Certains vont penser que
je suis assez culotté de défendre cette limitation après avoir fait deux stages
pour rattraper des points et payé régulièrement des amendes pour dépassement de
la vitesse limite. Je transgresse et je suis puni, normal. Je n’arguerai même
pas sur le fait que mes excès de vitesse se situent presque tous à 102 km/h pour
90 en agglomération urbaine de grandes villes où l’on passe de nombreuses fois
d’une vitesse limite à une autre et soumis à une attention particulière sur le
trafic et non sur le compteur. Je suis même assez en colère sur ces limitations
de vitesse idiotes, comme le contournement autoroutier de Montpellier à 2h du
matin avec une limitation à 110 km/h alors que le vrai danger qui menace le
conducteur est l’endormissement. Plus vite on est arrivé, moins ce risque est
grand et le passage de 130 km/h à 110 km/h, voire moins, ne se justifie que
dans les heures de trafic dense. A l’heure de la voiture électrique autonome,
on peut s’étonner qu’un système automatique de comptage du trafic régulant une
signalisation intelligente de la vitesse limite autorisée ne soit pas une
priorité sur nos autoroutes. On optimiserait la vitesse d’écoulement du trafic
et celui du nombre d’accidents.
Bon
je sais qu’il est plus facile d’imposer arbitrairement une vitesse limite et de
faire fonctionner des radars automatiques, car en plus
cela peut rapporter gros. La vitesse sur les autoroutes allemandes n’est pas
limitée… sauf quand elle l’est. Sur celles-ci les zones dangereuses, les
travaux imposent des limites de vitesse, et même l’automobiliste français s’y conforme
de bonne grâce pour sa sécurité car il sait qu’après, il va retrouver le plaisir
de la vitesse et du raccourcissement de la durée du trajet. Si l’on va au-delà
de l’inadaptation du conducteur et de son véhicule, une vitesse n’est vraiment
dangereuse que par son inadaptation au trafic, aux infrastructures routières,
aux intempéries, et à la visibilité. Sur ce dernier point les revêtements routiers
sont trop souvent inadaptés à une conduite sous la pluie par un manque d’absorption
du brouillard d’eau rendant la visibilité très mauvaise même à vitesse réduite.
D’une façon générale l’Etat est prompt à chercher la responsabilité du
conducteur et de son véhicule, mais bien moins à leur donner les meilleures
conditions de sécurité dans leurs déplacements.
La
responsabilité de l’État devrait être de réaliser les meilleures conditions de
circulation sur les autoroutes, et le réseau secondaire à fort trafic, en y introduisant
une adaptation des vitesses limites à ces conditions extérieures par les
investissements nécessaires, vu le volume de trafic qui les emprunte. Cette responsabilité
est entièrement déportée sur les collectivités territoriales pour le reste du
réseau secondaire. La dangerosité au km parcouru y est plus importante que sur
les autoroutes. Ce qui, s’il fallait encore le démontrer, met le doigt sur la
responsabilité des infrastructures puisque la vitesse y est limitée à 90 km/h.
Cela me fait penser à une course sur des petites routes sinueuses du Massif central
où un jeune conducteur n’a pas supporté que je le dépasse. Me collant dangereusement
« aux fesses », comme l’on dit vulgairement, j’ai dû beaucoup accélérer
pour prendre mes distances. Les virages pris à 90 km/h méritaient presque tous
une limitation à 50 km/h. Même si mon expérience et ma voiture me le permettaient,
il s’agissait néanmoins d’une conduite dangereuse. Tout ceci pour dire qu’une limitation
de vitesse doit être adaptée au parcours routier et au trafic.
