Si l’on devait retenir qu’une
chose des joutes des primaires socialistes, ce serait la dé-mondialisation d’Arnaud
Montebourg et surtout l’évocation du protectionnisme. Le temps n’est pas si
lointain où ce dogme était si intouchable que toute évocation sur une restriction
du libre-échangisme plaçait son auteur dans le camp des derniers de la classe.
On commence à réaliser que l’ouverture
de nos frontières à tous les produits a conduit notre industrie française à
disparaître progressivement. Elle ne représente plus que 13% de notre PIB. Les
faillites et les délocalisations en ont eu raison. Les échanges au sein des
pays de l’Organisation Mondiale du Commerce sont de plus en plus déséquilibrés.
A la remorque de l’Allemagne, qui nous a fait accepter l’euromark, pour
bénéficier de ses taux préférentiels d’emprunt, nous avons subi le déséquilibre
de notre commerce extérieur, à son profit essentiellement.
L’Europe, dans son ensemble, a
pâti du libre-échangisme, comme l’a noté le FMI, au profit des pays émergents. Mais
la croyance qu’étant dans un monde ouvert nous devons accepter de survivre par
la concurrence sur les produits fabriqués, est encore vive. Les Etats-Unis, la
Chine, entre autres, n’ont pas cette peur car, sur les produits stratégiques ou
menaçant leur tissu industriel, ils ont pris des mesures protectionnistes.
Cet appauvrissement général de l’Europe
se traduit par une prolétarisation des classes moyennes. Les gagnants sont évidemment
les grands groupes industriels qui délocalisent ou s’implantent partout dans le
monde où les coûts salariaux, environnementaux et d’accueil sont les plus
favorables. Ils exercent une forte pression pour maintenir le libre-échangisme
mondial. Les pays européens comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie plus enclins à
un certain protectionnisme ont peur de mécontenter les chinois. Le dogme,
affirmé par nos élites politiques françaises, maintient de même l’électorat français
dans la peur du repli sur soi-même comme si le protectionnisme signifiait une
économie en autarcie.
Pourtant des pays d’Amérique
Latine et d’Asie pratiquent de plus en plus une certaine forme de
protectionnisme. En effet le protectionnisme peut être utilisé avec ciblage et
intelligence en protégeant des secteurs industriels où notre qualité et notre
créativité peuvent compenser des prix de revient plus élevés. On peut même
penser que l’achat de produits, qui ne sont pas de première nécessité, ne
nécessite pas de préférer le « made in Taiwan » à ceux « made in
France » sous prétexte qu’ils sont moins chers.
Car c’est de l’emploi qu’il s’agit
en fin de compte et le renchérissement de certains produits serait vite
compensé par la remise en œuvre de certaines de nos industries. Le
protectionnisme est une variable d’ajustement et, sur les produits stratégiques,
une protection de notre pays. La notion d’indépendance ou de moindre dépendance
d’un pays vis-à-vis des ressources naturelles est fondamentale. C’est ce que la
France a fait avec le nucléaire et un approvisionnement en uranium largement
réparti sur toute la surface du globe. Il en est de même des produits fabriqués.
Ne pas pouvoir produire soi-même c’est se voir imposer les prix voulus par les
autres.
Le libre-échangisme nous a dépouillés
de la plus grande part de nos industries. C’est un véritable choix de société
qui s’impose à nous. Voulons-nous une société structurée autour de la finance,
du tourisme et des services à la personne ? Voulons-nous une société
essentiellement importatrice avec des emplois sous-payés par rapport aux emplois
industriels ?
Le protectionnisme est un outil
qui doit être manié avec doigté mais il est de fait que l’Europe est le marché
le moins protégé et donc en appauvrissement constant. Il est salutaire que des
discussions de fond soient entreprises par tous les partis. Le MPF a depuis
longtemps donné sa position et le présent lui donne raison de plus en plus.
Le protectionnisme n’est pas la fermeture étanche des frontières
C’est une condition de notre survie industrielle
C’est la protection de nos emplois
Et de notre indépendance.
Claude Trouvé