Un
article de l’économiste Patrick Artus, paru dans Atlantico, est présenté sous
un titre inquiétant pour les européistes : « L’Allemagne s’est-elle exclue de fait de la zone euro ? » Nous
savons que la force d’une monnaie tient dans la confiance que nous avons en
elle. C’est ce qui nous fait accepter une monnaie non échangeable à parité fixe
avec de l’or par exemple. Lorsque la confiance est retirée, la monnaie
s’écroule et la course entre la dévaluation de la monnaie et le prix des biens
matériels est enclenchée. C’est ce qu’a connu l’Allemagne avant Hitler et qui
reste dans la tête des générations postérieures. Ce qui est vrai
pour une monnaie nationale l’est aussi pour une monnaie partagée dans plusieurs
pays comme l’euro, mais aussi pour la livre ou le dollar dont, dans de nombreux
pays du monde, la monnaie nationale est rattachée à ces monnaies dites de
réserve.
Or
on observe deux phénomènes dans lesquels l’Allemagne joue un rôle pivot et qui
procèdent d’une perte de confiance dans l’euro qui atteint en priorité les
investisseurs professionnels, comme les entreprises spéculatrices, mais d’une
façon plus générale, ceux qui veulent éviter le risque. Si une entreprise
investit en Argentine, elle prend un risque important de voir le peso argentin
se dévaluer rapidement et de récupérer son argent avec de grosses pertes. Elle
va donc se couvrir en payant une assurance-risque, dite le risque de change qui
vous garantit de récupérer votre argent quelle que soit les dévaluations du
peso (mais pas les plus d’une réévaluation). Toutes les grandes entreprises
pratiquent le risque de change. Évidemment toute assurance se paie, et la prime
est d’autant plus élevée que le risque est estimé grand par celui qui assure.
Si
Patrick Artus a écrit ce titre inquiétant, c’est qu’il observe une perte de
confiance dans la monnaie. La zone euro a une monnaie qui est en même temps
reconnue et payable dans toute la zone tout autant qu’elle reste une monnaie
nationale puisque ce sont les banques centrales des différents pays qui
émettent les pièces et billets même si elle en rend compte à la Banque Centrale
Européenne (BCE). Vous le constatez en les regardant, car ils portent tous des
dessins et effigies différents. Ces banques centrales échangent et font les
transferts d’argent d’un pays à l’autre grâce à une plateforme interbancaire
spécifique à parité 1 pour 1. Ainsi par le mécanisme, dit Target, 1 euro détenu
dans une banque française va pouvoir être transféré pour 1 euro dans une banque
allemande. On perçoit ainsi que l’euro détenu en France ne vaut l’euro détenu
en Allemagne que si la règle de parité 1 pour 1 est toujours valable.
Ce
point est fondamental. Nous ne sommes pas dans le cas d’une BCE, seule
habilitée à émettre les euros pour l’ensemble des pays de la zone, auquel cas
le mécanisme de parité n’aurait pas lieu d’exister. L’euro reste en fait une
monnaie nationale avec une confiance de l’ensemble des pays de la zone pour
lier ces monnaies par une parité 1 pour 1. Or les mouvements de capitaux
sont révélateurs du degré de confiance que les investisseurs ont dans la
monnaie. C’est le cas de l’amplification des transferts d’euros des investisseurs
italiens vers l’Allemagne. Pourquoi ? Parce que le risque de sortie de
l’Italie ou d’effondrement de la zone euro n’est pas considéré par eux comme
nul ou négligeable. Les Grecs et d’autres pays en difficulté font le même
raisonnement. Du coup la Bundesbank allemande voit grossir le montant de ses
créances (car il n’y a pas transfert physique des euros) à un niveau record de
950 milliards d’euros. Celle-ci s’inquiète car en cas de d’effondrement de
l’euro, les nouvelles monnaies nationales seront dépréciées par rapport à
l’euro allemand, restant euromark, et la Bundesbank peut ne récupérer qu’une
faible partie des créances.
