La crise s’étend par répercussion sur l’ensemble de la planète. La Chine va ralentir car elle a basé son développement sur l’exportation. Nombre d’industries américaines et européennes se sont délocalisées dans ce pays, elles vont donc subir un ralentissement de leurs productions… entre autres vers leur pays d’origine. On nous explique que la crise nous touche parce que tout est interconnecté en oubliant de dire que nous en avons décidé ainsi. On ne peut se plaindre que la douche est froide quand on a coupé l’eau chaude !
Dans ce contexte de mondialisation des problèmes, la zone euro s’en tire plus mal que les autres. Elle s’épuise à panser les plaies des pays qui sont en difficulté après avoir permis à l’Allemagne de payer sa réunification. Les évènements se précipitent et on demande désormais aux états de sauver les banques auprès desquels les états devaient emprunter. La situation devient ingérable, les caisses sont vides et il faut envisager le défaut de la Grèce et le paiement des aides que va demander le Portugal, l’Espagne et l’Irlande dans les mois qui viennent. On n’ose même pas parler de l’Italie et de ses banques sous la menace désormais permanente des agences de notation.
C'est un état de fait, que malgré ses dénégations permanentes, l’état français avait envisagé. et qui peut conduire à l’émergence d’une nouvelle stratégie préparée de longue date. En effet l’Allemagne qui régnait en potentat sur l’Europe, avec un euro plus mark qu’euro et une stratégie socio-économique basée sur l’exportation en majorité en Europe, commence à affronter de plein fouet l’arrivée de la récession. Son principal client étant la France, elle va se trouver dans une position beaucoup moins hégémonique.
Le couple franco-allemand, et l’Allemagne en particulier, supporte l’essentiel des aides apportées aux pays en difficulté, il a de ce fait un pouvoir qui va très au-delà de ses droits de vote des décisions de la zone. Par ailleurs la France détient des positions géostratégiques très supérieures à l’Allemagne, en particulier grâce à sa position géographique, à sa langue, à ses implantations sur presque tous les continents et à toute son histoire coloniale. De plus en matière de défense elle est la seule à disposer de l’arme nucléaire dans la zone euro.
Il y a donc beaucoup de complémentarité entre les deux pays. Les deux peuples ont par ailleurs le sentiment que la solidarité européenne devient difficile à supporter même si, du côté français surtout, les gouvernements s’en défendent. Ces derniers ont certainement bien compris que la zone euro ne va plus pouvoir supporter les pays en grande difficulté. En se recentrant sur l’axe fort franco-allemand on peut sans doute redonner du poids à l’euro et voir s’y agglutiner d'autres petits pays bien gérés. Sans le dire on irait vers une zone euro à plusieurs vitesses, abandonnant finalement les pays en difficulté à leur triste sort.
Autrement dit il faut, sans l'avouer expressément, couper les membres malades. Les conditions de survie, que le couple franco-allemand imposera à ceux-ci, les obligeront à trouver eux-mêmes la solution à leurs difficultés, dans ou hors de la zone euro. C’est évidemment faire preuve d’une belle hypocrisie et d’un manque de compassion mais ce peut être la moins mauvaise solution pour en revenir à une Europe qui aurait dû se construire ainsi.
Depuis un certain temps, la France fait les beaux yeux à l’Allemagne et il ne se passe pas de mois sans que l’on cherche à persuader les français qu’il faut la copier. Le dernier ballon d’essai de François Fillon sur la retraite à 67 ans fait partie de cette stratégie. Politiquement elle a l’avantage de ne pas se déjuger sur l’euro et de permettre aux pays de choisir leur destinée. Il n’est pas sûr que, lorsque les PIIGS vont avoir besoin de la solidarité, cette stratégie politique ne provoque pas brusquement une véritable cassure de l’Europe. Il conviendrait donc d’avancer prudemment.
Il faut bien convenir que ce plan B est la remise en cause du fonctionnement de l’Europe et de la monnaie unique, même si elle garde son nom. L’Europe est à rebâtir. Jean Monnet, Jacques Delors, François Mitterrand, Helmut Kohl, Nicolas Sarkozy nous ont créé un enfant mort-né mais la nécessité du rapprochement des peuples européens reste. L’Europe ne sortira pas de cette crise sans se remettre en cause sur ses fondements institutionnels. Cette dernière est finalement salutaire et on ne peut que souhaiter qu’elle s’aggrave désormais très vite jusqu’à la rupture.
Les peuples souffriront dans cette mutation nécessaire, les plus démunis surtout, mais ceci est préférable, même pour eux, à une mort lente et programmée. La France en souffrance a toujours su réagir. Elle est le peuple qui a encore l’un des meilleurs atouts pour compter dans le monde. Il lui suffit de retrouver des dirigeants compétents qui croient en elle plus qu’à leur carrière, à leur pouvoir et à leur argent… ce n’est pas encore gagné ! La « Guer i ni » pas finie, ils sont encore en train de se « Karachi » les uns sur les autres.
Dans cette Europe en glissade mortelle,
ne jetons pas l’enfant avec l’eau du bain.
Jetons l’eau, elle est croupie !
Claude Trouvé