Chypre est encore bien vivante au sein de l’Europe et ses partenaires sont en train de la dépecer. Sous le prétexte d’un prêt de 10 milliards, prêt insuffisant, qu’on assortit de contraintes budgétaires draconiennes, l’île est jetée en pâture et sera vendue à l’encan. On vient en fait de toucher le fond avec la tentative de braquage de l’argent du peuple dans les banques. Que n’a-t-on pas dit de l’inconséquence des argentins qui ont innové dans la matière ? L’Union Européenne était là pour empêcher une telle éventualité !
Quel n’est pas l’étonnement des investisseurs américains de constater qu’un pays, pas plus grand qu’un quartier de Manhattan, à la recherche de 6 milliards peut ébranler le monde financier de la planète et provoquer un effondrement des places asiatiques. Comment imaginer cela quand on jette 85 milliards de dollars par mois dans l’économie américaine ? Comment peut-on en arriver là, alors que ces 6 milliards sont déboursés par la Fed toutes les 48 heures ? Désormais dans un monde mondialisé tout agit sur tout et réciproquement. Tirer la queue du chien à Chypre, le fait aboyer au Japon !
Tout tient dans le fait que les Etats, après les banques, ne peuvent plus assumer ni leurs dettes, ni leur déficit budgétaire. Alors que reste-t-il comme solution ? L’aide de l’UE et du Fond Monétaire International. La troïka, avec la BCE, impose les contraintes avant d’avancer les fonds. Ces contraintes d’austérité sont si fortes que les pays plongent dans la récession comme la Grèce, l’Espagne et l’Italie. L’Irlande a négocié le droit de garder un taux faible de fiscalisation des sociétés tout en bénéficiant de l’aide de l’UE. Elle semble surnager. L’Islande a emprisonné ses banquiers et le peuple a refusé de rembourser les dettes… ça marche depuis !
Mais Chypre arrive après les autres, le carcan s’est resserré de plus en plus sur les pays en difficulté et comble de malchance, les allemands en ont assez de payer pour toutes ces cigales. Angela Merkel se prépare à des élections difficiles en septembre et ne peut plus rien lâcher… Chypre n’aura pas plus que les 10 milliards sur les 16 demandés. Nein ! Prenez l’argent où il est encore… dans les comptes en banques des particuliers et des sociétés. Le peuple montre désormais que les échafaudages des dirigeants ne valent que par sa passivité, passivité que l’on entretient sans arrêt par des discours lénifiants, mensongers et auréolant toujours l’avenir pour masquer la cruauté du présent. Par l’unanimité de leur Parlement, les chypriotes ont dit aussi Nein !
Prise entre l’UE et la Russie, Chypre est à vendre comme la Grèce. Cette « lessiveuse d’argent sale » et cette place financière de transit de fonds survivra, morte vivante, car trop d’intérêts financiers y sont impliqués. Son patrimoine sera dépecé et le peuple maintenu juste la tête hors de l’eau pour se taire. L’Europe affronte la Russie, l’Allemagne, tributaire du gaz russe, a marqué un mauvais point. Mais l’Europe, n’étant que la juxtaposition d’intérêts particuliers dans un costume trop étroit et mal taillé, vient de créer son premier laboratoire de dépeçage et de sortie de l’eurozone, voire de l’UE.
L’Europe vient de se mettre plus bas que terre, à deux doigts de déclencher un cataclysme par effet domino. Le problème de Chypre n’est toujours pas solutionné et ce sont des années d’austérité qui se profilent. Il a toutefois mis en lumière le rejet de Bruxelles qui s’est déjà exprimé dans les urnes en Italie. Ce dernier pays est dans une impasse politique et dans la récession. La BCE sort de ses statuts et avance qu’elle mettra les liquidités nécessaires pour soutenir l’économie chypriote. Ce n’est qu’un palliatif et une entorse aux traités qui en dit long mais qui ne pourra être réitéré pour la Grèce, l’Espagne ou l’Italie.
Avec des méchants, des victimes et des cadavres, nous avons tous les ingrédients d’un grand thriller à l’européenne ! Des politiciens incompétents et maladroits essaient de « réparer » leurs erreurs en commettant encore plus de crimes. Les européens viennent de découvrir que l’on peut prendre leur argent sans leur consentement. Ils ont désormais le sentiment qu’une bande d’eurocrates non-élus ne reculeront devant rien pour sauver leur sacro-saint euro — dussent-ils anéantir les derniers vestiges de la démocratie sur le Vieux Continent et saigner financièrement chacun d’eux à blanc.
Mais déjà si on leur avait demandé leur avis en 2008, Chypre, paradis fiscal et sans ressource autre que le tourisme « low cost », serait-elle dans l’UE ? Alors il nous faut méditer, dans le bruit des craquements d’une Europe qui se sépare en nord et sud et se délite, cette petite phrase :
"Les gouvernements ne mettent pas la clé sous la porte.
Ils font tout ce qu’ils ont à faire pour garder la lumière allumée
Et maintenir le flot de pots-de-vin".
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon