité de Rome II, dont l’essentiel a été conservé et seulement reformulé.
Malgré les nombreux recours juridiques dans plusieurs pays, c’est grâce à l’obstination d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy que ce traité a été ratifié. Les contorsions épistolaires des rédacteurs en ont fait, au contraire du vœu initial, un texte indigeste, confus, embrouillé et d’une telle obscurité rédactionnelle que, selon certains juristes, il remet en cause le principe de sécurité juridique.
Néanmoins les dés étaient jetés, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient décidé ainsi, le carcan était mis sur notre pays où, désormais aucun ministère, hormis peut-être les anciens combattants, n’échappe aux directives de Bruxelles. Dans une Europe sans véritable armée, il est important de noter qu’il a été réaffirmé la soumission à l’OTAN et au traité de l’Atlantique Nord… pour les pays signataires. Il introduit ainsi une ambiguïté entre les pays non signataires et signataires qui sont astreints au principe d’aide mutuelle.
Ces articles sont loin d’être anodins, et l’on sait que peu après la France devenait membre à part entière de l’OTAN aux côtés des Etats-Unis en Afghanistan, en Libye, en Syrie et à leur place au Mali. L’UE a décidé de s’en remettre aux Etats-Unis pour la défense de son territoire et d’offrir un marché économique ouvert aux prédateurs japonais, chinois et américains.
Avec le Traité de Lisbonne,
La démocratie européenne a vécu,
La mutualisation de la pauvreté est en route,
Le citoyen a perdu l’espoir d’influer sur son destin
Le cercueil vient d’être recouvert d’un drapeau étoilé…
Lequel au fait ?
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon