Après une semaine folle de rebondissements sur l’affaire Dexia, les gouvernements belge et français se sont mis d’accord sur son démantèlement. Quand on parle du gouvernement belge c’est d’ailleurs une bonne raison de se voiler la face sur cet exemple de l’Europe dans laquelle l’euro ne réussit même pas à réunir deux provinces.
Cet accord franco-belge, qui n’est pas entièrement finalisé, a néanmoins montré que le plus petit pays, sans gouvernement et donc affaibli, a dû céder au plus fort. La stratégie unilatérale de la France était de payer le moins possible avec l’objectif primordial de sauver sa note AAA auprès des agences de notation. La meilleure solidarité commençait donc par soi-même, ceci augure bien de l’esprit qui va régner dans les discussions prochaines sur le FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière).
En effet la petite Belgique, dont la dette/PIB frôle les 100% et dont le PIB est 5,3 fois inférieur à celui de la France, va devoir débourser 4 milliards d’euros pour prendre le contrôle à 100% de Dexia banque belge, après avoir déjà injecté 3 milliards. Cela fait 7 milliards au total pour une évaluation des actifs (déjà mis en cause par les marchés) de Dexia entre 3 et 7 milliards ! Il faut encore que l’état belge règle l’apport des provinces (Wallonne, Flamande et Bruxelles) qui sont actionnaires à 5,7%.
Il reste à créer une future « Bad Bank » qui récupèrera les actifs les plus à risque, c’est-à-dire ceux que l’on devra ranger un jour partiellement ou totalement dans les pertes et profits sur un plan comptable. Cela représente 90 milliards qu’il faut garantir, c’est-à-dire à payer en cas de non-remboursement. La Belgique et la France s’y sont engagées à hauteurs respectives de 36,5% et 60,5%, le reste étant pris par le Luxembourg pour 3%. Cela n’influe en rien la dette publique française selon Valérie Pécresse, sauf que cela se traduira forcément par un accroissement de la dette au moment où il faudra réellement payer. Elle ne sera vraisemblablement plus ministre du budget à ce moment là. Demain on rase toujours gratis !
Mais les garanties doivent être elle-même garanties par des primes de risque et c’est déjà 450 millions d’euros qu’il faut payer immédiatement dont 270 pour la Belgique. Pour garantir les prêts des collectivités locales françaises la France s’est engagée à reprendre la Dexia Municipal Agency dans un pôle de financement des collectivités réparti entre la Caisse des Dépôts et Consignations et la Banque Postale. Cependant cette dernière Dexia a aussi un certain nombre d’actifs à risque d’où des discussions à venir pour les garantir et où l’Etat va devoir intervenir.
Mais faisons les comptes pour la Belgique. Elle s’engage sur une dépense immédiate de 4,27 milliards d’euros soit 1,4% de son PIB annuel ce qui correspond à 21 milliards pour la France. Par ailleurs elle s’engage sur près de 33 milliards en fonds de garantie, à fonds perdus pour une bonne part, soit 11% de son PIB pour l’avenir contre seulement 3,5% d’engagement de la France. La France s’endette elle immédiatement de 180 millions (O,011% du PIB) mais peut-être un peu plus avec l'aide à la création d'un pôle de financement des collectivités purement français.
Il est clair que la France s’en tire bien et ce n’est pas par hasard que la note AAA de la France a été confirmée ce lundi en même temps que celle de la Belgique était abaissée à AA+ ! Si l’on peut se réjouir d’avoir fort bien tiré notre épingle du jeu, cette victoire a aussi un goût amer. La solidarité européenne, en cas d’urgence, ne dépasse pas nos frontières. L’Europe solidaire l’est lorsque l’on parle de relancer l’économie avec de l’argent virtuel mais elle s’éteint lorsque nos finances sont menacées. Une Europe fédérale résoudrait sans doute ce problème comme nous résolvons les disparités entre provinces mais la disparition des nations, en particulier allemande, n’est pas pour demain.
Même un gouvernement économique de l’Europe ne serait qu’une solution à court terme, il ne perdurerait que si l’Europe fédérale ou confédérale avec un véritable gouvernement politique existait rapidement. L’économie ne peut marcher sans cela, il lui faut des directions qui ne puissent être remises en cause par tel ou tel pays pour de bonnes ou de mauvaises raisons, mais c’est la disparition des nations en tant que telles, aucun pays n'y est prêt.
De plus en plus d’électeurs comprennent que le pragmatisme est dans une Europe des peuples. Les décisions y seraient prises lorsque chacun des pays y trouve son compte. C’est ainsi que, sur nos marchés normands, la tractation paysanne sur le bétail peut faire deux gagnants, le vendeur et l’acquéreur. Ils discutent avec acharnement mais concluent en se frappant dans les mains avec le sourire. De plus les regroupements de pays peuvent alors être variables suivant les sujets abordés. La convergence socio-économique peut être un but mais chacun y va à son rythme et non à marches forcées. Enfin et c’est le plus fondamental, chacun paye ses erreurs.
La souplesse d’une monnaie commune et non unique, ou bien une zone euro rétrécie aux pays dont le niveau de vie, l’économie, les finances et les structures industrielles et bancaires sont proches, est de nature à faciliter la naissance d’un continent multiforme, performant et en perpétuelle évolution de rapprochement des peuples. Les moins bien placés auront à cœur de rattraper les autres sans compter à priori sur leur aide, comme ce fut le cas de la Grèce et de l’Irlande. Ils pourront alors entre autres jouer sur leur monnaie, comme l’a fait la Russie en 1998 et comme le font les Etats-Unis et la Chine.
L’Europe est bâtie sur un idéalisme ravageur,
Une hypocrisie dévastatrice.
Il serait bon d’appeler enfin un chat… un chat
Et que chacun règle ses problèmes
afin de pouvoir aider ensuite à régler ceux des autres !
Claude Trouvé