lundi 30 avril 2018

Les USA poussent la France dans le piège syrien


Décidément la France se prend de plus en plus pour la gendarmette du Monde. Le bourbier Malien ne lui suffit plus. Pourtant les raisons qui l’on poussée à intervenir n’ont toujours pas trouvé de solution. Les factions islamistes y opèrent toujours et leur présence dans la région de Gao se manifeste régulièrement. L’opération Barkhane a succédé à l’opération Serval terminée en juillet 2014 dans le cadre d’un accord du G5 de Sahel : Mauritanie, Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad. C’est de l’ordre de 3000 à 4500 hommes réparties sur 4 bases principales que la France maintient dans cette zone méridionale du Sahel face aux groupes terroristes islamiques.   13 militaires français y ont déjà perdu la vie. Le but affiché est la lutte contre les différents groupes terroristes et leur diffusion sur toute l’Afrique. En réalité la France joue seule, avec les casques bleus de la Minusma, cette partition parce qu’elle a des intérêts économiques dans cette région. Selon le Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP), une opinion répandue au Niger, au Mali, ou Burkina Faso est que la France masque ses véritables objectifs dans le Sahel ; de nombreux habitants accusant même Paris d'avoir volontairement déstabilisé le Sahel en renversant en Libye le colonel Kadhafi, par ailleurs populaire dans cette région : « Selon nombre de Nigériens, la France ne penserait qu’à ses propres intérêts, au détriment de la souveraineté du pays et sans recherche de réciprocité. Son intervention militaire au Sahel ne répondrait pas aux causes profondes de la déstabilisation de la région et contribuerait à la maintenir dans le sous-développement. En outre, Français et Américains mentiraient sur les raisons de leur présence, allant jusqu’à entretenir une violence servant leurs intérêts. »

Cette association des français et des Américains dans ces propos est révélateur de notre attitude d’ingérence commune, devenue systématique. Ceci est d’autant plus grave de notre part que le passé colonial de la France et le souvenir de la « françafrique » y ont également laissé des traces. Evidemment la présence française assure une certaine sécurité et une meilleure prise en compte de la santé mais l’opération militaire entraîne de nombreuses arrestations brutales et l’aspect envahisseur se fait sentir. Au Mali où la présence française est la plus forte dans ces opérations militaires, on sent une montée progressive d’une insatisfaction contre un pays « étranger ». Comme cela s’est passé pour les harkis en Algérie, pour les interprètes et tous les « collabos » en Afghanistan, ces gens sont l’objet de menaces de mort. Mais ces opérations purement militaires négligent d’apporter des solutions aux causes du pouvoir d’infiltration du terrorisme dans les populations. En 2017, Corinne Dufka, directrice adjointe pour le programme Afrique de Human Rights Watch, estime que « Paris, comme les puissances régionales prêtent beaucoup trop d'attention à l'aspect militaire de la lutte contre les djihadistes, pas assez au terreau qui l'alimente » 

La France s’enlise en Afrique d’où elle ne peut plus partir après avoir rompu la digue libyenne si elle veut protéger ses intérêts, car rien n’est réglé. Au Mali, le camp de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) et celui de la force française Barkhane, à Tombouctou, ont été la cible d’une attaque « sans précédent » en plein après-midi du samedi 14 avril. Un casque bleu a été tué. Au moins sept autres sont blessés. Sept militaires français ont également été blessés et pris en charge médicalement. Mais plus nos opérations armées, qui font fi de la souveraineté des peuples, perdurent, plus notre image se détériore, et moins s’instaure un dialogue de partenariat véritable qui garantirait l’avenir.

Mais nous avons le même type d’attitude dans le Moyen-Orient où pour satisfaire des intérêts commerciaux, principalement d’armements militaires, nous menons une politique vénale complètement hostile à la souveraineté des peuples, et aux buts masqués pour tromper le peuple. Après avoir mené des actions aériennes sur l’Irak dans une coalition qui s’est donné le droit d’intervenir sans l’aval explicite de l’ONU, nous bombardons la Syrie avec nos missiles. Même si fort peu de missiles français sont arrivés, ou pas du tout selon la Russie, il s’agit d’un acte de guerre délibéré sans aval international et sans preuve de l’organisme international chargé d’enquêter. Si la Russie n’est pas intervenue, elle n’en garde pas moins un chien de sa chienne, comme l’on dit, et si, par malheur, un missile perdu comme il y en a eu, était tombé sur des installations ou des soldats russes, la riposte sur les lanceurs aurait été déclenchée par Poutine comme il l’avait annoncé. Ne pas le faire aurait été pour lui une perte d’aura considérable, mais cela aurait pu déclencher un conflit généralisé. 

