Le programme Fillon est économiquement et
socialement suicidaire car l’augmentation du temps de travail ne peut qu’aggraver
le taux de chômage qui va jouer sur la consommation intérieure et diminuer le
PIB. L’étude que j’ai proposée dans un précédent article a montré que le nombre
annuel d’heures travaillées, qui peut varier en fonction du nombre de jours
travaillés et de la durée hebdomadaire du travail, a un effet négatif comme le
montre le graphique à partir de données 2015 de l’OCDE. La plupart des grands pays
de l’Espace Économique Européen y sont représentés, sauf le Luxembourg, l’Irlande,
la Norvège et la Suisse dont les PIB/habitant sont très supérieurs à l’ensemble
des autres pays européens. Ils méritent une étude particulière de leur singularité.
Le cas de l’Irlande est révélateur de l’impact des charges sur les entreprises.
L’augmentation du nombre d’heures de travail diminue le PIB/habitant et par
là-même le pouvoir d’achat des travailleurs. Le raisonnement est global mais s’applique
plus précisément au secteur privé. Le lien est statistiquement fort et
incontournable dans l’état de croissance moyenne faible dans ces pays en 2015.
La France apparaît comme un pays qui devrait avoir un
PIB/habitant de 45471$ au lieu de 39812,7$ (selon la tendance ci-dessus) soit un
retard de 5658$ du PIB/habitant ou 12,4%. A nombre d’habitants constant, c’est
12,4% de PIB perdus donc de croissance potentielle perdue. Il y a donc d’autres
raisons à ce retard qu'il faut chercher dans la plus faible valeur ajoutée,
elle-même dépendante des charges sur les entreprises, et probablement dans la
charge beaucoup plus importante du secteur public. L’augmentation des heures
travaillées diminue la croissance. C’est ailleurs qu’il faut chercher la
croissance et nous avons un potentiel de 12% de croissance que certaines
mesures du plan Fillon peuvent aller chercher. Mais augmenter de 2h de travail
hebdomadaire sur les 36,9h moyennes travaillées en 2015 conduit à augmenter les
1482h actuelles de 5,42% soit de 80h annuellement. Selon la loi générale
énoncée ci-dessus, ceci entraîne une baisse de 1,66% du PIB/habitant. Cette
mesure aggrave l’écart à 14,1% au lieu des 12,4% actuels.
Si l’augmentation des heures travaillées est
défavorable à la croissance, elle l’est aussi pour le taux de chômage. L’idée
que le chômage est lié à la croissance est admise par tous les économistes. Le
chiffre de 1,5% de croissance pour espérer stabiliser le taux de chômage est
même officialisé. Le graphique ci-contre montre que le taux de chômage est très
lié en fait au PIB/habitant si l’on reprend les mêmes Etats européens. Deux
pays offrent des taux de chômage beaucoup plus élevés que la loi générale qui
reste statistiquement raisonnablement probable. Cette fois la France s’aligne
bien sur celle-ci, ce qui a tendance à dire que la croissance a une répercussion
« normale » sur le taux de chômage. Il est intéressant de noter qu’au
Portugal, et au Royaume-Uni l’impact du PIB/habitant sur le taux de chômage est
moins important que la moyenne et que c’est le contraire pour la Grèce et l’Espagne.
Cet aspect est à creuser. L’augmentation
du PIB/habitant est donc bien un facteur favorable à la diminution du chômage. L’augmentation
du PIB/habitant de 1000$ entraîne une baisse du chômage de 0,664 %. Pour la France
ceci veut dire que 1% d’augmentation du PIB hors inflation donc de croissance réelle
entraîne une baisse du chômage de 0,26% dans le cadre de la politique actuelle.
Qu’en est-il de l’impact des heures travaillées sur
le taux de chômage ? Le lien est fort et, comme pour le PIB/habitant, l’augmentation
des heures travaillées est défavorable au taux de chômage. La France se place d’ailleurs
en position plus défavorable que la moyenne des pays européens retenus pour
cette étude et l’écart est de 3% ce qui est énorme et rejoint notre retard de
12% sur le PIB/habitant liée au nombre d’heures travaillées. On note que c’est
encore plus le cas pour la Grèce et l’Espagne. En revanche l’impact est
beaucoup plus faible pour le Royaume-Uni et le Portugal. Suivant la loi
statistique trouvée, 100h travaillées de plus entraînent une hausse du taux de chômage
de 2,3%.
On peut donc faire un bilan pour la France de l’impact
des heures travaillées sur le PIB/habitant et le taux de chômage. Si l’on
augmente de 2h hebdomadaires le temps de travail, il s’ensuit une augmentation
de 80h annuellement comme on l’a vu plus haut. Elles entraînent une baisse de
2736$ du PIB/habitant soit de 6,9% de la croissance. Cette baisse se répercute
sur le taux de chômage selon la variation statistique publiée ci-dessus et
entraîne une hausse du taux de chômage de 1,8%. En résumé une hausse de 2h
hebdomadaires de travail entraîne une baisse de la croissance de 6,9% et une
hausse du taux de chômage de 1,8%, toutes choses égales par ailleurs. La politique
socio-économique préconisée par Fillon nous conduit à l’échec. En effet pour
compenser l’effet de l’augmentation des heures travaillées, il faut que les
autres mesures économiques entraînent par ailleurs une augmentation de la
croissance 2015 de près de 7%, ce qui est irréalisable.
Le programme Fillon
conduit à l’échec sauf à sortir de l’euro et, pour d’autres raisons, de l’UE. Seul un coup de pouce important de la
monnaie, amenant une amélioration brutale de la compétitivité sans négliger d’autres
mesures économiques indispensables, peut donner le coup de fouet nécessaire à
notre économie. Il faut passer de l’euromark à l’eurodollar, qui donne un coup
de pouce de 15% sur les exportations même si une partie est reperdue sur l’achat
des matières premières. La France a un handicap parce que les heures de travail
ne sont pas assez valorisées, et non parce que nous ne travaillons pas assez. C’est
ce point qui doit nous donner la solution par la baisse de la pression fiscale
sur le consommateur et sur les entreprises. La hausse de la TVA va dans le
mauvais sens. Travailler plus à taux horaire globalement réduit, c’est offrir
plus à consommer alors que la consommation intérieure n’est pas boostée par une
baisse de la pression fiscale et que l’épargne est en baisse, le crédit en
hausse. C’est ramer à contre-courant, appauvrir le pays en dirigeant son argent
du bas vers le haut.
Sans sortie de l’euro le
programme Fillon conduit à l’échec.
C’est la politique d’austérité
souhaitée par les banquiers.
Elle a fait ses preuves
en Grèce et au Portugal.
L’Espagne et l’Italie ne
vont pas y couper,
La France en prend le
chemin.
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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