L’uniformisation d’une vitesse limite n’a
pas de sens en soi, que ce soit le 130 km/h des autoroutes, le 110 km/h sur des
4 voies ou le 90 km/h du réseau secondaire. C’est pourtant ce à quoi nous
destine la nouvelle limitation à 80 km/h sur celui-ci. Édouard Philippe nous a
annoncé que cette limitation à titre expérimental avait démontré que les routes
testées étaient moins accidentogènes. C’est pourquoi je vous fais lire le communiqué
de l’Observatoire national sur la sécurité routière sur son expérimentation
de cette vitesse : « Ces
observations ont été réalisées au moyen de plusieurs campagnes d’observation
successives sur une période de deux années. L’analyse des résultats des mesures
des vitesses observées montre que la baisse de la vitesse limite autorisée de
90 km/h à 80 km/h a engendré une baisse moyenne des vitesses pratiquées pour
tous les véhicules de 4,7 km/h. Cette baisse, sur tous les tronçons,
concerne tous les usagers. Aussi, un suivi de l'accidentalité sur les tronçons
de l'expérimentation a été réalisé par l'ONISR. Le bilan affiche une tendance
positive, mais les nombres d’accidents considérés étant peu élevés, la
baisse de l'accidentalité observée n’est pas statistiquement significative. »
Premier
constat : si l’on baisse la vitesse de 10 km/h, la vitesse moyenne n’est
abaissée que d’à peine 5 km/h. Ça promet pour les PV ! Deuxième constat :
l’expérimentation ne peut rien prouver, le nombre d’accidents étant trop faible
pour en déduire quoi que ce soit. Autrement dit on ne peut même pas espérer une
diminution significative des accidents. Alors on en revient au bon sens, la
vitesse d’un véhicule rend l’impact lors d’un accident d’autant plus fort que
la vitesse est grande, ce n’est que de la physique, donc l’accident pas
forcément plus probable mais certainement plus dangereux. De combien ? C’est
toute une autre histoire. Il y a un facteur important chez le conducteur, c’est
la vigilance. Or celle-ci diminue lorsque la vitesse décroît, et à l’arrêt on
ne fait plus attention à rien. C’est pourquoi ce sont les lignes droites qui
sont les plus accidentogènes, comme on me l’a appris dans un stage de
récupération de points.
Vous
allez me dire mais alors pourquoi voulez-vous réduire la vitesse à 80 km/h ?
Les
voitures modernes ont un pouvoir de compression qui augmente la sécurité des
passagers. On peut donc penser que la vitesse de 80 km/h permet de mieux garantir
cette protection pour les occupants du véhicule accidenté. Quelle est la
vitesse des tests faits sur la déformation par les constructeurs d’automobile ?
Elle n’est pas publiée et devrait donc être obligatoire, car la probabilité d’accident
est de moindre importance que la probabilité de mort ou de blessure. On reste
sur sa faim, la bonne raison ne se trouve donc pas là, mais où ? Serait-ce
pour dégoûter l’automobiliste et le diriger vers un autre mode de transport ?
Le vélo, même électrique ne résout pas le problème, et le réseau secondaire
SNCF est en voie d’extinction. Alors où ? Après mûre réflexion je crois avoir
trouvé.
Vous
avez constaté comme moi, que mis à part des autoroutes mais on paye pour ça, la
qualité du réseau secondaire est globalement en constante dégradation, sans
parler des villes où les trous, les dos d’âne vous font sauter au plafond sans
aucun respect des normes imposées, les ronds-points sont mal signalés de nuit
et difficiles à contourner. La politique d’austérité budgétaire, que l’État se
garde d’appliquer significativement à son administration centrale, va atteindre
durement l’administration territoriale et locale. En dehors des aspects
sociaux, les dépenses d’infrastructures représentent l’un des budgets les plus
importants. Si la construction de nouvelles infrastructures est valorisante
pour les prochaines élections, l’entretien du réseau routier l’est moins. C’est
donc sur lui que vont porter les réductions budgétaires. Les routes se
dégraderont donc un peu plus et deviendront de plus en plus accidentogènes. Il
est donc du devoir de l’État de commencer à réduire la vitesse des véhicules puisqu’il
sait que l’état des routes est un facteur important lié aux accidents. Ceci
explique donc pourquoi un Etat peut aussi décider d’augmenter la vitesse si l’état
des routes le permet.
Saluons donc la
prévoyance de notre État qui prévoit la détérioration du réseau routier à
défaut de sauver 400 vies par an. Une vraie politique d’austérité ne signifie
nullement de ne pas la mener à bien. Dans ce siècle où tout va trop vite et
empêche même de réfléchir, il faut saluer cette mesure qui va nous permettre de
le faire tout en conduisant. Mes 14 heures de route pour traverser la France vont
me permettre de les allonger de 1 heure 3/4 de plus, d’économiser du gasoil et me
forcer à choisir une nuit d’hôtel avec repas, ce qui est tout aussi bien que de
payer des péages. Mon trajet de finalement 23h30 me fera penser à ce voyage projeté
à Tahiti tout en restant au pays. Merci Philippe !
Désolé pour ceux qui sont contre les 80
km/h partout.
Moi je vois que la France fait briller
sa souveraineté
Et la fête du Travail mérite bien de
chanter
Les louanges d’un pays raisonnable.
Vive la France et bonne fête !
Claude Trouvé
01/05/18
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