Les commentateurs politiques,
toujours particulièrement perspicaces, ne tarissaient pas de remarques sur le
peu d’intérêt des français pour les élections européennes de mai 2019. Dans le
sillage des législatives, on allait battre des records d’abstention. On peut désormais
prédire que cette élection va avoir une importance considérable avec des débats
acharnés sur l’Union Européenne et l’euro où pour une fois la pensée unique,
mise au pied du mur, va devoir s’expliquer. Au moment des présidentielles, le
sujet de l’UE avait été écarté d’un revers de main, car très peu abordé, et peu
mis en cause. La sortie de l’UE n’était pas envisagée comme une politique
gouvernementale raisonnable sauf par François Asselineau brandissant le Frexit
et les Grandes Orientations de la Politique Économique de l’UE. Le très faible
score de ce parti, l’Union pour la République, avait, provisoirement tout au
moins, renvoyé ce débat aux calendes grecques, pensait Macron et les autres qui
eux pansaient leurs plaies. Marine Le Pen recentre sa politique sur le débat sécuritaire
et migratoire. LR se voit comme le poil à gratter d’un Macron ultralibéral. La France
insoumise oublie son plan B de réforme de l’UE pour se concentrer sur les
mesures sociales et se forger une attitude de premier parti d’opposition
profitant du fait d’avoir un groupe à l’Assemblée Nationale au contraire du FN
en proie de plus à un séisme interne.
Macron, enveloppé dans le drapeau européen, parlant la langue anglo-saxonne
à tout bout de champ, prenait la tête d’une remise en ordre de l’UE en profitant
du silence d’Angela Merkel à la recherche d’un compromis difficile de
gouvernement. On allait voir ce qu’on allait voir. Les Etats européens d’Europe
centrale allaient devoir se rattacher leurs travailleurs détachés, le Ministre
des Finances de l’UE était une avancée indispensable comme l’Europe de la Défense,
la taxe sur les GAFA un impératif, la mutualisation de la dette une nécessité
et il se voyait bien coordonner la politique étrangère de l’UE en meilleur
suiveur de celle des Etats-Unis. On voit ce qu’il en a été de toutes ces
fanfaronnades après avoir joué au bouffon du roi Trump à Washington où il a
réussi à vanter là-bas un nouvel accord avec l’Iran, donc une remise
en cause, et de parler d’aménagements secondaires de retour en France. Mais dans
l’UE, les pays de l’Est l’ont poliment écouté ou renvoyé à ses affaires françaises
par la Pologne, et sur tous les autres sujets l’Allemagne traîne diplomatiquement
les pieds, montrant donc son opposition bien assistée par les pays devenus satellites
économiques.
L’Allemagne est de retour sur la scène intérieure européenne et n’a pas
l’intention de laisser Macron lui voler la place de pays le plus lié économiquement
aux USA moyennant l’ouverture du pays aux bases américaines. Elle laisse facilement
son leadership pour les interventions coûteuses au Moyen-Orient et en Afrique
comme lot de consolation mais ne laisse pas sa place dans les discussions avec
l’Iran et l’Ukraine, en gardant même le leadership dans les discussions avec la
Turquie. Le flamboyant Macron se voit donc décerner le prix Charlemagne sur la
recommandation de ses pairs, banquiers et multinationales, mais son discours où
il attaque l’Allemagne accusée de faire trop de bénéfices est un aveu d’impuissance,
surtout dans un couple dont il vante l’unisson de point de vue, et ce coup de
canif public est vexant et inutile. L’Allemagne ne se laissera pas impressionner,
car le peuple allemand est tout aussi pragmatique que le peuple français est
idéologiste. Angela Merkel amasse des sous, protège l’Allemagne de toute mainmise,
et ne pond pas de nouvelles idées européennes chaque mois. Macron est donc
renvoyé dans la file d’attente.
Mais pour Macron le temps presse car les
évènements se précipitent. La Hongrie et la Tchécoslovaquie prennent des
décisions unilatérales sur l’immigration et sont passibles de sanctions
européennes. La Pologne prend de mesures judiciaires non conformes avec la
juridiction européenne et refuse de les annuler. Un groupe historique de pays de
l’Europe centrale lance des projets et des initiatives économiques, le groupe
de Visegrád avec la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie.