Mais
les allemands sont si conscients du risque que leurs investisseurs font le
processus inverse, ils investissent hors de la zone euro
puisque c’est eux qui détiennent l’euro allemand, considéré comme le plus
solide. N’oublions pas que l’Allemagne a imposé l’euromark, et que pour eux 1
mark s’est transformé instantanément en 1 euro. L’Allemagne anticipe un
effondrement de la zone euro. Il vaut mieux investir dans les pays hors zone
euro et encore mieux hors UE parce que ces monnaies ont trouvé un taux de
change convenant à leur économie et génèrent la confiance chez les
investisseurs. C’est ce processus de perte de confiance qui fait que l’euro des
pays de la zone ne devient plus échangeable ou fongible d’un pays à l’autre
dans l’esprit des investisseurs. La zone euro est en train d’éclater de fait.
D’ailleurs les taux d’intérêts varient d’un pays à l’autre et sont bien un
indicateur supplémentaire de la perte de confiance, confiance qui redevient
liée à la santé économique et structurelle des différents pays qui composent la
zone euro.
Vincent
Brousseau, ancien économiste de la BCE et économiste de l’UPR, donne à ce
phénomène de risque de retour à des monnaies indépendantes, phénomène propre à
la zone euro, le nom de risque de redénomination. Son article est consultable
sur UPR.fr. Il n’en reste pas moins vrai que la perte de confiance résulte au
départ de l’idée que l’on se fait de la santé de chacun des pays de la zone.
C’est une idée globale qui tient aussi bien des données économiques et
budgétaires, que de la stabilité politique, voire sociale, et de la sécurité
qui y règne. Le paramètre économique est à priori le premier qui consolide ou
détruit la confiance et on peut jeter un coup d’œil sur le PIB/habitant PPA à
monnaie constante qui permet des comparaisons sur le monde entier concernant la
richesse accumulée.
Le graphique
ci-dessus donne une idée du placement de l’UE dans le monde avec des pays hors
UE sur une croissance annuelle du PIB/habitant pendant la période 2010-2016. On
voit ainsi que l’UE ne donne un avantage par rapport ni aux USA, ni aux pays de
l’OCDE, ni à un pays européen hors UE, ni au Japon, ni à la Chine. La zone euro
n’apporte rien de plus, bien au contraire. L’euro protecteur est bien un mythe
même s’il perdure comme une vérité incontestable transformée en dogme pour les
peuples désinformés.
On
peut le constater sur un graphique donnant quelques pays principaux de l’UE. On
voit se détacher l’Allemagne et les pays hors zone euro. La France fait moins
bien que la zone euro, laquelle fait moins bien que l’UE, laquelle est en dessous
de l’OCDE pour le taux de croissance annuelle. La Suède et le Danemark avec
leur monnaie nationale font pratiquement aussi bien que la France. La France doit
néanmoins se poser la question de savoir pourquoi elle réussit moins bien que
la Belgique, sa petite voisine en partie francophone. Derrière la France on
retrouve tous les pays du sud que l’euro tue à petit feu. Après la Grèce et Chypre,
c’est désormais l’Italie qui va dans le gouffre, mais pour les italiens le
mythe de l’euro les a en grande partie quittés. Ses capitaux la quittent et ceux
de l’Allemagne la boude.
Le
flux de capitaux des pays de la zone euro vers l’Allemagne, et celui des
capitaux allemands hors des pays de cette zone et hors de l’UE, appauvrissent
la zone euro et sont en train de conduire à l’éclatement de cette zone qui ne
tient que par la volonté allemande et ses pays satellites. Jusqu’à quand y
aura-t-elle intérêt ? C’est la seule question à se poser. Il n’y
a pas de bonne solution avec une monnaie unique dans 19 pays aussi différents
économiquement, socialement, historiquement. La zone euro court à sa perte et
entraînera l’UE dans sa chute.
Le mythe de l’euro, support de l’UE, s’effondre
Devant la réalité d’une fuite de
capitaux
Que justifie une perte de confiance
Vouant une monnaie à la mort.
Claude
Trouvé
09/04/18
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