lundi 24 octobre 2011

Gouvernance économique de l’Europe ou Empire germanique ?

L’Europe est à un tournant. L’Allemagne mène la danse sous les encouragements des USA. L’ensemble est influencé par les grandes fortunes et les lobbies d’Europe et d’Outre-Atlantique. C’est pas à pas vers une gouvernance économique que se dirige l’Europe. L’état d’endettement de pays majeurs du sud de l’union est une occasion pour l’Allemagne de faire un nouveau pas vers une gouvernance renforcée au moins de la zone euro. Cela fait partie de la vision géopolitique de l’Allemagne qui tient enfin une occasion de réaliser sa prédominance sur l’Europe.

« Progressivement, l'Allemagne impose aux pays européens ce qu'elle veut. Elle est la maîtresse du jeu européen. Elle le joue très habilement, toujours en se référant aux États-Unis. Les Américains ne se rendent pas compte qu'ils sont considérés par les Allemands un peu comme des cow-boys. Mais ce sont des cow-boys utiles parce qu'ils imposent de faire baisser pavillon à la France. » (Général Pierre Marie Gallois »

Le rôle fédérateur de sa langue l’y aide. De l’Irlande à la Suède les langues nordiques ont des racines germaniques. L’Allemagne a depuis longtemps nourri une vielle rivalité avec la France même avant le traité de Westphalie de 1644 qui disait :
 
« L'Europe devient un ensemble d'Etats, disposant de frontières précises et reconnues par les autres, et sur lesquels le prince ou le monarque exerce sa pleine et entière souveraineté. Parmi les caractéristiques de ces Etats modernes, citons la constitution d'armées permanentes (pour remédier aux insuffisances et des méfaits du système de mercenariat), ou l'expression par les élites du fait national. La langue apparaît comme un facteur d'unité. »

L’Allemagne a, à juste raison, une haute idée d’elle-même et de ses qualités. Elle a très vite fait sa repentance de l’histoire hitlérienne alors que nous ressassons encore les relents de notre propre histoire de colonialisme et de toutes nos actions militaires dans le monde. L’Allemagne a fini de se fustiger, elle sait qu’elle est au centre de l’Europe et qu’elle a retrouvé sa puissance économique. Seule la France, avec son rayonnement universel, sa présence partout dans le monde avec les restes du colonialisme, sa langue qui se perpétue au Canada et en Afrique, ses armes nucléaires et son armée peut contester son hégémonie.

Après avoir échoué à l’issue des deux guerres mondiales, l’Allemagne revient sur ses idées de conquête de l’Europe, pacifiquement et intelligemment cette fois. Nous, nous reculons sans cesse depuis l’accord De Gaulle-Adenauer, accord sur la constitution d’une Europe sans les Etats-Unis où, par l’ajout d’un préambule sur le traité, Adenauer a rendu cette clause inopérante. Nous voulions l’écu et le serpent monétaire, nous avons eu l’euro et la monnaie unique. Nous voulions conserver une Yougoslavie unie, nous avons eu sa dislocation en violation de la Constitution yougoslave qui prévoyait une consultation de son peuple. Huit jours après Maastricht, l’Allemagne imposait à ses partenaires l’indépendance de la Slovénie et de la Croatie. Nous ne voulions pas de la BCE à Francfort où la régulation économique se joue, nous avons eu le parlement à Strasbourg sans réel pouvoir sur les grandes décisions.

Tous nos dirigeants français depuis De Gaulle ont fini par devoir admettre les vues allemandes. Mitterrand fut le jouet d’Helmut Kohl qui voulait « une Europe fédérale des régions ». Sarkozy a plié à Lisbonne en perdant des voix au profit de l’Allemagne pour les votes de l’UE.  Celle-ci a toujours le projet de réaliser la dislocation des États-Nations au profit de régions conformément à son propre fonctionnement qu’elle ne fait qu’étendre. L’unité de langue lui ouvre l’Europe du Nord, sa puissance économique lui permet de s’imposer sur l’Europe du Sud.

C’est la chancelière qui tance Berlusconi sur sa politique économique et c’est la France qui se fait le porte-parole de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie et de la Grèce. Nous sommes dans une rivalité nord-sud mais nous reculons. L’Allemagne joue à fond sur sa puissance économique et, vu la situation de la dette des pays du sud, elle va nous placer devant un marché : ou elle quitte l’euro, perspective qui remplit d’effroi nos dirigeants comme l’a implicitement avoué hier Xavier Bertrand, ou nous acceptons une gouvernance économique forte.

La force économique est de l'autre côté du Rhin, ils savent où ils vont et nous allons plier en persuadant le peuple français que l’abandon du pouvoir de gérer nos finances est la meilleure solution ! Nous avons déjà plié pour le rôle de la BCE et nous allons plier pour le fonctionnement du FESF. Nous allons aussi plier pour une rigueur immédiate et drastique qui va miner encore plus notre croissance. Nous allons nous coucher par peur du lendemain dans le cauchemar du AAA.

La solution allemande n'est pourtant pas forcément la meilleure pour nous, c'est d'ailleurs le problème de fond de la zone euro. Ce qui est certain c'est que la France perdra de son rayonnement et de ce qui fait sa grandeur… le pouvoir de gérer son destin, car qui tient les finances tient le pays.  Elle peut pourtant, sans fanfaronnade, jouer un grand rôle. Elle reste une puissance écoutée et peut fédérer l’Europe du Sud, partie importante de l’Europe ouverte sur la Méditerranée et l'Océan. Malheureusement je crains fort que nos dirigeants se soient endormis en parodiant Florian…

« Pour vivre heureux, vivons c(ou)chés ! »

Mais qu'est-ce qu'un Empire ?

C'est la juxtaposition d'États différents sous une même autorité.


Claude Trouvé