C’est ainsi que le groupe de Visegrád est au centre de l’Initiative des trois
mers (Baltique, Noire et Adriatique), lancée le 25 août 2016 à Dubrovnik en
présence de représentants des États-Unis et de la Chine. Cette organisation
rassemble douze pays européens de la Baltique à la mer Noire et à l’Adriatique
– groupe de Visegrád plus Lituanie, Estonie, Lettonie, Autriche, Slovénie,
Croatie, Roumanie, Bulgarie – autour de projets communs. Ceci montre clairement
que les intérêts des 27 pays ne sont pas les mêmes et génèrent des
sous-groupements autour d’intérêts communs.
Mais l’urgence devient déterminante quand le bruit court selon lequel l’Allemagne
réfléchirait à inclure dans les documents juridiques de la Zone euro la
possibilité de sortie, comme l’Article 50 pour la sortie de l’UE. Ceci vient se
marier avec l’idée italienne de création d’une monnaie interne sans sortir de
la zone. Le programme de la nouvelle coalition italienne n’en fait pas mention
mais le bruit est persistant et celle-ci n’est pas aussi européiste que le
gouvernement précédent. L’Italie, malgré une bonne dynamique dans le commerce
extérieur croûle sous les intérêts d’une dette qui continue à croître et le
peuple italien est de plus en plus europhobe. Si la troisième économie de l’UE
sortait de la zone euro, cela impliquerait sa sortie de l’UE, d’où l’idée
allemande de l’inclusion d’une clause de sortie de la Zone. Mais cela voudrait
dire que la dette italienne envers les différentes banques centrales européennes
devrait être épongée par les autres pays et particulièrement l’Allemagne, puis
la France, sur des sommes risquant de mettre leur économie à plat, donc créant
une crise sans précédent et destructrice de la zone euro mais aussi de l’UE.
Mais il n’est pas dit que l’Allemagne accumulant à la Bundesbank près de 1.000 milliards
de créances dont des centaines italiennes ne prenne pas peur et utilise la
nouvelle clause de sortie de la zone euro !
Il y a le feu au lac et l’idée même d’une Zone resserrée autour des pays
fondateurs en prend un coup. Mais Macron s’impatiente car il risque gros en mai
2019 si le peuple français prend conscience du peu de protection de l’UE et de
l’euro en cas de coup dur auquel cas ce sera du chacun pour soi. Le pays qui s’en
tirera toujours le mieux sera l’Allemagne. Macron vient donc de lancer un
ultimatum pour être entendu de sa partenaire allemande d’abord et des autres
membres de l’UE. Il clame l’urgence de la nécessité de réformes et cite expressément
le danger de l’Italie. Bref Macron prend peur. Il bombe le torse en affirmant que
la France (grâce à lui) est de nouveau en forme, « La France a fait des propositions, la France a fait des réformes, et maintenant
la France attend », et qu’il en est le moteur pour avoir été élu président
sur son crédo européen. Il faut aboutir dès le mois de juin, sinon il sera trop
tard, et il met directement la chancelière en demeure d’œuvrer à sa vision
européenne, sous-entendu fédéraliste. Il menace même de disloquer l’UE actuelle :
« Ceux qui auraient des doutes ou
penseraient pouvoir se dispenser de ces réformes… [doivent laisser] l’histoire
derrière eux. C’est maintenant le moment de prendre des décisions ».
« Je pense que depuis la
Seconde Guerre Mondiale, il n’y a jamais eu un moment d’une telle importance historique ».
Ce n’est plus Macron qui parle, c’est De Gaulle. Mais celui-ci lui dirait :
« quand on affirme à la BBC, que s’il y avait un référendum en France, le
peuple renierait l’UE, et qu’en même temps on crie à l’UE mal en point, on n’impose
pas plus d’UE, on s’en va… comme je l’ai fait » En s’agitant
fébrilement Macron vient de montrer deux choses, que l’UE est en train de
mourir pour avoir négligé la souveraineté des peuples, que la zone euro va
mourir pour avoir mis un carcan monétaire sur des économies et des lois
fiscales et sociales de niveau très différent, et qu’une UE à 27 avec la règle
de l’unanimité ne peut se réformer. Macron se veut pompier car sa survie est en
jeu, mais les lances à incendie ne convergent pas vers le cœur du foyer. Ce
faisant il avoue son impuissance et qu’il est temps pour la France de retrouver
sa souveraineté.
Si l’on
ne fait pas une omelette sans casser des œufs
On
ne la mange pas si les œufs sont pourris.
Le
mirage des Etats-Unis d’Europe
Se
fracasse sur la dure réalité.
L’argent
tue tout, même l’UE
Et
son union monétaire !
Claude Trouvé
18/05/18
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire