Il nous faut toujours chercher les raisons d’un conflit, en particulier armé, au-delà des discours officiels qui sont ceux qui cachent les actions de stratégie nationale derrière de fausses raisons mais qui mobilisent les peuples. La guerre en Libye en fait partie.
Nous sommes engagés dans un conflit, qui ressemble de plus en plus à une guerre civile, au nom de sentiments nobles touchant à l’établissement de la démocratie dans un pays en proie à la dictature. Comment ne pas en être fiers nous le bon peuple qui nous réjouissons des explosions de joie d’une partie du peuple libyen ? Comment ne pas saluer notre chef de guerre allant cueillir ses lauriers à Tripoli en même temps que Total faisait de nouveau couler le pétrole ?
Et pourtant la réalité géopolitique est toute autre. La guerre de l’OTAN contre la Libye est dirigée contre la Chine et les raisons démocratiques sont un alibi commode et efficace pour justifier celle-ci.
Dans un rapport publié pour le Congrès par le Pentagone en août, on lit : « Depuis la dernière décennie, l’armée chinoise a bénéficié d’investissements robustes en terme de matériel moderne et de technologie. Bon nombre de systèmes modernes ont atteint un bon niveau de maturité et d’autres seront opérationnels dans quelques années ». Il ajoute : « il y a une certaine incertitude sur la façon dont la Chine va utiliser ses capacités croissantes… La Chine comme acteur majeur international peut très bien se dresser comme une composante stratégique de ce début de XXIème siècle ».
La Chine devient bien trop indépendante et trop puissante pour beaucoup à Washington et à Wall Street. La Chine est pour les Etats-Unis le pays qui peut contester son hégémonie et menacer ses ressources énergétiques par l’appétit grandissant que lui impose sa croissance économique. Ses importations de pétrole ont été identifiées comme étant son talon d’Achille. L’affaire Libyenne est un coup monté directement pour l’atteindre.
La Chine a commencé une diplomatie conquérante en Afrique et depuis 2006 elle a littéralement déroulé le tapis rouge pour les chefs d’état de plus de quarante pays africains pour le développement de relations commerciales. Elle s’est intéressée particulièrement aux pays abandonnés par les anciennes puissances coloniales comme la France, le Royaume-Uni et le Portugal. Elle a construit une raffinerie au Tchad exploitant un champ pétrolifère. Elle a un projet pétrolier dans le Darfour au Soudan. Un immense champ pétrolier allant du Darfour jusqu’au Cameroun en passant par le Tchad pourrait faire de cette région une nouvelle Arabie Saoudite.
Contrôler le sud-Soudan, ainsi que le Tchad et le Cameroun est vital pour la stratégie du pentagone pour contester à la Chine ses futurs approvisionnements en pétrole. Tant qu’un régime fort et robuste demeurait en place à Tripoli, le contrôle de cette région n’était pas envisageable. Il fallait séparer la région pétrolifère du Soudan, ce qui fut fait, et renverser Kadhafi en faveur de rebelles faibles et dépendants du support du pentagone. La représentante des Etats-Unis, Susan Rice, est d’ailleurs à Tripoli aujourd’hui comme pour la célébration de l’indépendance au sud-Soudan… pas seulement pour saluer la démocratie !
L’attaque de la Libye ainsi que les changements plus discrets de régimes en Tunisie, en Egypte ou le fameux référendum sur le Soudan du Sud, qui en fait une région pétrolifère indépendante, sont l’œuvre de l’AFRICOM. Ce commandement spécial de l’armée américaine a été établi par le gouvernement Bush en 2008 pour contrer spécifiquement l’influence chinoise sur les réserves de pétrole et de matières premières en Afrique.
Il est particulièrement instructif de se souvenir de la séquence des révolutions « Twitter » téléguidées depuis Washington dans le mouvement du printemps arabe. Le premier domino fut d’abord la Tunisie, à la frontière ouest de la Libye, puis vint le tour de l’Egypte de Moubarak qui avait résisté à la politique moyen-orientale de Washington et enfin le Sud-Soudan avec la déclaration d’indépendance… curieux non ?
Le but du changement de régime en Libye, supporté par les Etats-Unis, ainsi que de tout le projet pour le Moyen-Orient qui repose derrière le printemps arabe, est de pouvoir contrôler à termes les champs pétroliers les plus importants connus à ce jour et ainsi de contrôler la politique future, surtout dans des pays comme la Chine.
En 1970 Henri Kissinger a déclaré :
« Qui contrôle le pétrole, contrôle les nations »
Qui peut encore en douter ?
Claude Trouvé