Ceci n’a eu comme effet que celui de renforcer les liens de la Syrie avec la Russie, l’Iran et la Chine. Mais nous continuons dans ce délire de politique étrangère avec notre insistance auprès de Trump pour augmenter notre présence au sol en Syrie sans absolument aucun aval international. Nous prétendons aider les Kurdes à lutter contre les factions islamiques, alors que celles-ci quittent la Syrie pour se diriger vers l’Afghanistan et l’Afrique. Le grand danger qui menace les Kurdes c’est la Turquie qui s’est aussi octroyé le droit de venir combattre en Syrie. Nos soldats sont sur place aux côtés des américains dans un imbroglio dont le premier résultat est la colère de la Turquie, pays de l’OTAN. D’ailleurs dès le 29 mars les Kurdes se prévalaient d’un appui français dans le nord de la Syrie, zone de combat contre… les Turcs ! Le lendemain 30 mars, Paris précisait pourtant qu’une intervention militaire dans le nord de la Syrie ne se ferait que dans le cadre de la coalition dite « arabo-occidentale » dirigée par les États-Unis.

Le secrétaire d’État américain, James Mattis, a annoncé officiellement que la France avait envoyé des soldats en renfort au début du mois d’avril. « Les Français nous ont renforcés en Syrie avec des forces spéciales au cours des deux dernières semaines », a précisé James Mattis, s’exprimant devant le Congrès américain. « Vous allez assister à un nouvel effort dans la vallée de l’Euphrate dans les jours qui viennent », a-t-il ajouté. Selon Washington, il ne s’agit pas de contrer les opérations militaires de la Turquie, mais d’empêcher… un retour de Daesh. Alors que font nos militaires auprès des Kurdes dans le nord-est de la Syrie où ne coule pas l’Euphrate ? Pourtant Macron avait affirmé le 24 avril devant Trump : « Nous avons décidé d’augmenter notre contribution à la coalition et nous sommes totalement impliqués dans la lutte contre Daesh ». De toute évidence la Turquie ne l’a pas constaté ainsi. Elle est maintenant contrainte d’affronter les perspectives d’un soutien conjoint américano-français à ce que son gouvernement considère comme des terroristes kurdes, ce qui ne fera que renforcer son désir d’intensifier la réorientation stratégique de son pays vers l’Est. Les médias turcs ont divulgué l’emplacement de chaque base où les forces françaises seraient censées être déployées comme ils l’ont fait pour les Américains l’été dernier. Ceci expose déjà nos troupes à des actions armées de groupes pro-Ankara actifs dans le cadre de la « guerre civile de la Rojava » qui se déroule dans le nord de la Syrie. 

Mais Macron n’a pas infléchi la détermination de Trump de retirer ses troupes de la Syrie. Selon la recette qui a marché en Libye, ce dernier préfère y utiliser des troupes vassales sur place. Les plans de la France pour aider les États-Unis sur ce champ de bataille et même de les remplacer, pourraient inévitablement conduire Paris à un second bourbier malien. Elle serait alors contrainte de lutter contre les rebelles dans ce qui est devenu une « guerre civile à plusieurs niveaux dans une guerre civile » et non contre les terroristes. N’oublions pas que les Kurdes de Syrie luttent aussi contre les arabes du nord-est de la Syrie et que la France est considérée comme un ancien pays colonisateur. Notre présence ne fait que compliquer un règlement diplomatique dans lequel la Russie et la Turquie ont un rôle majeur à jouer via le processus de paix d’Astana. Un compromis est possible avec une restitution de cette zone du nord-est à la Syrie moyennant une avancée dans la décentralisation. Notre présence armée en Syrie ne fait que nous désigner comme l’ennemi numéro 1 du gouvernement syrien.

Les conflits intra-OTAN atteignent un point d’ébullition avec les États-Unis, la Grèce et maintenant la France s’alignant tous contre les intérêts régionaux de la Turquie en réponse à l’approche multipolaire d’Ankara après le coup d’État. La France gâche définitivement ses chances de servir de médiateur mais aussi de bénéficier de marchés juteux dans la phase de reconstruction de la Syrie. Pendant ce temps Donald Trump va éviter de faire tuer ses soldats et réaliser des économies, en nous laissant œuvrer à sa place. Le fort fait trembler les récalcitrants, mais le faible qui joue le fort est vite démasqué et ridiculisé. On ne joue pas gagnant contre la Russie, la Turquie, et l’Iran derrière sans compter la Chine, quand on n’est que le vassal d’un pays puissant qui ne verra que ses propres intérêts et, le moment venu, nous laissera dans notre mouise.

Depuis sa réintégration à l’OTAN, la France se ridiculise. 

De la France médiatrice des compromis de paix,

Elle sombre dans une vassalité guerrière 

Qui multiplie faux amis et ennemis

Faisant dire aux peuples amis 

Mais où va la France ?
 
Claude Trouvé 
30/0418